...
Silence, on ment prétend dénoncer l'hypocrisie du monde médiatique. Vaste programme, mes amis ! Et première révélation, de taille : le monde des médias serait en fait un panier de crabes ambitieux, conspirateurs et faux-cul comme pas deux. Wow. Heureusement que Gilles Martin-Chauffier (1) était là pour nous le dire, à nous, pauvres VPIP (Very Pas Important People). Dans le genre défonçage de porte ouverte, on pouvait difficilement faire mieux. Reconnaissons cependant à sa décharge que c'est un trait commun à tous les bouquins s'étant attaqués dans les années 90 / 2000 au thème de la télé, du culte Saga de Tonino Benacquista à l'inégal (mais sympathique) One Man Show de Nicolas Fargues.
Heureusement GMC écrit plutôt pas mal - ouf. Du coup, les vingt premières pages constituent un roman à clés plutôt amusant, non non, cette actrice star à Hollywood qui a pleuré sur le sorts des petits bosniaques à une remise de Prix n'est pas Sophie Marceau, cette vieille dame indigne au regard bleu glacé qui rédigea trente années durant des critiques télés pour Le Monde n'est pas Claude Sarraute, évidemment cet ex-ministre des finances au nom composé exclu du gouvernement Jospin pour des raisons politco-financières n'est pas DSK... et le narrateur, bien sûr, séduisant quinquagénaire animant un talk-show pseudo provoc en seconde partie de soirée le samedi soir n'est pas du tout Thierry Ardisson... de même que cet avant-centre de l’Équipe de France rebelle qu'il invite un soir, qui balance sur tout le monde et vit reclus au milieu de son clan dans le 93 n'est pas Nicolas Anelka.
Amusant... certes, mais un peu fatigant à la longue, comme tout exercice de ce type lorsqu'on le prive de son corollaire : la subtilité. Martin-Chauffier n'en a cure, qui charge la barque tout le long des deux premiers chapitres - quitte à ennuyer un brin. Son problème ? Les stars de la télé qu'il satirise à l'envi (et non sans manichéisme) ne passeront pas à la postérité de la même manière qu'un DSK ou un Anelka (qui déjà ne passeront pas à la postérité de la même manière, sauf éventuellement si Anelka venait à remporter une Coupe du Monde... ) Qui saura encore lire son roman à clés dans vingt ans ? Qui même en aura en vie, mis à part quelques archéologues et peut-être le Pierre Tchernia de son temps ? Et surtout : vous qui me lisez du futur, savez-vous qui est Pierre Tchernia ?
Mais ouf ! (bis) le roman bascule soudain dans le polar jet-set, un flic pour le moins étrange mène l'enquête, et bien sûr il va y avoir du sexe puisqu'un livre pseudo coup de poing ne peut être totalement abouti s'il n'y a pas du sexe (ainsi que de la drogue et du mauvais rock'n'roll). un peu comme si l'auteur s'était rendu compte de lui-même que sa satire, aussi corrosive soit-elle, ne pourrait tenir la longueur sans une bonne intrigue pour la soutenir. Il évite ainsi l'erreur fatale de Beigbeder dans 99 francs (erreur qui était je le rappelle qu'après avoir lu la première partie du bouquin le reste n'était que redite). Pour amener ça, il a eu une idée lumineuse : diviser son roman en cinq parties, chacune narrée par un des personnages clé. Idée qui aurait été totalement révolutionnaire à 73 ans près (puisqu'elle a été inventée par Faulkner dans As I Lay Dying en 1930). Là je suis méchant. Je ne réclame pas l'originalité à tout prix : juste un peu de fraîcheur. C'est là que le bât blesse vraiment : ces multiples narrateurs viennent de milieux sociaux très différents mais ils s'expriment tous dans le même registre de langage. Le présentateur télé s'exprime comme le flic de quartier, qui s'exprime comme la copine du joueur de foot du 9-3. A peine si on différencie les passages narrés par les femmes des passages narrés par les hommes.
L'archétype de la fausse bonne idée en somme, surtout si l'on considère que l'auteur a passé toute la première partie à parfaitement caractériser ses personnages et que, dès lors que ceux-ci prennent la parole, on ne retrouve plus trace de leur caractère. Et surtout, le seul personnage qui n'ait pas son tour de narration, c'est le footballeur. Or, c'est le rouage central du roman. Je ne doute pas que ce soit volontaire, mais à mon avis ce n'est pas tellement pour de bonnes raisons : ce n'est pas pour en faire un portrait en creux, par exemple. C'est surtout que dès la première apparition du personnage on se rend très vite compte que Gilles Martin-Chauffier :
1/ ne connaît strictement rien au foot
2/ ne connaît strictement à la vie d'un jeune de banlieue
...or comme le personnage n'a que deux passions dans la vie : le foot et ses potes de banlieue, ç'aurait sans doute été délicat de le faire devenir narrateur d'une des parties.
Que retenir au final de Silence, on ment ? Euh... rien. Plutôt qu'une conclusion explicative, laissez-moi vous dire un secret : cette critique est une archive, elle remonte en fait à 2005. Alors je suis plutôt bien placé pour vous dire qu'on n'en retient rien... puisque j'ai (littéralement) découvert le livre en relisant mes propres mots. Inutile d'en rajouter (1)
(1) Non non non !!! Ça ne veut pas dire que je viens du passé ! Ni du futur de mon passé ! Ça veut juste dire que j'ai relu un vieux texte !
