...
Lou Reed, ce vieux roublard, a décidément tous les honneurs du Golb cet an-ci, puisqu'on le retrouvera incessamment sous peu dans "Mes disques à moi (et rien qu'à moi)". Il faut dire que le hasard des rééditions vient l’y aider, et que, pour le coup, personne ne s’en plaindra. Tout simplement parce que depuis la création de cette rubrique « rééditions » celle-ci est probablement la plus intéressante du lot. Non pas que Pet Sounds, chroniqué il y a peu, soit inférieur à ce disque… mais sa réédition 40th anniversary était anecdotique.
En l’occurrence l’édition 30th anniversary du Coney Island Baby de Lou est autrement plus intéressante – voire même essentielle. Indisponible depuis des lustres – ou en tout cas extrêmement difficile à trouver, ce sixième album solo de l’ex leader du Velvet se trouve également être son chef-d’œuvre absolu. Un disque indispensable ENFIN de nouveau chez tous les bons disquaires. Plus besoin de se fader la réédition de la fin des années 80 au son foireux, ni le vinyle acheté dans une brocante à un prix défiant la raison et couvert de crachouillis ! L’événement méritait d’être souligné, à plus forte raison parce que Lou Reed semble être le seul dinosaure du rock à ne pas faire tout et n’importe quoi pour gagner du pognon. Vous en connaissez beaucoup, vous, des artistes qui n’ont sorti qu’un seul best of en quarante ans de carrière ?
En 1976, Lou Reed est au plus mal. Il est certes au plus mal de puis sa naissance, mais là c’est pire que tout. Carbonisé par l’octogen – un genre de mélange explosif entre crack-héro-coke-et-dieu-sait-quoi-encore que Nick Kent qualifia jadis de drogue la plus puissante qui existe – il vient de publier un disque improbable, devenu mythique tellement il est inaudible, incompréhensible et barré… il s’agit bien sûr du tristement célèbre Metal Machine Music, ce fameux album qu’il est de bon ton de citer en référence quand on est un groupe indie-noise-intello mais qui, dans les faits, est une des pires daubes de toute l’histoire de la musique. Evidemment ça ne s’est pas vendu (je le précise uniquement pour ceux qui ne l’ont jamais entendu, les autres n’en seront pas vraiment surpris), et Lou déprime. Il a besoin de se requinquer et, pour ce faire, plonge tête baissée dans ses souvenirs d’enfance. Car le Coney Island Baby du titre, c’est bien sûr l’artiste en personne. Qui, le temps de trente-cinq minutes vitales pour lui comme pour l’auditeur, dévoile enfin sa face tendre ! Il était plus que temps.
Sur cet album totalement à part dans sa discographie, Lou se la joue volontiers crooner (plus spécialement sur le morceau titre qui a lui tout seul influença une centaine de groupes pop). Pas vraiment romantique, plutôt mélancolique, nostalgique même – ce qui a de quoi surprendre quand on connaît la bio de Lou Reed et son enfance atroce. Avec, en ouverture, « Crazy Feeling », dont la ligne de basse est un emprunt volontaire à son morceau préféré de Dylan (« It’s All over Now, Baby Blue »)… puis vient le refrain, courtois, jovial, presque joyeux. Cette chanson et la suivante, la très groovy « Charley’s Girl », rappellent les meilleurs moments du classique Transformer et présentent un Loulou enfin décomplexé. Mine de rien, c’est un événement d’importance pour celui qui renia longtemps ses deux premiers disques solos : pour la première fois depuis 72, Lou Reed assumait enfin son statut de songwriter pop et cessait se prendre pour le pape du rock nouveau. Ce sans jamais sombrer dans le putassier ou le commercial comme sur Sally Can’t Dance.
Il en profite pour recycler en version extend ET downtempo l’excellent « She’s My Best Friend », antique morceau du Velvet dont on peut trouver la version originale sur la compile VU (et qui par ailleurs expliquera aux jeunes ce que les critiques veulent dire quand ils comparent le groupe New Yorkais aux Strokes)… un signe tendant à prouver que le chanteur se réconcilie enfin avec le fantôme de son ancienne formation ? Possible, dans la mesure où l’ensemble du disque semble vouloir renouer avec la jeunesse et le passé. Suit « Kicks », l’un des plus fameux morceaux de Lou Reed, que les gens l’ayant découvert sur les lives vont enfin pouvoir entendre dans une version studio rendant hommage à sa partie de guitare sensationnelle. « A Gift » fait office de ballade de service (et quelle ballade tout de même !), tandis que « Ooohhh Baby » et « Nobody’s Business » viennent rappeler que, comme tous les autres, Reed a bouffé du blues quand il était môme. Enfin résonne la chanson éponyme, en guise de grand final et puis…
… plus rien !
