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En 1995, le feuleur belge inaugurait une nouvelle période dans son œuvre, la plus connue et la plus prolifique, qui le vit se muer en un genre d’irrésistible Tom Waits francophone, et délaisser un peu le rock’n’roll des débuts pour revisiter la chanson dans un registre pour le moins particulier. Logiquement intitulé A la française, l’album fut pour beaucoup une révélation et permit à Arno de conquérir un large auditorat qui n’a depuis cessé de s’étoffer. S’ensuivit une tournée à guichets fermés dans des théâtres et des petites salles, dont ce live nous fait le récit avec un sens du décalage assez imparable.
Il faut dire qu’avec Arno l’appellation bête de scène est d’origine contrôlée et que même s’il reproduit ici la quasi intégralité de l’album studio susnommé, ce n’est franchement pas le même trip. Loin de se cantonner à une set-list carrée aux entournures, l’animal éructe et tâche, provoque et tourne en dérision son propre répertoire… la voix qui vibre et le corps qui tangue – ceux qui ont déjà assisté à un concert d’Arno n’en seront pas surpris. Là où d’autres (on taira leur nom) ont besoin de douze cornemuses et six acordéons pour donner un côté vaguement festif à leur musique (festif signifiant dans ce cas précis bal musette à la con), lui vous donne l’impression que vous avez mis les pieds dans une étrange fête foraine, qu’Elephant Man n’est jamais très loin et que la femme à barbe ressemble à Janis Joplin. Capable d’ouvrir sur un heavy-blues marécageux à la Nick Cave (« Depuis ce jour-là ») et de conclure dans un déluge de légèreté et de bonne humeur (« Putain Putain » enchaîné avec « La Paloma »), Arno passe d’un genre à l’autre sans complexe et transcende des chansons qui constituent déjà à la base le meilleur de son répertoire. Que celui qui sera capable de résister à « Je ne veux pas être grand » (une définition involontaire du rock’n’roll ?) me jette la première pierre : l’homme qui venait d’ailleurs donne l’impression d’être à l’aise partout, aussi bien dans l’émotion pure (reprise du « Comme à Ostende » de Ferré/Caussimon ; exhumation d’un des tous premiers simples de T.C. Matic, « Elle adore le noir ») que dans la déjante (« Patchoulie », « T’inquiète pas »…)… fait-il exprès de raconter N’importe quoi (TM) entre les morceaux, de se gourer en les annonçant, de planer à cent mille du début à la fin du concert ? Impossible de le dire. Cela fait partie du mystère d’Arno (et donc de son charme), cette manière d’avoir l’air perpétuellement ahuri, à la masse, tout en étant capable de trousser des choses aussi vénéneuses que « Mon Sissoyen ». Un jour on parviendra à l’expliquer, ou bien alors un ex-roadie publiera un bouquin dans lequel il nous révèlera qu’en fait Arno ne boit que de la flotte et qu’en vrai il parle à toute blinde, que son accent est aussi faux que sa voix et qu’il s’applique tous les matins à parfaire son coiffé–décoiffé. Ouais, un jour on lira de ce genre de torchon, et à ce moment-là Arno aura cessé de nous intéresser. Pourtant ce ne sera pas forcément une mauvaise nouvelle : ça voudra dire qu’enfin il a le statut qu’il mérite.
Celui d’un très grand du rock’n’roll.
En 1995, le feuleur belge inaugurait une nouvelle période dans son œuvre, la plus connue et la plus prolifique, qui le vit se muer en un genre d’irrésistible Tom Waits francophone, et délaisser un peu le rock’n’roll des débuts pour revisiter la chanson dans un registre pour le moins particulier. Logiquement intitulé A la française, l’album fut pour beaucoup une révélation et permit à Arno de conquérir un large auditorat qui n’a depuis cessé de s’étoffer. S’ensuivit une tournée à guichets fermés dans des théâtres et des petites salles, dont ce live nous fait le récit avec un sens du décalage assez imparable.
Il faut dire qu’avec Arno l’appellation bête de scène est d’origine contrôlée et que même s’il reproduit ici la quasi intégralité de l’album studio susnommé, ce n’est franchement pas le même trip. Loin de se cantonner à une set-list carrée aux entournures, l’animal éructe et tâche, provoque et tourne en dérision son propre répertoire… la voix qui vibre et le corps qui tangue – ceux qui ont déjà assisté à un concert d’Arno n’en seront pas surpris. Là où d’autres (on taira leur nom) ont besoin de douze cornemuses et six acordéons pour donner un côté vaguement festif à leur musique (festif signifiant dans ce cas précis bal musette à la con), lui vous donne l’impression que vous avez mis les pieds dans une étrange fête foraine, qu’Elephant Man n’est jamais très loin et que la femme à barbe ressemble à Janis Joplin. Capable d’ouvrir sur un heavy-blues marécageux à la Nick Cave (« Depuis ce jour-là ») et de conclure dans un déluge de légèreté et de bonne humeur (« Putain Putain » enchaîné avec « La Paloma »), Arno passe d’un genre à l’autre sans complexe et transcende des chansons qui constituent déjà à la base le meilleur de son répertoire. Que celui qui sera capable de résister à « Je ne veux pas être grand » (une définition involontaire du rock’n’roll ?) me jette la première pierre : l’homme qui venait d’ailleurs donne l’impression d’être à l’aise partout, aussi bien dans l’émotion pure (reprise du « Comme à Ostende » de Ferré/Caussimon ; exhumation d’un des tous premiers simples de T.C. Matic, « Elle adore le noir ») que dans la déjante (« Patchoulie », « T’inquiète pas »…)… fait-il exprès de raconter N’importe quoi (TM) entre les morceaux, de se gourer en les annonçant, de planer à cent mille du début à la fin du concert ? Impossible de le dire. Cela fait partie du mystère d’Arno (et donc de son charme), cette manière d’avoir l’air perpétuellement ahuri, à la masse, tout en étant capable de trousser des choses aussi vénéneuses que « Mon Sissoyen ». Un jour on parviendra à l’expliquer, ou bien alors un ex-roadie publiera un bouquin dans lequel il nous révèlera qu’en fait Arno ne boit que de la flotte et qu’en vrai il parle à toute blinde, que son accent est aussi faux que sa voix et qu’il s’applique tous les matins à parfaire son coiffé–décoiffé. Ouais, un jour on lira de ce genre de torchon, et à ce moment-là Arno aura cessé de nous intéresser. Pourtant ce ne sera pas forcément une mauvaise nouvelle : ça voudra dire qu’enfin il a le statut qu’il mérite.
Celui d’un très grand du rock’n’roll.
👍👍👍 En concert (à la française)
Arno | Delabel, 1997