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Chose promise chose due : retour sur Young Americans, huitième album de David Bowie, qui n’est pas la moindre de ses réussites. Il faut dire que cet objet franchement pas bowien a été enregistré dans une période de trouble et aurait tout aussi bien pu ne jamais voir le jour.
Retour au contexte : David Bowie vient d’enregistrer trois albums de pur rock’n’roll, de sauver la scène anglaise, et surtout de tuer son double Ziggy Stardust. Il a certes embrayé sur un autre double (Diamond Dogs) qui lui a permis de décrocher son plus gros tube à ce jour (« Rebel Rebel ») mais franchement, du strict point de vue musical les différences entres ce disque et les deux précédents ne sautent pas aux oreilles. En somme, il est plus que temps de passer à autre chose sous peine de se répéter.
La pression médiatique devenant assez insoutenable (Bowie au début des années 70 c’est quasiment Bruel), il émigre aux Etats-Unis et commence à travailler sur une poignée de titres composés durant la dernière tournée… en vain. Il manque quelque chose, peut-être bien une couleur ou une cohésion à donner à l’ensemble. Pour l’heure les chansons sonnent comme de la pop efficace mais jamais révolutionnaire.
Comme souvent avec Bowie, c’est une rencontre qui va bouleverser la donne et provoquer le déclic. En l’occurrence le Duke bosse depuis peu avec le guitariste Carlos Alomar, incroyable maestro souvent mésestimé alors que la diversité de son jeu laisse à penser qu’il était supérieur en tout point à son glorieux prédécesseur – Mick Ronson. Les biographes l’ont oublié mais c’est Alomar qui le premier branchera David Bowie sur la philly soul, à l’époque un mouvement balbutiant, sorte de soul blanche un peu branque dont les futurs leaders sont blacks (allez comprendre) : Chic. Si tout le monde sait que leur maître à jouer Nile Rodgers produira par la suite deux albums de Bowie (Let’s Dance et Black Tie / White Noise), la plupart des gens, y compris certains spécialistes, ignorent que la première rencontre entre les deux hommes a lieu vers 1974 / 75 (c’est à dire avant même que Chic n’existe officiellement). C’est pourtant bel et bien en s’inspirant de Rodgers que Bowie et Alomar feront dévier leur premier enregistrement commun vers la musique black.
L’enregistrement sera rapide et à sa sortie Young Americans fera l’effet d’une bombe. Logique : imaginez que le pape du rock briton se décide subitement à publier un album de funk américain ?! Il y a de quoi être déstabilisé ! En l’occurrence les fans savaient vers quoi s’orientait la musique de leur idole ces derniers temps (le David Live donnait quelques pistes), mais impossible toutefois de deviner à quel point sa musique comme son univers allaient être totalement bouleversés. Dès le premier titre tout est dit : les guitares filandreuses d’Alomar, la voix mutine du maître des lieux, le son frais, la rythmique joviale… « Young Americans », qui sera également le premier single, fait office de bande-annonce aussi fidèle que légère et dansante à un album dont le maître mot semble définitivement être : "spontanéité". De la grosse basse de « Win » (à contre-courant de toutes les modes de l’époque) à l’ambiance quasi lounge de « Fascination », en passant par le groove robotique de « Somebody up There Like Me »… le moindre petit arrangement donne l’impression d’avoir été ajouté à la dernière minute, un peu comme si l’album tout entier avait été enregistré à l’arrache. C’est peut-être aussi ce qui lui donne un petit côté artisanal et inachevé… en tout cas les chansons sont mélodiques, immédiates et fortes, surtout «Fame », vibrant hommage à deux voix (Bowie + Lennon = package de rêve) à sa Majesté James Brown. Sans parler de cette relecture audacieuse du « Across the Universe » de qui vous savez, supérieure à l’originale sinon dans l’interprêtation du moins dans la qualité d’enregistrement (il ne vous aura pas échappé que l’ultime tube des Scarabées liverpudliens a au mieux le son d’une démo de bonne facture). Evidemment nul doute que ce disque rebutera les amateurs de Bowie les moins ouverts, dans la mesure où il ne contient pas une note de rock – mais alors vraiment pas une. Qui s’en soucie ? Pas moi en tout cas : si j’aime autant David Bowie, c’est justement parce ses expérimentations m’ont amené sur des terres musicales où je n’aurais sans lui jamais foutu les pieds.
En 1975, Young Americans ressemblait à un suicide commercial aussi brutal que gratuit (d’ailleurs le disque ne se vendra pas en dépit des deux duos avec Lennon). Rétrospectivement, c’est un tournant, peut-être l’album le plus important de Bowie dans les années 70 du point de vue plan de carrière… d’abord parce que la touche funk ne désertera plus jamais aucun de ses disques ; ensuite parce que c’est le premier album qu’il enregistre sur le mode de l’exercice de style si cher à son coeur.
A partir de Young Americans en effet, ce fait sera établi : Bowie fait ce qu’il veut quand il le veut. Il y a fort à parier que son exercice de style country & western sera lui aussi remarquable.