Du moins, dans la version initiale, puisqu’en terme de durée la nouvelle édition passe du simple au double. Ces six titres supplémentaires ne sont pas vraiment inédits, certes, mais ils sont tellement rares que c’est tout comme. « Nowhere at All », tout d’abord, superbe. On pouvait déjà trouver ce morceau sur la face B de « Crazy Feeling »… sauf que ce 45 tours a été un bide colossal et que je veux bien payer un resto à la première personne qui me le présentera.
On enchaîne avec « Downtown Dirt » et « Leave Me Alone », deux titres enregistrés à l’époque qui ne sortiront que deux ans plus tard sur Street Hassle dans des versions tellement différentes qu’on peut quasiment considérer celles-ci comme inédites. Pour compléter un tableau déjà bien chargé (le disque original étant déjà en lui même irréprochable), Lou Reed a balancé trois reprises inédites de « Coney Island Baby », « She’s My Best Friend » et « Crazy Feeling » - versions qu’on pourra qualifier sans trop se tromper de rock'n’roll. Le groove est terrifiant (surtout celui de « Crazy Feeling »), et franchement après la langueur sensuelle du disque « initial », ça fait du bien !
La suite de l’histoire, forcément, se révèle moins joyeuse. Moins de six mois plus tard, Lou Reed décidera qu’il est le parrain des punks et publiera le dispensable Rock’n'Roll Heart. Coney Island Baby tombera dans l’oubli, devenant de ce fait culte… et terriblement rare. Ayant été un flop absolu à sa sortie, il n’avait jusqu’alors jamais bénéficié des faveurs des différentes maisons de disques… jusqu’à aujourd’hui – ou plus précisément jusqu’à 2003. Date à laquelle un Coney Island Baby devenu The New York City Man a racheté l’intégralité de son catalogue et décidé de réhabiliter ses chefs-d’œuvres oubliés.
Qui s’en plaindra ?
Lou Reed, ce vieux roublard, a décidément tous les honneurs du Golb cet an-ci, puisqu'on le retrouvera incessamment sous peu dans "Mes disques à moi (et rien qu'à moi)". Il faut dire que le hasard des rééditions vient l’y aider, et que, pour le coup, personne ne s’en plaindra. Tout simplement parce que depuis la création de cette rubrique « rééditions » celle-ci est probablement la plus intéressante du lot. Non pas que Pet Sounds, chroniqué il y a peu, soit inférieur à ce disque… mais sa réédition 40th anniversary était anecdotique.
En l’occurrence l’édition 30th anniversary du Coney Island Baby de Lou est autrement plus intéressante – voire même essentielle. Indisponible depuis des lustres – ou en tout cas extrêmement difficile à trouver, ce sixième album solo de l’ex leader du Velvet se trouve également être son chef-d’œuvre absolu. Un disque indispensable ENFIN de nouveau chez tous les bons disquaires. Plus besoin de se fader la réédition de la fin des années 80 au son foireux, ni le vinyle acheté dans une brocante à un prix défiant la raison et couvert de crachouillis ! L’événement méritait d’être souligné, à plus forte raison parce que Lou Reed semble être le seul dinosaure du rock à ne pas faire tout et n’importe quoi pour gagner du pognon. Vous en connaissez beaucoup, vous, des artistes qui n’ont sorti qu’un seul best of en quarante ans de carrière ?
En 1976, Lou Reed est au plus mal. Il est certes au plus mal de puis sa naissance, mais là c’est pire que tout. Carbonisé par l’octogen – un genre de mélange explosif entre crack-héro-coke-et-dieu-sait-quoi-encore que Nick Kent qualifia jadis de drogue la plus puissante qui existe – il vient de publier un disque improbable, devenu mythique tellement il est inaudible, incompréhensible et barré… il s’agit bien sûr du tristement célèbre Metal Machine Music, ce fameux album qu’il est de bon ton de citer en référence quand on est un groupe indie-noise-intello mais qui, dans les faits, est une des pires daubes de toute l’histoire de la musique. Evidemment ça ne s’est pas vendu (je le précise uniquement pour ceux qui ne l’ont jamais entendu, les autres n’en seront pas vraiment surpris), et Lou déprime. Il a besoin de se requinquer et, pour ce faire, plonge tête baissée dans ses souvenirs d’enfance. Car le Coney Island Baby du titre, c’est bien sûr l’artiste en personne. Qui, le temps de trente-cinq minutes vitales pour lui comme pour l’auditeur, dévoile enfin sa face tendre ! Il était plus que temps.
