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Il semblait difficile – sur le papier – d’écrire polar plus sombre et plus poisseux que 1974, le remarquable premier roman de David Peace. Eh bien pourtant, ç’a été fait ! Et par le même auteur, ce qui ne gâte rien.
Certes 1977 ne bénéficie pas du même effet de surprise, ce côté coup d’boule en pleine tronche du lecteur pensant tomber sur un énième petit thriller anglo-saxon-con-con à la Harlan Coben. Mais qu’est-ce qu’il est bon tout de même ! Pour vous dire : j’ai le dernier Michael Connelly en attente chez moi, je n’ose même plus le regarder. Pourtant en dépit des critiques souvent fondées de ses détracteurs j’aime beaucoup Connelly… seulement là, non, pas possible. Justement je l’aime beaucoup, et ce serait vraiment trop dégueulasse de le lire aussi vite après David Peace. Pour vous donner une idée, en termes purement stylistiques, enchaîner Peace et Connelly équivaudrait à prévoir de lire le dernier Beigbeder juste après avoir dévoré les œuvres complètes de Huysmans. Bref ce serait malvenu – voir même cruel.
Mais revenons à 1977, qui démarre sur les chapeaux de roue avec non pas un, mais deux meurtres de prostituées particulièrement sanglants. Un sergent est dépêché sur les lieux : Bob Fraser. Pas tout à fait un inconnu des lecteurs de Peace, mais pas non plus le héros de la saga. C’est l’excellente idée de ce second volet : avoir choisi comme personnages centraux deux caractères secondaires de 1974, récupérés trois ans après dans un état pour le moins piteux (la vie fait son œuvre, ma p’tite dame). Trois ans après, donc, Fraser, dont la participation à 1974 n’excédait guère les vingt pages en tout et pour tout, n’est plus jeune et zélé. Il a bouffé de la vache enragée, a essayé tant bien que mal de survivre aux crimes horribles ayant secoué la région de Leeds dans le volet précédent, s’est trouvé une femme et une maîtresse… etc. Il est également devenu nettement moins poli, en revanche il est toujours la lie de la lie de la terre aux yeux du superintendant Noble (qui a lui aussi droit à une présence un peu plus longue que dans 1974, où il ne faisait qu’une brève apparition – je pense que si j’avais laissé trois mois entre les deux livres je ne m’en souviendrais même plus). Fraser enquête donc, plus ou moins avec l’aide de Jack Whitehead… qui était un des pas très gentils (voire méchants) journalistes de l’épisode d’avant et dévoile cette fois-ci sa face tendre (pas d’inquiétude surtout : sa face tendre se limite à se bourrer la gueule en hurlant à la mort parce que sa femme est morte ; on ne le verra pas de sitôt faire mumuse avec ses petits enfants, et l’un dans l’autre il semble ici plus humain mais toujours aussi con). Tous deux partagent les mêmes fêlures : traumatisme causé par l’affaire de 1974 (à laquelle ils ont été lointainement mêlés) et perte d’un être cher. Du coup ils semblent s’être mis d’accord pour se partager la narration, et le roman progresse ainsi vers un très attendu climax où les deux hommes se retrouveront et partageront leurs découvertes sur celui qu’on surnomme déjà l'Éventreur du Yorkshire.
Rien à dire c’est de l’excellent boulot, avec une écriture au cordeau et une imagination aussi glauque qu’impressionnante… ce sont les grandes spécificités de David Peace, d’ailleurs : le côté insupportable de son écriture tape à l’œil et vulgos collant parfaitement à l’univers moche et sale qu'elle décrit. Comme 1974 , 1977 est un livre puant, non parce qu’il est mauvais mais parce que son auteur mets la main là où la plupart des autres écrivains se bouchent le nez. Une méthode hyper réaliste, hyper documentée, hyper puissante… mais pas, il faut le reconnaître, hyper plaisante. Tant mieux : les livres déplaisants sont souvent les plus originaux. 1977 s’inscrit sans problème dans cette catégorie. Et s’il est certain qu’après ça plus personne n’aura jamais envie de partir en vacances à Leeds ce n’est pas bien grave… qui a jamais eu envie de passer ses vacances à Leeds ?!
