...
Il était un livre de Philippe Djian que je n’avais jamais lu.
Ca s’appelait Sotos, et ça ne m’avait jamais attiré pour des raisons assez mesquines, je l’avoue : le fait que ça se passe dans le milieu de la tauromachie, ajouté à l’intégrisme hemingwayien revendiqué par l’auteur depuis toujours, m’avaient amené à faire à ce roman un genre de procès d’intention, sur le mode du Ok, Djian a voulu écrire son Death in the Afternoon.
Il se trouve que j’avais tort et raison à la fois.
Raison parce que la référence est écrasante, omniprésente, partout. Djian va même jusqu’à citer le classique de Hemingway au début de son bouquin.
Tort parce que Sotos va plus loin. C’est, d’une certaine manière, un livre beaucoup plus humain et vivant (et donc touchant) que Death in the Afternoon. On s’attache assez vite à tous ces personnages, à ces trois hommes au centre du récit, le jeune Mani, Vito, son beau-père, et bien sûr le redoutable Victor, grand-père à l’ombre menaçante décrit d’une manière tout simplement superbe :
« En général, Victor Sarramanga, mon grand-père, avait les yeux bleus. S’ils viraient au gris, je m’arrangeais pour ne pas être dans les parages. »
… ou comment résumer totalement un personnage en deux phrases. Simplicité, efficacité et rigueur. Comme toujours, l’écriture de Philippe Djian est parfaite et va droit au but. Qui plus est, il parvient à prouver avec ce livre qu’il est capable de rester un grand écrivain même lorsqu’il n’y a pas une ligne d’autobiographie dans le texte – ce qui en 1993 était loin d’être une évidence.
Pourtant, Sotos semble être une trop vaste entreprise. Un grand roman initiatique dont l’écriture et les personnages se révèlent particulièrement séduisants mais qui pourtant se casse un peu la gueule par instant. Un livre intéressant, globalement réussi mais imparfait en bien des points, notamment lorsque l’auteur décide de se prendre pour Faulkner et de mélanger la chronologie de ses chapitres de manière assez approximative – en gros le niveau de ses brouillages chronologiques équivaut à celui de ceux de Faulkner quand il était en CM2. Ce qui du coup brise momentanément le charme lorsqu’on entame la seconde partie (qui chronologiquement est donc la première).
Evidemment, je chipote ! Mais lorsqu’on est face à un grand écrivain, il est normal et même recommandé d’être exigeant. Et Djian, assurément, est de ceux-là. D’ailleurs, ce n’est sans doute pas par hasard que Sotos est sorti pile en 1993. Je crois que même si je ne l’avais pas su, je l’aurais deviné. Il marque clairement un tournant dans l’œuvre : juste après Lents dehors (son dernier grand livre à ce jour) et juste avant Assassin – c’est à dire le début d’une période creuse qui s’achèvera en même temps que les années 90.
Il était un livre de Philippe Djian que je n’avais jamais lu.
Ca s’appelait Sotos, et ça ne m’avait jamais attiré pour des raisons assez mesquines, je l’avoue : le fait que ça se passe dans le milieu de la tauromachie, ajouté à l’intégrisme hemingwayien revendiqué par l’auteur depuis toujours, m’avaient amené à faire à ce roman un genre de procès d’intention, sur le mode du Ok, Djian a voulu écrire son Death in the Afternoon.
Il se trouve que j’avais tort et raison à la fois.
Raison parce que la référence est écrasante, omniprésente, partout. Djian va même jusqu’à citer le classique de Hemingway au début de son bouquin.
Tort parce que Sotos va plus loin. C’est, d’une certaine manière, un livre beaucoup plus humain et vivant (et donc touchant) que Death in the Afternoon. On s’attache assez vite à tous ces personnages, à ces trois hommes au centre du récit, le jeune Mani, Vito, son beau-père, et bien sûr le redoutable Victor, grand-père à l’ombre menaçante décrit d’une manière tout simplement superbe :
« En général, Victor Sarramanga, mon grand-père, avait les yeux bleus. S’ils viraient au gris, je m’arrangeais pour ne pas être dans les parages. »
… ou comment résumer totalement un personnage en deux phrases. Simplicité, efficacité et rigueur. Comme toujours, l’écriture de Philippe Djian est parfaite et va droit au but. Qui plus est, il parvient à prouver avec ce livre qu’il est capable de rester un grand écrivain même lorsqu’il n’y a pas une ligne d’autobiographie dans le texte – ce qui en 1993 était loin d’être une évidence.
Pourtant, Sotos semble être une trop vaste entreprise. Un grand roman initiatique dont l’écriture et les personnages se révèlent particulièrement séduisants mais qui pourtant se casse un peu la gueule par instant. Un livre intéressant, globalement réussi mais imparfait en bien des points, notamment lorsque l’auteur décide de se prendre pour Faulkner et de mélanger la chronologie de ses chapitres de manière assez approximative – en gros le niveau de ses brouillages chronologiques équivaut à celui de ceux de Faulkner quand il était en CM2. Ce qui du coup brise momentanément le charme lorsqu’on entame la seconde partie (qui chronologiquement est donc la première).
Evidemment, je chipote ! Mais lorsqu’on est face à un grand écrivain, il est normal et même recommandé d’être exigeant. Et Djian, assurément, est de ceux-là. D’ailleurs, ce n’est sans doute pas par hasard que Sotos est sorti pile en 1993. Je crois que même si je ne l’avais pas su, je l’aurais deviné. Il marque clairement un tournant dans l’œuvre : juste après Lents dehors (son dernier grand livre à ce jour) et juste avant Assassin – c’est à dire le début d’une période creuse qui s’achèvera en même temps que les années 90.
👍 Sotos
Philippe Djian | Folio, 1993
Philippe Djian | Folio, 1993