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Pulp, ou l’erreur de casting. L’explosion a eu lieu il y a un peu plus de dix ans maintenant, mais le malentendu persiste : le nom du groupe de Jarvis Cocker demeurera sans doute éternellement lié à la vague britpop, alors qu’il n’a jamais eu grand-chose à y voir. Ne serait-ce que pour une stupide question de chronologie : fondé en 1978, le combo de Sheffield se compose de gens bien plus âgés que ceux de blur, Suede ou Oasis.
Il est en revanche indéniable que jusqu’à 1994, aucun album du groupe n’aura été très palpitant. New-wave, puis revival glam, puis psycho-pop puis tout ça à la fois, le Pulp de la période 1978-93 a fait un peu de tout et beaucoup de n’importe quoi, Cocker se révélant incapable d’enregistrer deux disques de suite avec le même line-up. Les choses vont changer du jour au lendemain ou presque avec His’n’Hers, quatrième album tout simplement génial et indispensable. Un monument de la pop des années 90, un incontournable, un vrai… que s’est-t-il passé entre temps ? Personne ne le sait vraiment. Mais le sous-Smiths s’est métamorphosé du jour au lendemain en incroyable machine à tubes, dont le succès ne s’est plus jamais démenti par la suite.
On peut évidemment râler, en considérant que ce sont plutôt les trois premiers disques qui auraient mérité d’être réédités. Mais les choses sont ainsi : ce sont ces deux classiques qui ont eu le privilège de la Deluxe Edition, et d’une certaine manière ce n’est pas plus mal puisqu’un seul de leur titre est supérieur à l’intégralité de la discographie pré-britpop du combo. Le tout étant bien sûr agrémenté des indispensables faces B en bonus (deux pour chacun).
His’n’Hers, donc, marque le départ en flèche du groupe… oui, du groupe, car c’est la principale nouveauté : Pulp est devenu un véritable groupe, et ça se sent. Désormais accompagné de musiciens à la hauteur des ses ambitions, Cocker peut enfin exprimer toute la mesure de son indéniable génie et lâche d’entrée un « Joyriders » particulièrement bien nommé : mélodie euphorique, rythmique qui grimpe en puissance, guitare filandreuse et la voix du Patron qui gravite au dessus du lot, grave et sexy, mélancolique et drôle toute à la fois. La meilleure chanson du groupe ? Peut-être bien. En tout cas, impossible d’y échapper une fois qu’on l’a dans la tête. Une perle, à la hauteur des plus grands classiques de Roxy Music – idoles évidentes de l’autre J.C.
Pulp n’a peur de rien, c’est ce qui rend ce groupe charmant. Surtout pas du ridicule ! Une grosse basse new-wave limite clichesque ? Il n’y a qu’à demander : « Babies » et « Pink Glove » devraient faire l’affaire. Un pastiche disco ? Envoyez « David’s Last Summer ». Une parodie de Pink Floyd ? « Someone Like the Moon » vous satisfera pleinement. De la pop fraîche, punchy et délirante ? Ecoutez un peu « Lipgloss » ou « Have You Seen Her Lately ? », vous m’en direz des nouvelles.
Il y a tout ça sur His’n’Hers, avec en prime les interprétation baroques, décadentes et 200 % pas sérieuses de Jarvis Cocker, l’homme qui monta sur scène durant les Brit Awards pour ridiculiser Michael Jackson… mais pas par méchanceté, non non. Parce qu’il en avait envie. Tout bêtement. Il est comme ça, Jarvis.
Avec Different Class, c’est une autre paire de manche. Objectivement, cet album, sorti pile un an après His’n’Hers, est nettement moins bon. Mais c’est un classique aussi, essentiellement parce qu’il contient les deux plus gros tubes du groupe, « Disco 2000 » et évidemment l’incontournable « Common People » que même Courtney Love, pourtant pas du genre à tresser des couronnes, qualifia de « plus grande chanson des années 90 ». « Common People », ou l’essence même de la britpop condensé en une seule chanson mythique. Le comble, pour un groupe qui a toujours tenu, justement, à ne pas être assimilé à ce mouvement !
