vendredi 18 mai 2007

1974 - We Are the Dead

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Jeune journaliste branleur (tendance hooligan), Eddie est dépêché par le Yorkishire Post pour couvrir la disparition de la jeune Clare Kemplay, qui émeut tout le comté. Son enquête piétine, entre articles lacrymaux et pseudos scoops, jusqu’à ce qu’un entretien avec la police du coin lui fasse péter un câble : le superintendant s’obstine à n’arrêter que des marginaux, poivrots, Irlandais ou Gitans, plutôt qu’à chercher au sein de la communauté. De plus, il refuse d’envisager un lien a priori évident avec les disparitions de deux autres gamines quelques mois auparavant… il n’en faut pas plus à Eddie pour qu’il prenne les choses en main…

… sauf que rien ne va se passer ni comme il l’a prévu, ni comme le lecteur le prévoit ! Si le résumé de 1974 laisse à penser qu’il s’agit d’un thriller comme on en voit tant, on se rend très vite compte que David Peace n’est pas le premier venu. D’ailleurs son roman, s’il est bien noir de chez noir, n’a pas grand chose à voir avec le genre policier au sens strict du terme. Ne fût-ce que parce qu’Eddie est un vrai journaliste – pas un justicier se substituant aux autorités locales (même si on sent bien que ça ne lui déplairait pas). D’abord motivé par des intérêts personnels (faire son trou dans une rédac’ qui le méprise, principalement), il va se prendre au jeu et se brûler les ailes, déclenchant une réaction en chaîne incontrôlable et foutant les pieds là où il ne faut pas. Il continuera néanmoins à s’enferrer dans cette histoire, sacrifiant tout ou presque à chaque nouveau scoop, jusqu’à un dénouement aussi tragique que prévisible…

La force de 1974 repose en deux points cruciaux. Primo : l’écriture de Peace, du genre qui cogne. Le style est plus instinctif qu’incisif, nerveux et sans concession, du genre qui colle parfaitement avec la désespérance ambiante. Secundo : le décorum. Car ici le Yorkshire, la petite communauté rurale, l’ambiance pourrave de la rédaction et l’odeur de tabac émanant du pub du coin prennent très largement le pas sur une intrigue policière somme toute classique : Eddie ne bosse pas sur l’affaire de l’année, mais sur une collection de faits divers sordides (disparitions de fillettes, scandale politco-financier local, dérives d’une star du rugby) prétextes à une remarquable galerie de portraits. Le journaliste tocard, le flic idéaliste, le politicard dépassé par ses amis peu recommandables, la mère de victime détruite par la douleur, l’antihéros en guerre contre le monde entier… tout cela est rugueux, cruel à souhait et tendre à la fois…

Au final cet auteur que je ne connaissais pas glisse un regard saisissant sur l’Angleterre d’hier (et donc d’aujourd’hui) au cœur d’une intrigue haletante et rondement menée… c’est ce qu’on appelle de l’excellent roman noir, et autant vous dire que j’ai hâte de lire 1977 - second volet de cette tétralogie.


👍👍👍 1974 
David Peace | Serpent's Tail, 1999