Sur cet album totalement à part dans sa discographie, Lou se la joue volontiers crooner (plus spécialement sur le morceau titre qui a lui tout seul influença une centaine de groupes pop). Pas vraiment romantique, plutôt mélancolique, nostalgique même – ce qui a de quoi surprendre quand on connaît la bio de Lou Reed et son enfance atroce. Avec, en ouverture, « Crazy Feeling », dont la ligne de basse est un emprunt volontaire à son morceau préféré de Dylan (« It’s All over Now, Baby Blue »)… puis vient le refrain, courtois, jovial, presque joyeux. Cette chanson et la suivante, la très groovy « Charley’s Girl », rappellent les meilleurs moments du classique Transformer et présentent un Loulou enfin décomplexé. Mine de rien, c’est un événement d’importance pour celui qui renia longtemps ses deux premiers disques solos : pour la première fois depuis 72, Lou Reed assumait enfin son statut de songwriter pop et cessait se prendre pour le pape du rock nouveau. Ce sans jamais sombrer dans le putassier ou le commercial comme sur Sally Can’t Dance.
Il en profite pour recycler en version extend ET downtempo l’excellent « She’s My Best Friend », antique morceau du Velvet dont on peut trouver la version originale sur la compile VU (et qui par ailleurs expliquera aux jeunes ce que les critiques veulent dire quand ils comparent le groupe New Yorkais aux Strokes)… un signe tendant à prouver que le chanteur se réconcilie enfin avec le fantôme de son ancienne formation ? Possible, dans la mesure où l’ensemble du disque semble vouloir renouer avec la jeunesse et le passé. Suit « Kicks », l’un des plus fameux morceaux de Lou Reed, que les gens l’ayant découvert sur les lives vont enfin pouvoir entendre dans une version studio rendant hommage à sa partie de guitare sensationnelle. « A Gift » fait office de ballade de service (et quelle ballade tout de même !), tandis que « Ooohhh Baby » et « Nobody’s Business » viennent rappeler que, comme tous les autres, Reed a bouffé du blues quand il était môme. Enfin résonne la chanson éponyme, en guise de grand final et puis…
… plus rien !
Du moins, dans la version initiale, puisqu’en terme de durée la nouvelle édition passe du simple au double. Ces six titres supplémentaires ne sont pas vraiment inédits, certes, mais ils sont tellement rares que c’est tout comme. « Nowhere at All », tout d’abord, superbe. On pouvait déjà trouver ce morceau sur la face B de « Crazy Feeling »… sauf que ce 45 tours a été un bide colossal et que je veux bien payer un resto à la première personne qui me le présentera.
On enchaîne avec « Downtown Dirt » et « Leave Me Alone », deux titres enregistrés à l’époque qui ne sortiront que deux ans plus tard sur Street Hassle dans des versions tellement différentes qu’on peut quasiment considérer celles-ci comme inédites. Pour compléter un tableau déjà bien chargé (le disque original étant déjà en lui même irréprochable), Lou Reed a balancé trois reprises inédites de « Coney Island Baby », « She’s My Best Friend » et « Crazy Feeling » - versions qu’on pourra qualifier sans trop se tromper de rock'n’roll. Le groove est terrifiant (surtout celui de « Crazy Feeling »), et franchement après la langueur sensuelle du disque « initial », ça fait du bien !
La suite de l’histoire, forcément, se révèle moins joyeuse. Moins de six mois plus tard, Lou Reed décidera qu’il est le parrain des punks et publiera le dispensable Rock’n'Roll Heart. Coney Island Baby tombera dans l’oubli, devenant de ce fait culte… et terriblement rare. Ayant été un flop absolu à sa sortie, il n’avait jusqu’alors jamais bénéficié des faveurs des différentes maisons de disques… jusqu’à aujourd’hui – ou plus précisément jusqu’à 2003. Date à laquelle un Coney Island Baby devenu The New York City Man a racheté l’intégralité de son catalogue et décidé de réhabiliter ses chefs-d’œuvres oubliés.
Qui s’en plaindra ?
👑 Coney Island Baby
Lou Reed | RCA, 1976