[Mes disques à moi (et rien qu'à moi) - N°2]
III - Led Zeppelin (1970)
Etre autodidacte n’a pas que des avantages…
Au temps pour moi : ça n’a AUCUN avantage, sinon celui de pouvoir se la péter grave après (vous noterez au passage que se la péter grave est un truc que j’ai tendance à faire très bien).
J’ai grandi dans une grande maison silencieuse. La musique n’existait pas. Il n’y avait que la radio et quelques chansons de variété entre les infos. Rien d’autre. Il y avait plein de vieux vinyles à la cave, mais pas de platine pour les écouter ; et lorsque la première platine CD est arrivée j’avais 10 ans et elle était pour moi. Cela dit cela m’a offert un avantage énorme, de ne pas avoir de platine à la maison : celui de passer directement du Club Dorothée à Nirvana – et toute la vague grunge avec, genre de grand écart que je continue à affectionner (un jour je vous raconterais mes rencontres avec Corbier). C’est donc à cette époque que j’ai découvert la musique et le fil qui va avec, un long fil sans fin que je continue encore de remonter aujourd’hui… une interminable partition qui me fascinait autant qu’elle me terrifiait – je crois que ça ne fait pas si longtemps que ça que je me suis rendu à l’évidence : non, je ne pourrais jamais avoir tous les disques de l’univers (j’en ai 6000 et des poussières c’est déjà pas si mal).
On commence donc à remonter le fil, mais c’est compliqué quand on a personne pour nous guider. Alors on tâtonne et on fouille. Et généralement, à ce moment là, comme on est môme et qu’on est sans un, on échoue à la cave au milieu des cartons de vieux vinyles totalement foutus. J’en ai trouvé des perles, notamment le Schoot’s out d’Alice Cooper, l’original, celui avec le disque emballé dans une culotte rose (ça coûte la peau du cul de nos jours, sans mauvais jeu de mots). Je vous raconte pas le choc : ma mère, non seulement avait été jeune (ce qui déjà me semblait fort peu plausible) mais en plus elle avait écouté un disque emballé dans une culotte rose…
Il y avait un autre vinyle à la pochette fascinante : à l’intérieur, se trouvait un genre de rouleau en carton qu’on pouvait faire tourner pour changer les images de devant. C’était génial ! aujourd’hui ça a l’air idiot mais à l’époque ce disque de Led Zeppelin, sobrement intitulé III, n’existait pas en cd avec ce packaging ludique.
J’étais au comble du bonheur d’avoir trouvé un truc aussi marrant (je rappelle que j’avais onze ou douze ans alors ne vous moquez pas !)… sauf qu’il n’y avait pas de platine pour l'écouter. Alors j’ai fait un truc fou : j’ai été acheter le CD. Ce n’était pas le premier, mais c’était, disons… mon premier disque « de vieux ». Et il a bien failli être le dernier : six mois plus tard j’en étais encore à écouter sans relâche cet album d’à peine plus de 40 minutes. Dix chansons qui m’ont ouvert des portes dont je ne soupçonnais même pas l’existence.
Bien sûr tous les disques de Led Zeppelin sont géniaux. Ce groupe a eu l’immense intelligence de se séparer avant de devenir mauvais (et surtout de ne jamais se reformer). Mais le Led Zep n°3, de Dieu ! c’est celui qui m’a fait découvrir quasiment tous les styles de musique. On raconte beaucoup de conneries sur ce groupe, notamment que c’est du hard-rock ce qui n’est pas faux, simplement c’est du hard rock sur les deux premiers – après Page et ses potes sont passés à autre chose. Et cette « autre chose » a donné le troisième album à la pochette psychédélique (même si je ne connaissais pas le mot en 1992) qui contient finalement assez peu de chansons connues à l’exception de l’incontournable « Immigrant Song », une ouverture bien rock n’roll dont la rythmique me laisse toujours baba d’admiration à chaque fois, mais qui ne laisse en rien deviner la suite. Une suite où le rock est mis au placard par Jimmy Page (plutôt avare de riffs qui tuent sur ce disque) et surtout John-Paul Jones, le bassiste, l’homme de l’ombre qui servit de baromètre au groupe durant toute sa carrière.
En 1970 John-Paul Jones avait décidé qu’il était plus que temps d’aller jeter un coup d’œil du côté de la folk-music et cela nous donne « Friends » et « Gallows Pole ». Un genre de folk-rock contemplatif qui n’oublie jamais d’être planant (c’est l’époque qui l’exige) et débouche ainsi sur « Tangerine ».
Le premier contact avec la musique est toujours important, mais il n’est finalement pas grand-chose comparé au premier contact avec chaque nouveau genre musical. Evidemment depuis j’ai découvert ce qu’étaient la folk et la country. Mais c’est ce disque étrange et sa pochette bizarre qui m’y ont conduit. Ainsi qu’au blues, car bien entendu on ne peut évoquer ce disque sans nommer « Since I’ve Been Loving You » - sept minutes et vingt-cinq secondes de blues-rock électrique tantôt mélancolique et tantôt nerveux, rageur et désolé. Sans doute l’un des plus grands morceaux de toute l’histoire du rock.
Voilà.
Quelques années après j’ai acheté une platine vinyle d’occasion presqu’uniquement pour ce disque (je n’avais pas des masses de LPs)… j’ai découvert, non sans amertume, que l’exemplaire de ma mère était tellement explosé qu’il était inaudible. Alors je l’ai jeté.
La pochette quant à elle trône en bonne en place au-dessus de mon lit.
Et je continue de m’amuser à faire tourner le petit rouleau dedans au minimum une fois par semaine.
Trois autres disques pour découvrir Led Zeppelin :
II (1969)
Led Zeppelin (1971)
Physical Graffiti (1975)