Silence, on ment prétend dénoncer l'hypocrisie du monde médiatique. Vaste programme, mes amis ! Et première révélation, de taille : le monde des médias serait en fait un panier de crabes ambitieux, conspirateurs et faux-cul comme pas deux. Wow. Heureusement que Gilles Martin-Chauffier (1) était là pour nous le dire, à nous, pauvres VPIP (Very Pas Important People). Dans le genre défonçage de porte ouverte, on pouvait difficilement faire mieux. Reconnaissons cependant à sa décharge que c'est un trait commun à tous les bouquins s'étant attaqués dans les années 90 / 2000 au thème de la télé, du culte Saga de Tonino Benacquista à l'inégal (mais sympathique) One Man Show de Nicolas Fargues.
Heureusement GMC écrit plutôt pas mal - ouf. Du coup, les vingt premières pages constituent un roman à clés plutôt amusant, non non, cette actrice star à Hollywood qui a pleuré sur le sorts des petits bosniaques à une remise de Prix n'est pas Sophie Marceau, cette vieille dame indigne au regard bleu glacé qui rédigea trente années durant des critiques télés pour Le Monde n'est pas Claude Sarraute, évidemment cet ex-ministre des finances au nom composé exclu du gouvernement Jospin pour des raisons politco-financières n'est pas DSK... et le narrateur, bien sûr, séduisant quinquagénaire animant un talk-show pseudo provoc en seconde partie de soirée le samedi soir n'est pas du tout Thierry Ardisson... de même que cet avant-centre de l’Équipe de France rebelle qu'il invite un soir, qui balance sur tout le monde et vit reclus au milieu de son clan dans le 93 n'est pas Nicolas Anelka.
Amusant... certes, mais un peu fatigant à la longue, comme tout exercice de ce type lorsqu'on le prive de son corollaire : la subtilité. Martin-Chauffier n'en a cure, qui charge la barque tout le long des deux premiers chapitres - quitte à ennuyer un brin. Son problème ? Les stars de la télé qu'il satirise à l'envi (et non sans manichéisme) ne passeront pas à la postérité de la même manière qu'un DSK ou un Anelka (qui déjà ne passeront pas à la postérité de la même manière, sauf éventuellement si Anelka venait à remporter une Coupe du Monde... ) Qui saura encore lire son roman à clés dans vingt ans ? Qui même en aura en vie, mis à part quelques archéologues et peut-être le Pierre Tchernia de son temps ? Et surtout : vous qui me lisez du futur, savez-vous qui est Pierre Tchernia ?
Mais ouf ! (bis) le roman bascule soudain dans le polar jet-set, un flic pour le moins étrange mène l'enquête, et bien sûr il va y avoir du sexe puisqu'un livre pseudo coup de poing ne peut être totalement abouti s'il n'y a pas du sexe (ainsi que de la drogue et du mauvais rock'n'roll). un peu comme si l'auteur s'était rendu compte de lui-même que sa satire, aussi corrosive soit-elle, ne pourrait tenir la longueur sans une bonne intrigue pour la soutenir. Il évite ainsi l'erreur fatale de Beigbeder dans 99 francs (erreur qui était je le rappelle qu'après avoir lu la première partie du bouquin le reste n'était que redite). Pour amener ça, il a eu une idée lumineuse : diviser son roman en cinq parties, chacune narrée par un des personnages clé. Idée qui aurait été totalement révolutionnaire à 73 ans près (puisqu'elle a été inventée par Faulkner dans As I Lay Dying en 1930). Là je suis méchant. Je ne réclame pas l'originalité à tout prix : juste un peu de fraîcheur. C'est là que le bât blesse vraiment : ces multiples narrateurs viennent de milieux sociaux très différents mais ils s'expriment tous dans le même registre de langage. Le présentateur télé s'exprime comme le flic de quartier, qui s'exprime comme la copine du joueur de foot du 9-3. A peine si on différencie les passages narrés par les femmes des passages narrés par les hommes.
L'archétype de la fausse bonne idée en somme, surtout si l'on considère que l'auteur a passé toute la première partie à parfaitement caractériser ses personnages et que, dès lors que ceux-ci prennent la parole, on ne retrouve plus trace de leur caractère. Et surtout, le seul personnage qui n'ait pas son tour de narration, c'est le footballeur. Or, c'est le rouage central du roman. Je ne doute pas que ce soit volontaire, mais à mon avis ce n'est pas tellement pour de bonnes raisons : ce n'est pas pour en faire un portrait en creux, par exemple. C'est surtout que dès la première apparition du personnage on se rend très vite compte que Gilles Martin-Chauffier :
1/ ne connaît strictement rien au foot
2/ ne connaît strictement à la vie d'un jeune de banlieue
...or comme le personnage n'a que deux passions dans la vie : le foot et ses potes de banlieue, ç'aurait sans doute été délicat de le faire devenir narrateur d'une des parties.
Que retenir au final de Silence, on ment ? Euh... rien. Plutôt qu'une conclusion explicative, laissez-moi vous dire un secret : cette critique est une archive, elle remonte en fait à 2005. Alors je suis plutôt bien placé pour vous dire qu'on n'en retient rien... puisque j'ai (littéralement) découvert le livre en relisant mes propres mots. Inutile d'en rajouter (1)
👎👎 Silence, on ment
Gilles Martin-Chauffier | Grasset, 2003
(1) Non non non !!! Ça ne veut pas dire que je viens du passé ! Ni du futur de mon passé ! Ça veut juste dire que j'ai relu un vieux texte !