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Écrit avant Pierrette mais se déroulant chronologiquement après, ce second volet de la trilogie des Célibataires est, à défaut d’un très grand livre, un impressionnant tour de force de la part de Balzac.
Honoré s’attarde cette fois-ci sur un étonnant quatuor de personnages à la tête duquel on retrouve l’Abbé Birotteau, héros malheureux de cette amusante satire. Birotteau, c’est l’archétype du brave gars. Bon prêtre nommé à Tours, qui débarque dans un milieu plutôt hostile, y compris chez son collègue, le mystérieux Abbé Trouberd, et même chez lui, puisqu’il loge chez la charmante Mademoiselle Gamard (déjà aperçue dans l’épisode précédent). Cette dernière n’aura été que le quarantième portrait de vieille fille dévote signé Balzac, mais décidément, on ne s’en lasse pas. Le dernier personnage, enfin, c’est l’Abbé Chapeloud. On ne le voit pas beaucoup, ce qui est assez normal puisqu’il est mort. C’est pourtant lui le nœud du récit…
Je parlais de tour de force. L’expression exacte serait plutôt "coup double". Balzac, évidemment, fait du Balzac. Les Scènes de la Vie de Province sont toutes des études de mœurs, on sait donc à peu près à quoi s’attendre. Mais son vrai coup de génie, c’est de réussir à glisser dans sa série des Célibataires des choses qui n’ont rien à voir avec le thème fondamental du célibat.
Bien sûr, ce sujet est abordé : après tout, la figure du prêtre n’est-elle pas par définition celle du célibataire ultime ? Seulement l’auteur ne se cantonne pas à cette simple radioscopie du vœu de chasteté, loin s’en faut : il cogne un grand coup sur les hommes d’église, avec un plaisir évident. Que nous dit-il finalement ? Que ces hommes, sensés être au-dessus du bien matériel, détachés de tout, ne valent guère mieux que les fidèles qu’ils sermonnent. Que, d’une certaine, ils sont mêmes bien pires puisque leur position les tient à l’exemplarité. Et cela vaut autant pour le machiavélique Trouberd que pour ce pauvre bougre de Birotteau, qui pleurniche cinquante pages durant parce qu’on l’a roulé dans la farine.
Alors Balzac y va, il fusille, il massacre, un vrai carnage. Dans d’autres romans, sa charge sociale est exécutée au scalpel. Dans Le Curé de Tours, il attaque carrément à la machette.
Autant vous dire que c’est un régal.
Écrit avant Pierrette mais se déroulant chronologiquement après, ce second volet de la trilogie des Célibataires est, à défaut d’un très grand livre, un impressionnant tour de force de la part de Balzac.
Honoré s’attarde cette fois-ci sur un étonnant quatuor de personnages à la tête duquel on retrouve l’Abbé Birotteau, héros malheureux de cette amusante satire. Birotteau, c’est l’archétype du brave gars. Bon prêtre nommé à Tours, qui débarque dans un milieu plutôt hostile, y compris chez son collègue, le mystérieux Abbé Trouberd, et même chez lui, puisqu’il loge chez la charmante Mademoiselle Gamard (déjà aperçue dans l’épisode précédent). Cette dernière n’aura été que le quarantième portrait de vieille fille dévote signé Balzac, mais décidément, on ne s’en lasse pas. Le dernier personnage, enfin, c’est l’Abbé Chapeloud. On ne le voit pas beaucoup, ce qui est assez normal puisqu’il est mort. C’est pourtant lui le nœud du récit…
Je parlais de tour de force. L’expression exacte serait plutôt "coup double". Balzac, évidemment, fait du Balzac. Les Scènes de la Vie de Province sont toutes des études de mœurs, on sait donc à peu près à quoi s’attendre. Mais son vrai coup de génie, c’est de réussir à glisser dans sa série des Célibataires des choses qui n’ont rien à voir avec le thème fondamental du célibat.
Bien sûr, ce sujet est abordé : après tout, la figure du prêtre n’est-elle pas par définition celle du célibataire ultime ? Seulement l’auteur ne se cantonne pas à cette simple radioscopie du vœu de chasteté, loin s’en faut : il cogne un grand coup sur les hommes d’église, avec un plaisir évident. Que nous dit-il finalement ? Que ces hommes, sensés être au-dessus du bien matériel, détachés de tout, ne valent guère mieux que les fidèles qu’ils sermonnent. Que, d’une certaine, ils sont mêmes bien pires puisque leur position les tient à l’exemplarité. Et cela vaut autant pour le machiavélique Trouberd que pour ce pauvre bougre de Birotteau, qui pleurniche cinquante pages durant parce qu’on l’a roulé dans la farine.
Alors Balzac y va, il fusille, il massacre, un vrai carnage. Dans d’autres romans, sa charge sociale est exécutée au scalpel. Dans Le Curé de Tours, il attaque carrément à la machette.
Autant vous dire que c’est un régal.
👍👍 Le Curé de Tours
Honoré de Balzac | Folio, 1832