Il semblait difficile – sur le papier – d’écrire polar plus sombre et plus poisseux que 1974, le remarquable premier roman de David Peace. Eh bien pourtant, ç’a été fait ! Et par le même auteur, ce qui ne gâte rien.
Certes 1977 ne bénéficie pas du même effet de surprise, ce côté coup d’boule en pleine tronche du lecteur pensant tomber sur un énième petit thriller anglo-saxon-con-con à la Harlan Coben. Mais qu’est-ce qu’il est bon tout de même ! Pour vous dire : j’ai le dernier Michael Connelly en attente chez moi, je n’ose même plus le regarder. Pourtant en dépit des critiques souvent fondées de ses détracteurs j’aime beaucoup Connelly… seulement là, non, pas possible. Justement je l’aime beaucoup, et ce serait vraiment trop dégueulasse de le lire aussi vite après David Peace. Pour vous donner une idée, en termes purement stylistiques, enchaîner Peace et Connelly équivaudrait à prévoir de lire le dernier Beigbeder juste après avoir dévoré les œuvres complètes de Huysmans. Bref ce serait malvenu – voir même cruel.
Mais revenons à 1977, qui démarre sur les chapeaux de roue avec non pas un, mais deux meurtres de prostituées particulièrement sanglants. Un sergent est dépêché sur les lieux : Bob Fraser. Pas tout à fait un inconnu des lecteurs de Peace, mais pas non plus le héros de la saga. C’est l’excellente idée de ce second volet : avoir choisi comme personnages centraux deux caractères secondaires de 1974, récupérés trois ans après dans un état pour le moins piteux (la vie fait son œuvre, ma p’tite dame). Trois ans après, donc, Fraser, dont la participation à 1974 n’excédait guère les vingt pages en tout et pour tout, n’est plus jeune et zélé. Il a bouffé de la vache enragée, a essayé tant bien que mal de survivre aux crimes horribles ayant secoué la région de Leeds dans le volet précédent, s’est trouvé une femme et une maîtresse… etc. Il est également devenu nettement moins poli, en revanche il est toujours la lie de la lie de la terre aux yeux du superintendant Noble (qui a lui aussi droit à une présence un peu plus longue que dans 1974, où il ne faisait qu’une brève apparition – je pense que si j’avais laissé trois mois entre les deux livres je ne m’en souviendrais même plus). Fraser enquête donc, plus ou moins avec l’aide de Jack Whitehead… qui était un des pas très gentils (voire méchants) journalistes de l’épisode d’avant et dévoile cette fois-ci sa face tendre (pas d’inquiétude surtout : sa face tendre se limite à se bourrer la gueule en hurlant à la mort parce que sa femme est morte ; on ne le verra pas de sitôt faire mumuse avec ses petits enfants, et l’un dans l’autre il semble ici plus humain mais toujours aussi con). Tous deux partagent les mêmes fêlures : traumatisme causé par l’affaire de 1974 (à laquelle ils ont été lointainement mêlés) et perte d’un être cher. Du coup ils semblent s’être mis d’accord pour se partager la narration, et le roman progresse ainsi vers un très attendu climax où les deux hommes se retrouveront et partageront leurs découvertes sur celui qu’on surnomme déjà l'Éventreur du Yorkshire.
Rien à dire c’est de l’excellent boulot, avec une écriture au cordeau et une imagination aussi glauque qu’impressionnante… ce sont les grandes spécificités de David Peace, d’ailleurs : le côté insupportable de son écriture tape à l’œil et vulgos collant parfaitement à l’univers moche et sale qu'elle décrit. Comme 1974 , 1977 est un livre puant, non parce qu’il est mauvais mais parce que son auteur mets la main là où la plupart des autres écrivains se bouchent le nez. Une méthode hyper réaliste, hyper documentée, hyper puissante… mais pas, il faut le reconnaître, hyper plaisante. Tant mieux : les livres déplaisants sont souvent les plus originaux. 1977 s’inscrit sans problème dans cette catégorie. Et s’il est certain qu’après ça plus personne n’aura jamais envie de partir en vacances à Leeds ce n’est pas bien grave… qui a jamais eu envie de passer ses vacances à Leeds ?!
👍👍 1977
David Peace | Serpent's Tail, 2000