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L’ultime roman de Bukowski est un polar. Déjà, l’ultime de roman Bukowski est un roman, je veux dire par là : une fiction. C’est tout de même important car c’est son seul roman qui ne soit même pas autobiographique à 1%.
On y fait donc la connaissance de Nick Belane, un détective privé qui ressemble beaucoup à ce cher vieux Hank Chinaski (lequel apparaît d’ailleurs en « guest » !) mais aussi à beaucoup d’autre privés de la littérature hard-boiled dont Bukowski s’est gavé durant son adolescence. Nick Belane se voit confier quatre enquêtes toutes aussi délicates les unes que les autres, et pour cause : la première, découvrir l’amant de Cindy Bass, c’est fastoche (croit-il), c’est dans ses cordes. La seconde, retrouver Louis-Ferdinand Céline, ce mandaté par une certaine Madame Faucheuse, est plus compliquée puisque Céline est censé être mort en 1961. La troisième n’est pas plus simple : on lui demande de trouver Le Moineau Pourpe. Personne ne sait ce que c’est, mais il doit le trouver. Et pour couronner le tout il a sur le dos un certain Hal Grovers, qui prétend être persécuté par un monstre de l’espace, Jeannie Nitro.
On rit, un peu, beaucoup, passionnément… on rit, mais on ne sait pas trop pourquoi. En toute objectivité, Pulp n’est pas le meilleur roman de Bukowski, et ce n’est même pas un très grand roman. Mais qu’est-ce qu’on s’y amuse ! Hank reprend tous les clichés du genre polar (ou pulp, ou hard-boiled, ou tout ce que vous voudrez) et les fait voler en éclat avec la subtilité qu’on lui connaît. Son Belane n’est pas totalement un descendant des héros de Chandler ou Hammett, mais il n’en est pas non plus tout à fait un pastiche. Il navigue entre les deux eaux. Si on voulait vraiment le définir (est-ce bien nécessaire ?) on dirait que c’est un personnage typiquement bukowskien paumé dans un univers typiquement chandlerien… qu’il ne comprend que partiellement. Il faut dire à la décharge de Belane qu’entre Céline qui n’est pas mort et hante les couloirs d’une librairie en quête d’exemplaires uniques de Faulkner, la monstresse de l’espace qui est une bombe sexuelle et ce foutu Moineau Pourpre qui lui échappe perpétuellement, on ne l’aide pas vraiment à comprendre. Heureusement, il lui reste les courses et la vodka…
Ce roman est vraiment étrange. Pas seulement parce qu’il dévie rapidement dans le tout et le n’importe quoi, mais aussi parce que c’est le dernier que l’auteur publia de son vivant. Au moment de l’écriture, au début des années 90, il est malade comme pas permis, il sait pertinemment qu’il va y passer et il se paie avec ça une mort symbolique à la fois tragique et poétique. Il en profite aussi pour payer son tribut aux auteurs dits « de gare » (auxquels il dédie l’ouvrage), avec qui il s’est toujours senti bien plus d’affinités qu’avec ses contemporains. Comme eux, il a écrit à la chaîne. Comme eux, il a parfois fait dans l’alimentaire, en surenchérissant dans le sexe et la violence. Comme eux, il ne s’est jamais pris au sérieux… Alors il paie sa dette, et solde les comptes. Histoire de finir en beauté. La conclusion du livre (et de l’œuvre ?), il l’offre à sa version goguenarde et affreusement ressemblante de Céline (son auteur préféré) :
« Dans le temps, la vie des écrivains était plus intéressante que leurs écrits. Désormais, ni l’un ni l’autre n’offre plus le moindre intérêt. »
La boucle est bouclée : le vieux Hank, dont on a tendance à oublier qu’il ne publia que trois romans dans les quinze dernières années de son existence, ne se sent plus à sa place. Peut-être n’est-ce pas plus mal de terminer ainsi, dans un éclat de rire. Sûrement.