De manière plus générale, on peut considérer qu’avec ce cinquième opus Pulp essaie de casser son image (par forcément usurpée) de groupe de bourges culs-serrés. L’Angleterre, c’est un fait, n’aime rien plus que les working-class heroes, or Jarvis Cocker n’a pas vraiment le profil pour devenir une icône. Il lance donc son groupe dans une exploration habile des musiques populaires, avec à la clé un succès commercial énorme légèrement contrebalancé par l’aspect inégal d’un Different Class qui, pour n’en être pas moins bon, s’avère un peu hétéroclite. « Disco 2000 » et « Monday Morning » sont les titres les plus péchus de l’ensemble mais chassez le naturel et il revient au galop : « Live Bed Show » est une ballade crooneuse de piètre qualité, « F.E.E.L.I.N.G.C.A.L.L.E.D.L.O.V.E. » un titre à la construction hasardeuse qui aurait probablement gagné à durer moitié moins de temps… bref, les meilleurs moments de l’album ("Mis Shapes", "Pencil Skirt") sont gâchés par des titres un peu plus fades, et finalement, ironie du sort, rien n’atteint le niveau de l’EP Common People sorti quelques mois avant. Le titre phare du groupe durait alors sept minutes dantesques et surclassait à lui seul l’intégralité de Different Class.
Pulp ne s’y est d’ailleurs pas trompé : trois ans plus tard, les dégingandés de Sheffield publiaient un This Is Hardcore nettement plus raccord avec leurs productions précédentes, ce en dépit du succès de Different Class. Sans jamais réussir, c’est vrai, à vendre autant de singles que du temps de « Common People »… peut-être à cause de l’absence de synthé ? Comme le dit Cocker lui-même : « Casio a vraiment eu une influence capitale sur notre carrière. ».
Pulp, ou l’erreur de casting. L’explosion a eu lieu il y a un peu plus de dix ans maintenant, mais le malentendu persiste : le nom du groupe de Jarvis Cocker demeurera sans doute éternellement lié à la vague britpop, alors qu’il n’a jamais eu grand-chose à y voir. Ne serait-ce que pour une stupide question de chronologie : fondé en 1978, le combo de Sheffield se compose de gens bien plus âgés que ceux de blur, Suede ou Oasis.
Il est en revanche indéniable que jusqu’à 1994, aucun album du groupe n’aura été très palpitant. New-wave, puis revival glam, puis psycho-pop puis tout ça à la fois, le Pulp de la période 1978-93 a fait un peu de tout et beaucoup de n’importe quoi, Cocker se révélant incapable d’enregistrer deux disques de suite avec le même line-up. Les choses vont changer du jour au lendemain ou presque avec His’n’Hers, quatrième album tout simplement génial et indispensable. Un monument de la pop des années 90, un incontournable, un vrai… que s’est-t-il passé entre temps ? Personne ne le sait vraiment. Mais le sous-Smiths s’est métamorphosé du jour au lendemain en incroyable machine à tubes, dont le succès ne s’est plus jamais démenti par la suite.
On peut évidemment râler, en considérant que ce sont plutôt les trois premiers disques qui auraient mérité d’être réédités. Mais les choses sont ainsi : ce sont ces deux classiques qui ont eu le privilège de la Deluxe Edition, et d’une certaine manière ce n’est pas plus mal puisqu’un seul de leur titre est supérieur à l’intégralité de la discographie pré-britpop du combo. Le tout étant bien sûr agrémenté des indispensables faces B en bonus (deux pour chacun).
