mercredi 4 octobre 2006

Tim Pears, ou comment reconnaître un livre inutile

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Or donc, voici un livre qu’on pourrait qualifier d’inutile.

Inutile ne signifie pas mauvais : inutile signifie juste inutile. Ou, si vous préférez : anodin, inoffensif, dispensable.

Premier roman d’un auteur paraît-il très connu du côté de chez lui (allez comprendre pourquoi, il a l’air d’avoir du mal à s’exporter), In the Place of Fallen Leaves raconte l’histoire d’une petite fille et de sa vie forcément triste dans une campagne anglaise forcément déprimante. C’est l’été, il y a une sacrée canicule, et les esprits s’échauffent en même temps que les corps. L’auteur, Tim Pears, chronique tout ça avec moult détails et descriptions dont on imagine que ça doit rendre le livre terriblement crédible…

Si je vous dis, en revanche, qu’après avoir interrogé un ami anglais j’ai appris que Tim Pears était essentiellement connu Angleterre en tant qu’auteur de téléfilms, ça finira de planter le tableau. Le fait est qu’effectivement, l’intrigue de son roman ne dépareillerait pas un samedi soir sur France 3. Il y a là un potentiel manifeste à creuser, dont le Service Public serait bien inspiré de tirer profit.

En ce qui concerne la littérature, en revanche, il faudra repasser. Au croisement des influences fort modestes de Faulkner et du Member of the Wedding de Carson McCullers, Pears nous raconte une histoire de grandes étendues et de misère provinciale déjà rebattue mille fois par d’autres – en mieux. Il voudrait peut-être qu’on le voit comme un genre de pendant britannique à Mary McGarry Morris, mais malheureusement il ne fait figure que de succédané (pour ne pas dire d’ersatz).

C’est par ailleurs bien triste, car si son roman est soporifique et insipide, Pears y témoigne de qualités littéraires évidentes. Le problème réside avant tout dans le manque d’originalité du fond et la fadeur de la forme. Quand on écrit une histoire aussi largement inspirée de The Member of the Wedding (soit donc d'un des plus grands livres du XXeme siècle), le minimum syndical est de proposer un découpage structurel un poil original, ou une écriture qui se détacherait du lot… Rien de ça ici : Tim Pears use d’un gentil style pour mamies, ce qui est bien dommage à son âge. Surtout : The Member of the Wedding date de 1946, comme a priori quasiment tous les livres de chevet de l’auteur. Or, In the Place of Fallent Leaves est un roman censé être contemporain (puisque ça se passe dans les années 80). Le hic, c’est que ça pourrait se passer en 1930 qu’on ne verrait pas trop la différence… dommage : à trop vouloir viser l’intemporalité, certains se perdent en route. C’est le cas du gentil Tim Pears et de son gentil livre. Pas un livre méchant ni atrocement nul, non non : juste un livre banal. Comme on peut en lire des milliers. Pour vous dire : c’est tellement transparent que durant tout le temps de la lecture j’ai été incapable de me souvenir du titre


👎 In the Place of Fallen Leaves [Un été brûlant] 
Tim Pears | Bloomsbury, 1993