L’ultime roman de Bukowski est un polar. Déjà, l’ultime de roman Bukowski est un roman, je veux dire par là : une fiction. C’est tout de même important car c’est son seul roman qui ne soit même pas autobiographique à 1%.
On y fait donc la connaissance de Nick Belane, un détective privé qui ressemble beaucoup à ce cher vieux Hank Chinaski (lequel apparaît d’ailleurs en « guest » !) mais aussi à beaucoup d’autre privés de la littérature hard-boiled dont Bukowski s’est gavé durant son adolescence. Nick Belane se voit confier quatre enquêtes toutes aussi délicates les unes que les autres, et pour cause : la première, découvrir l’amant de Cindy Bass, c’est fastoche (croit-il), c’est dans ses cordes. La seconde, retrouver Louis-Ferdinand Céline, ce mandaté par une certaine Madame Faucheuse, est plus compliquée puisque Céline est censé être mort en 1961. La troisième n’est pas plus simple : on lui demande de trouver Le Moineau Pourpe. Personne ne sait ce que c’est, mais il doit le trouver. Et pour couronner le tout il a sur le dos un certain Hal Grovers, qui prétend être persécuté par un monstre de l’espace, Jeannie Nitro.
On rit, un peu, beaucoup, passionnément… on rit, mais on ne sait pas trop pourquoi. En toute objectivité, Pulp n’est pas le meilleur roman de Bukowski, et ce n’est même pas un très grand roman. Mais qu’est-ce qu’on s’y amuse ! Hank reprend tous les clichés du genre polar (ou pulp, ou hard-boiled, ou tout ce que vous voudrez) et les fait voler en éclat avec la subtilité qu’on lui connaît. Son Belane n’est pas totalement un descendant des héros de Chandler ou Hammett, mais il n’en est pas non plus tout à fait un pastiche. Il navigue entre les deux eaux. Si on voulait vraiment le définir (est-ce bien nécessaire ?) on dirait que c’est un personnage typiquement bukowskien paumé dans un univers typiquement chandlerien… qu’il ne comprend que partiellement. Il faut dire à la décharge de Belane qu’entre Céline qui n’est pas mort et hante les couloirs d’une librairie en quête d’exemplaires uniques de Faulkner, la monstresse de l’espace qui est une bombe sexuelle et ce foutu Moineau Pourpre qui lui échappe perpétuellement, on ne l’aide pas vraiment à comprendre. Heureusement, il lui reste les courses et la vodka…
Ce roman est vraiment étrange. Pas seulement parce qu’il dévie rapidement dans le tout et le n’importe quoi, mais aussi parce que c’est le dernier que l’auteur publia de son vivant. Au moment de l’écriture, au début des années 90, il est malade comme pas permis, il sait pertinemment qu’il va y passer et il se paie avec ça une mort symbolique à la fois tragique et poétique. Il en profite aussi pour payer son tribut aux auteurs dits « de gare » (auxquels il dédie l’ouvrage), avec qui il s’est toujours senti bien plus d’affinités qu’avec ses contemporains. Comme eux, il a écrit à la chaîne. Comme eux, il a parfois fait dans l’alimentaire, en surenchérissant dans le sexe et la violence. Comme eux, il ne s’est jamais pris au sérieux… Alors il paie sa dette, et solde les comptes. Histoire de finir en beauté. La conclusion du livre (et de l’œuvre ?), il l’offre à sa version goguenarde et affreusement ressemblante de Céline (son auteur préféré) :
« Dans le temps, la vie des écrivains était plus intéressante que leurs écrits. Désormais, ni l’un ni l’autre n’offre plus le moindre intérêt. »
La boucle est bouclée : le vieux Hank, dont on a tendance à oublier qu’il ne publia que trois romans dans les quinze dernières années de son existence, ne se sent plus à sa place. Peut-être n’est-ce pas plus mal de terminer ainsi, dans un éclat de rire. Sûrement.
👍👍 Pulp
Charles Bukowski | Black Sparrow Books, 1994