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Lunar Park, cinquième roman de Bret Easton Ellis en plus de vingt ans, démarre exactement par la même phrase que Less than Zero deux décennies plus tôt. Car, comme le dit l’auteur deux pages plus loin « J’ai pensé qu’il était temps de revenir aux fondamentaux. »
A la question : Lunar Park, c’est quoi ?, nous répondrons ceci : Lunar Park est une œuvre somme. Lunar Park est une anti-autobiographie. Lunar Park est la clé de voûte de l’œuvre de Bret Easton Ellis.
Ce qui signifie, en décodé, que lire Lunar Park sans avoir lu un seul de ses précédents romans n’a strictement aucun sens ni aucun intérêt. Ce serait comme si vous lisiez Les Confessions de Rousseau comme ça, par hasard, sans trop savoir qui est l’auteur…
Lunar Park, cinquième roman de Bret Easton Ellis en plus de vingt ans, démarre exactement par la même phrase que Less than Zero deux décennies plus tôt. Car, comme le dit l’auteur deux pages plus loin « J’ai pensé qu’il était temps de revenir aux fondamentaux. »
A la question : Lunar Park, c’est quoi ?, nous répondrons ceci : Lunar Park est une œuvre somme. Lunar Park est une anti-autobiographie. Lunar Park est la clé de voûte de l’œuvre de Bret Easton Ellis.
Ce qui signifie, en décodé, que lire Lunar Park sans avoir lu un seul de ses précédents romans n’a strictement aucun sens ni aucun intérêt. Ce serait comme si vous lisiez Les Confessions de Rousseau comme ça, par hasard, sans trop savoir qui est l’auteur…
Je vois votre tête : vous vous dites Non mais il divague, là ? Lunar Park commence comme une autobiographie mais après ça dérive vers un genre de thriller post-apocalyptique… rien à voir avec Les Confessions, Ellis prend trop de libertés avec la réalité !! Ah ouais… vous croyez ? Ca, c’est parce que vous avez mal lu Les Confessions. A dire vrai, je suis presque sûr qu’Ellis a pris moins de liberté avec la vérité dans Lunar Park que Rousseau dans Les Confessions. Les deux objets reposent sur le même concept : partir d’un fait avéré et le transcender, l’orienter, jouer avec… la différence est que Rousseau le fait de manière crédible alors qu’Ellis le fait de manière tellement outrancière que forcément, on se doute bien que tout n’est pas vrai. Si vous pensez que Rousseau dit la vérité dans ses Confessions, c’est très inquiétant, car il a été démontré que les trois derniers livres au moins n’étaient qu’un tissu de mensonges plus ou moins volontaires, issus de l’esprit paranoïaque et fatigué de l’auteur.
Il en va exactement de même pour Lunar Park, à ceci près que cet auteur-là a conscience, lui, de ce qu’il raconte. Mieux vaut donc lire entre les lignes. A quoi sert l’avertissement où Ellis nous écrit (en gros) que tout n’est pas vrai mais que c’est à nous de décider du vrai ou du faux mais que c’est quand même ce qu’il a écrit de plus autobiographique ? A trois choses.
Provoquer, d’abord. On parle tout de même de Bret Easton Ellis, et la provocation ne se limite pas forcément à écrire un livre sur un golden boy qui découpe des bonnes femmes.
Expliquer, ensuite. Non pas ce livre précis, mais les autres : on a régulièrement prétendu que les romans de cet auteur étaient autobiographiques (surtout pour Less than Zero). Or, là, il nous démontre clairement le contraire.
Affirmer, enfin, que quoiqu’en pensent les auteurs le lecteur est finalement toujours le seul détenteur du sens de l’œuvre. Exactement ce que Rousseau (on y revient, décidément !) fut le premier à exposer quelques siècles plus tôt, au terme du livre 4 des susmentionnées Confessions. Une affirmation que la plupart des écrivains, trop orgueilleux et imbus de leur génie, se sont empressés d’oublier. Pas Bret Easton Ellis. Qui témoigne ici d’un infini respect pour ses lecteurs, en l’affirmant haut et fort.
Il n’y a bien sûr pas que ça dans Lunar Park. Effectivement, ça dévie vers autre chose arrivé à la moitié, vers un genre de thriller grandiloquent et volontiers caricatural. Chassez le naturel, il revient au galop ! Sacré Bret, va… Il n’empêche que le propos est exposé dès le premier chapitre (par ailleurs beaucoup plus long que les autres). La suite n’est qu’une argumentation, accompagnée d’une illustration via des exemples. Sous ses dehors anarchiques, Lunar Park est en fait un livre totalement contrôlé. Et, pour son auteur, une « catharsis » (je le mets entre guillemets car il emploie lui-même le mot). Bret se lâche, certes, mais il ne cache rien non plus. De ses rapports houleux avec Jayne Dennis, première femme de sa vie auprès de laquelle il ne se donne pas vraiment le beau rôle ; de la dope, évidemment, qui l’a carbonisé complètement durant les huit années séparant American Psycho de Glamorama ; de l’écriture, cela va sans dire.
