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La Reine du Silence. Ainsi son père surnommait-il Marie Nimier. Son père... une figure à laquelle, après huit romans, elle a enfin fini par accepter (ou tout du moins tenter) de se confronter. Un père qu’elle n’a quasiment pas connu et dont l’image – bien sûr – la poursuit néanmoins, depuis toujours. A n’en pas douter, il doit être terrible d’être l’enfant d’un écrivain connu, et plus encore lorsque cet écrivain connu est devenu au fil des années une légende. Ce doit être encore un peu dur lorsque l’on est soi-même écrivain. Et encore encore plus lorsque l’on est soi-même un écrivain brillant.
Pourtant, et c’est tout ce qui rend ce faux livre-confession (mais vrai roman) admirable, ce n’est pas de cela que Marie Nimier a envie de parler. Bien au contraire, avec un humour à froid qui lui sied remarquablement, elle se moque d’entrée du clichesque « livre témoignage » (vous savez, ce truc abject qui régit aujourd’hui les charts littéraires ?) :
« Tu imagines la scène. Le scénario. Si tu as envie de vendre des livres, tu écris ça avec juste ce qu’il faut de perversité et de tendresse. Un sujet en or. Une couverture de presse exceptionnelle où l’on s’empressera de ressortir les photos de l’Aston Martin écrabouillée. Et puis non. Il y a vingt ans, je n’ai pas écrit ce livre. Et je ne l’écrirai pas. »
Les mauvaises langues auront tôt fait de dire que finalement, c’est ce qu’elle a fait. Heureusement (ou malheureusement), il est établi depuis plusieurs siècles que les mauvaises langues ne savent pas lire. Enfin si, un peu, mais elles ne savent pas voir au-delà du texte. Ou lire entre les lignes – appelez ça comme vous voulez.
Car Marie Nimier n’a pas écrit un livre sur Roger Nimier. Il est là, bien sûr… mais finalement pas beaucoup plus que dans ses autres romans. Si la figure du père apparaît dans ce livre, elle est déformée, tronquée, outrée par les témoignages des uns et les souvenirs des autres. Ce n’est pas la grande image fixe d’un père quasiment inconnu, mais une infinité de micro-images contradictoires. Comme un miroir déformant. Ou plutôt un kaléidoscope.
Alors non, définitivement, ce n’est pas un livre sur Roger Nimier. C’est beaucoup plus. C’est, avant toute autre chose, un livre sur Marie Nimier. Et donc, par extension (projection ?) un livre sur chaque personne qui n’aura jamais connu son père – mais qui en aura beaucoup entendu parler. Un livre sur l’absence, qu’aucun souvenir et aucune coupure de presse ne comblera jamais. Un texte simple, ciselé. Beau et pudique – beau parce que pudique.
Marie Nimier peut être satisfaite : j’ai toujours adoré son père, qui m’a fait rire plus qu’à mon tour. Lui, cependant, ne m’a jamais fait pleurer.
Ce fantôme facétieux à présent évacué, la suite de l’œuvre promet d’être plus époustouflante encore.
La Reine du Silence. Ainsi son père surnommait-il Marie Nimier. Son père... une figure à laquelle, après huit romans, elle a enfin fini par accepter (ou tout du moins tenter) de se confronter. Un père qu’elle n’a quasiment pas connu et dont l’image – bien sûr – la poursuit néanmoins, depuis toujours. A n’en pas douter, il doit être terrible d’être l’enfant d’un écrivain connu, et plus encore lorsque cet écrivain connu est devenu au fil des années une légende. Ce doit être encore un peu dur lorsque l’on est soi-même écrivain. Et encore encore plus lorsque l’on est soi-même un écrivain brillant.
Pourtant, et c’est tout ce qui rend ce faux livre-confession (mais vrai roman) admirable, ce n’est pas de cela que Marie Nimier a envie de parler. Bien au contraire, avec un humour à froid qui lui sied remarquablement, elle se moque d’entrée du clichesque « livre témoignage » (vous savez, ce truc abject qui régit aujourd’hui les charts littéraires ?) :
« Tu imagines la scène. Le scénario. Si tu as envie de vendre des livres, tu écris ça avec juste ce qu’il faut de perversité et de tendresse. Un sujet en or. Une couverture de presse exceptionnelle où l’on s’empressera de ressortir les photos de l’Aston Martin écrabouillée. Et puis non. Il y a vingt ans, je n’ai pas écrit ce livre. Et je ne l’écrirai pas. »
Les mauvaises langues auront tôt fait de dire que finalement, c’est ce qu’elle a fait. Heureusement (ou malheureusement), il est établi depuis plusieurs siècles que les mauvaises langues ne savent pas lire. Enfin si, un peu, mais elles ne savent pas voir au-delà du texte. Ou lire entre les lignes – appelez ça comme vous voulez.
Car Marie Nimier n’a pas écrit un livre sur Roger Nimier. Il est là, bien sûr… mais finalement pas beaucoup plus que dans ses autres romans. Si la figure du père apparaît dans ce livre, elle est déformée, tronquée, outrée par les témoignages des uns et les souvenirs des autres. Ce n’est pas la grande image fixe d’un père quasiment inconnu, mais une infinité de micro-images contradictoires. Comme un miroir déformant. Ou plutôt un kaléidoscope.
Alors non, définitivement, ce n’est pas un livre sur Roger Nimier. C’est beaucoup plus. C’est, avant toute autre chose, un livre sur Marie Nimier. Et donc, par extension (projection ?) un livre sur chaque personne qui n’aura jamais connu son père – mais qui en aura beaucoup entendu parler. Un livre sur l’absence, qu’aucun souvenir et aucune coupure de presse ne comblera jamais. Un texte simple, ciselé. Beau et pudique – beau parce que pudique.
Marie Nimier peut être satisfaite : j’ai toujours adoré son père, qui m’a fait rire plus qu’à mon tour. Lui, cependant, ne m’a jamais fait pleurer.
Ce fantôme facétieux à présent évacué, la suite de l’œuvre promet d’être plus époustouflante encore.
👍👍👍 La Reine du Silence
Marie Nimier | Gallimard, 2004