Chose promise chose due : retour sur Young Americans, huitième album de David Bowie, qui n’est pas la moindre de ses réussites. Il faut dire que cet objet franchement pas bowien a été enregistré dans une période de trouble et aurait tout aussi bien pu ne jamais voir le jour.
Retour au contexte : David Bowie vient d’enregistrer trois albums de pur rock’n’roll, de sauver la scène anglaise, et surtout de tuer son double Ziggy Stardust. Il a certes embrayé sur un autre double (Diamond Dogs) qui lui a permis de décrocher son plus gros tube à ce jour (« Rebel Rebel ») mais franchement, du strict point de vue musical les différences entres ce disque et les deux précédents ne sautent pas aux oreilles. En somme, il est plus que temps de passer à autre chose sous peine de se répéter.
La pression médiatique devenant assez insoutenable (Bowie au début des années 70 c’est quasiment Bruel), il émigre aux Etats-Unis et commence à travailler sur une poignée de titres composés durant la dernière tournée… en vain. Il manque quelque chose, peut-être bien une couleur ou une cohésion à donner à l’ensemble. Pour l’heure les chansons sonnent comme de la pop efficace mais jamais révolutionnaire.
Comme souvent avec Bowie, c’est une rencontre qui va bouleverser la donne et provoquer le déclic. En l’occurrence le Duke bosse depuis peu avec le guitariste Carlos Alomar, incroyable maestro souvent mésestimé alors que la diversité de son jeu laisse à penser qu’il était supérieur en tout point à son glorieux prédécesseur – Mick Ronson. Les biographes l’ont oublié mais c’est Alomar qui le premier branchera David Bowie sur la philly soul, à l’époque un mouvement balbutiant, sorte de soul blanche un peu branque dont les futurs leaders sont blacks (allez comprendre) : Chic. Si tout le monde sait que leur maître à jouer Nile Rodgers produira par la suite deux albums de Bowie (Let’s Dance et Black Tie / White Noise), la plupart des gens, y compris certains spécialistes, ignorent que la première rencontre entre les deux hommes a lieu vers 1974 / 75 (c’est à dire avant même que Chic n’existe officiellement). C’est pourtant bel et bien en s’inspirant de Rodgers que Bowie et Alomar feront dévier leur premier enregistrement commun vers la musique black.
L’enregistrement sera rapide et à sa sortie Young Americans fera l’effet d’une bombe. Logique : imaginez que le pape du rock briton se décide subitement à publier un album de funk américain ?! Il y a de quoi être déstabilisé ! En l’occurrence les fans savaient vers quoi s’orientait la musique de leur idole ces derniers temps (le David Live donnait quelques pistes), mais impossible toutefois de deviner à quel point sa musique comme son univers allaient être totalement bouleversés. Dès le premier titre tout est dit : les guitares filandreuses d’Alomar, la voix mutine du maître des lieux, le son frais, la rythmique joviale… « Young Americans », qui sera également le premier single, fait office de bande-annonce aussi fidèle que légère et dansante à un album dont le maître mot semble définitivement être : "spontanéité". De la grosse basse de « Win » (à contre-courant de toutes les modes de l’époque) à l’ambiance quasi lounge de « Fascination », en passant par le groove robotique de « Somebody up There Like Me »… le moindre petit arrangement donne l’impression d’avoir été ajouté à la dernière minute, un peu comme si l’album tout entier avait été enregistré à l’arrache. C’est peut-être aussi ce qui lui donne un petit côté artisanal et inachevé… en tout cas les chansons sont mélodiques, immédiates et fortes, surtout «Fame », vibrant hommage à deux voix (Bowie + Lennon = package de rêve) à sa Majesté James Brown. Sans parler de cette relecture audacieuse du « Across the Universe » de qui vous savez, supérieure à l’originale sinon dans l’interprêtation du moins dans la qualité d’enregistrement (il ne vous aura pas échappé que l’ultime tube des Scarabées liverpudliens a au mieux le son d’une démo de bonne facture). Evidemment nul doute que ce disque rebutera les amateurs de Bowie les moins ouverts, dans la mesure où il ne contient pas une note de rock – mais alors vraiment pas une. Qui s’en soucie ? Pas moi en tout cas : si j’aime autant David Bowie, c’est justement parce ses expérimentations m’ont amené sur des terres musicales où je n’aurais sans lui jamais foutu les pieds.
En 1975, Young Americans ressemblait à un suicide commercial aussi brutal que gratuit (d’ailleurs le disque ne se vendra pas en dépit des deux duos avec Lennon). Rétrospectivement, c’est un tournant, peut-être l’album le plus important de Bowie dans les années 70 du point de vue plan de carrière… d’abord parce que la touche funk ne désertera plus jamais aucun de ses disques ; ensuite parce que c’est le premier album qu’il enregistre sur le mode de l’exercice de style si cher à son coeur.
A partir de Young Americans en effet, ce fait sera établi : Bowie fait ce qu’il veut quand il le veut. Il y a fort à parier que son exercice de style country & western sera lui aussi remarquable.
👍👍👍 Young Americans
David Bowie | RCA, 1975