Qu’en retenir finalement ? Que Bret Easton Ellis est encore plus fort qu’on le croyait, qu’il manie l’autodérision mieux que personne et que ça lui fait un bien fou de piétiner son propre mythe. Car c’est tout bêtement de cela qu’il s’agit : faire mumuse avec les clichés qui circulent à son sujet, les pourfendre, mais le faire en utilisant le cynisme et la déjante qui ont bâti ces mêmes clichés. Quitte à se montrer par instant décevant : le rebelle qui défia l’Amérique donne l’impression que, lorsque les lumières s’éteignent, il rêve secrètement d’une petite vie tranquille. Cette vie étant inaccessible, il laisse aller ses fantasmes, tout comme Patrick Bateman dans American Psycho. Et s’interroge…
A la question Lunar Park, c’est quoi ?, je vous répondrais donc que j’y vois (mais ce n’est que mon point de vue, on peut sans doute y voir des milliers de choses) la réflexion d’un écrivain sur lui-même… ou, plus précisément, la réflexion d’un écrivain sur l’homme qu’il est, avant toute autre chose. Un homme qui, durant quinze ans, aura dû apprendre à vivre avec la controverse provoquée par son statut d’écrivain. Qui y aura laissé des plumes, et aura même manqué d’y laisser sa raison. Un très beau livre, hélas rendu caduque par le fait que quiconque n’ayant jamais lu un autre roman de BEE n’y comprendra rien du tout. En cela, c’est à mon avis le seul de ses cinq romans qui ne mérite pas le titre de chef-d’œuvre. Mais c’est un livre important. Pour lui, et pour ses lecteurs.
Il en va exactement de même pour Lunar Park, à ceci près que cet auteur-là a conscience, lui, de ce qu’il raconte. Mieux vaut donc lire entre les lignes. A quoi sert l’avertissement où Ellis nous écrit (en gros) que tout n’est pas vrai mais que c’est à nous de décider du vrai ou du faux mais que c’est quand même ce qu’il a écrit de plus autobiographique ? A trois choses.
Provoquer, d’abord. On parle tout de même de Bret Easton Ellis, et la provocation ne se limite pas forcément à écrire un livre sur un golden boy qui découpe des bonnes femmes.
Expliquer, ensuite. Non pas ce livre précis, mais les autres : on a régulièrement prétendu que les romans de cet auteur étaient autobiographiques (surtout pour Less than Zero). Or, là, il nous démontre clairement le contraire.
Affirmer, enfin, que quoiqu’en pensent les auteurs le lecteur est finalement toujours le seul détenteur du sens de l’œuvre. Exactement ce que Rousseau (on y revient, décidément !) fut le premier à exposer quelques siècles plus tôt, au terme du livre 4 des susmentionnées Confessions. Une affirmation que la plupart des écrivains, trop orgueilleux et imbus de leur génie, se sont empressés d’oublier. Pas Bret Easton Ellis. Qui témoigne ici d’un infini respect pour ses lecteurs, en l’affirmant haut et fort.
Il n’y a bien sûr pas que ça dans Lunar Park. Effectivement, ça dévie vers autre chose arrivé à la moitié, vers un genre de thriller grandiloquent et volontiers caricatural. Chassez le naturel, il revient au galop ! Sacré Bret, va… Il n’empêche que le propos est exposé dès le premier chapitre (par ailleurs beaucoup plus long que les autres). La suite n’est qu’une argumentation, accompagnée d’une illustration via des exemples. Sous ses dehors anarchiques, Lunar Park est en fait un livre totalement contrôlé. Et, pour son auteur, une « catharsis » (je le mets entre guillemets car il emploie lui-même le mot). Bret se lâche, certes, mais il ne cache rien non plus. De ses rapports houleux avec Jayne Dennis, première femme de sa vie auprès de laquelle il ne se donne pas vraiment le beau rôle ; de la dope, évidemment, qui l’a carbonisé complètement durant les huit années séparant American Psycho de Glamorama ; de l’écriture, cela va sans dire.
Qu’en retenir finalement ? Que Bret Easton Ellis est encore plus fort qu’on le croyait, qu’il manie l’autodérision mieux que personne et que ça lui fait un bien fou de piétiner son propre mythe. Car c’est tout bêtement de cela qu’il s’agit : faire mumuse avec les clichés qui circulent à son sujet, les pourfendre, mais le faire en utilisant le cynisme et la déjante qui ont bâti ces mêmes clichés. Quitte à se montrer par instant décevant : le rebelle qui défia l’Amérique donne l’impression que, lorsque les lumières s’éteignent, il rêve secrètement d’une petite vie tranquille. Cette vie étant inaccessible, il laisse aller ses fantasmes, tout comme Patrick Bateman dans American Psycho. Et s’interroge…
A la question Lunar Park, c’est quoi ?, je vous répondrais donc que j’y vois (mais ce n’est que mon point de vue, on peut sans doute y voir des milliers de choses) la réflexion d’un écrivain sur lui-même… ou, plus précisément, la réflexion d’un écrivain sur l’homme qu’il est, avant toute autre chose. Un homme qui, durant quinze ans, aura dû apprendre à vivre avec la controverse provoquée par son statut d’écrivain. Qui y aura laissé des plumes, et aura même manqué d’y laisser sa raison. Un très beau livre, hélas rendu caduque par le fait que quiconque n’ayant jamais lu un autre roman de BEE n’y comprendra rien du tout. En cela, c’est à mon avis le seul de ses cinq romans qui ne mérite pas le titre de chef-d’œuvre. Mais c’est un livre important. Pour lui, et pour ses lecteurs.
👍👍 Lunar Park
Bret Easton Ellis | Picador, 2005
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