samedi 9 décembre 2006

Mémoire de mes putains tristes - Le Ragoût du nonagénaire

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Dernier roman en date de Garcia Màrquez (à ne pas confondre avec ses mémoires, en dépit d’une ambiguïté curieuse soulignée par le titre), Mémoires de mes putains tristes met en scène un vieux monsieur ressemblant beaucoup à l’auteur qui décide de fêter ses quatre-vingt-dix ans en se payant une nuit avec une vierge. On se dit que c’est pas beau de vieillir, mais bon, pourquoi pas ? En plus sa copine qui tient un bordel lui a trouvé une superbe petite de quartoze ans, donc tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes…

Rassurez-vous : passées quatre pages un peu subversives la morale est sauve, le narrateur ne couchera pas avec la fille et d’ailleurs le roman s’éloigne très vite vers autre chose. Une autre chose qui s’avère parfois assez difficile à identifier, car sur un ensemble d’environ cent-cinquante pages l’auteur semble glisser régulièrement d’un axe de lecture à l’autre, mélangeant thèmes et idées pour faire apparaître un ouvrage assez singulier…

Il y a bien sûr l’angoisse du temps qui passe. C’est une évidence : un narrateur qui vous écrit toutes les deux pages qu’il n’a pas peur de vieillir, vous pouvez êtres sûrs et certains que ça le terrifie. C’est un genre de méthode coué, d’auto-persuasion, et il serait assez stupide d’imaginer que ça ne fait pas écho aux propres peurs de Garcià Marquez (qui mine de rien approche des quatre-vingt ans).

Comme souvent, cette angoisse est exprimée avec douceur pour mieux provoquer la tendresse à l’égard du vieux monsieur un peu largué – c’est à mon sens la partie la moins intéressante de l’œuvre (ou tout du moins la moins originale). Ce qui en revanche détonne, c’est cet attrait du personnage pour la jeune fille. Après tout, ce petit zest de subversion, même si on n’y croit jamais vraiment (l’auteur passe trop de temps à désamorcer les passages osés à grand coup de réflexions hilarantes), demeure tout de même aujourd’hui l’un des seuls thèmes encore à peu près scandaleux dans une société occidentale totalement décadente que plus grand-chose ne choque… et Garcia Màrquez, donc, de s’amuser avec cet ultime péché, qu’il mêle à l’humour, à la nostalgie, à l’absurde parfois…

Tout ceci mis bout à bout donne un petit livre futé et attachant, qui s’il n’atteint pas la grâce des classiques de son auteur reste une lecture agréable et souvent émouvante.


👍 Mémoires de mes putains tristes 
Gabriel Garcia Màrquez | Le Livre de Poche, 2004