His’n’Hers, donc, marque le départ en flèche du groupe… oui, du groupe, car c’est la principale nouveauté : Pulp est devenu un véritable groupe, et ça se sent. Désormais accompagné de musiciens à la hauteur des ses ambitions, Cocker peut enfin exprimer toute la mesure de son indéniable génie et lâche d’entrée un « Joyriders » particulièrement bien nommé : mélodie euphorique, rythmique qui grimpe en puissance, guitare filandreuse et la voix du Patron qui gravite au dessus du lot, grave et sexy, mélancolique et drôle toute à la fois. La meilleure chanson du groupe ? Peut-être bien. En tout cas, impossible d’y échapper une fois qu’on l’a dans la tête. Une perle, à la hauteur des plus grands classiques de Roxy Music – idoles évidentes de l’autre J.C.
Pulp n’a peur de rien, c’est ce qui rend ce groupe charmant. Surtout pas du ridicule ! Une grosse basse new-wave limite clichesque ? Il n’y a qu’à demander : « Babies » et « Pink Glove » devraient faire l’affaire. Un pastiche disco ? Envoyez « David’s Last Summer ». Une parodie de Pink Floyd ? « Someone Like the Moon » vous satisfera pleinement. De la pop fraîche, punchy et délirante ? Ecoutez un peu « Lipgloss » ou « Have You Seen Her Lately ? », vous m’en direz des nouvelles.
Il y a tout ça sur His’n’Hers, avec en prime les interprétation baroques, décadentes et 200 % pas sérieuses de Jarvis Cocker, l’homme qui monta sur scène durant les Brit Awards pour ridiculiser Michael Jackson… mais pas par méchanceté, non non. Parce qu’il en avait envie. Tout bêtement. Il est comme ça, Jarvis.
Avec Different Class, c’est une autre paire de manche. Objectivement, cet album, sorti pile un an après His’n’Hers, est nettement moins bon. Mais c’est un classique aussi, essentiellement parce qu’il contient les deux plus gros tubes du groupe, « Disco 2000 » et évidemment l’incontournable « Common People » que même Courtney Love, pourtant pas du genre à tresser des couronnes, qualifia de « plus grande chanson des années 90 ». « Common People », ou l’essence même de la britpop condensé en une seule chanson mythique. Le comble, pour un groupe qui a toujours tenu, justement, à ne pas être assimilé à ce mouvement !
De manière plus générale, on peut considérer qu’avec ce cinquième opus Pulp essaie de casser son image (par forcément usurpée) de groupe de bourges culs-serrés. L’Angleterre, c’est un fait, n’aime rien plus que les working-class heroes, or Jarvis Cocker n’a pas vraiment le profil pour devenir une icône. Il lance donc son groupe dans une exploration habile des musiques populaires, avec à la clé un succès commercial énorme légèrement contrebalancé par l’aspect inégal d’un Different Class qui, pour n’en être pas moins bon, s’avère un peu hétéroclite. « Disco 2000 » et « Monday Morning » sont les titres les plus péchus de l’ensemble mais chassez le naturel et il revient au galop : « Live Bed Show » est une ballade crooneuse de piètre qualité, « F.E.E.L.I.N.G.C.A.L.L.E.D.L.O.V.E. » un titre à la construction hasardeuse qui aurait probablement gagné à durer moitié moins de temps… bref, les meilleurs moments de l’album ("Mis Shapes", "Pencil Skirt") sont gâchés par des titres un peu plus fades, et finalement, ironie du sort, rien n’atteint le niveau de l’EP Common People sorti quelques mois avant. Le titre phare du groupe durait alors sept minutes dantesques et surclassait à lui seul l’intégralité de Different Class.
Pulp ne s’y est d’ailleurs pas trompé : trois ans plus tard, les dégingandés de Sheffield publiaient un This Is Hardcore nettement plus raccord avec leurs productions précédentes, ce en dépit du succès de Different Class. Sans jamais réussir, c’est vrai, à vendre autant de singles que du temps de « Common People »… peut-être à cause de l’absence de synthé ? Comme le dit Cocker lui-même : « Casio a vraiment eu une influence capitale sur notre carrière. ».
👑 His'n'Hers
👍👍 Different Class
Pulp | Island, 1994 & 1996