...
Shade commence mal : Nina, l’héroïne, se fait tuer dès le premier chapitre. A coup de cisailles, en plus, ce qui n’a rien de très élégant. Par un homme qui l’aime, pour couronner le tout. On imagine que tout ça contrarierait l’esprit le plus cartésien, alors sur Nina, qui n’est pas vraiment quelqu’un de stable, je vous laisse deviner le carnage. Oui parce qu’elle s’en souvient très bien, de sa mort. Puisque Nina, la narratrice (ou semi-narratrice plutôt) du roman est une morte. Vous me direz : au moins on n’a pas besoin de s’inquiéter pour ce qui est de connaître la fin. Quoique…
… car Nina commence alors à raconter sa vie (on l’imagine plus palpitante que sa mort, assez pathétique et n’excédant pas les trois pages). Une enfance heureuse et insouciante, particulièrement contemplative, une vie semble t’il toute tracée dès le début du siècle… à ceci près que Nina, dont le monde intérieur (imaginaire !) s’avère être particulièrement riche, n’est pas quelqu’un d’ordinaire…
A vrai dire je me suis jeté sur ce livre juste parce que j’avais envie de lire un bouquin de Neil Jordan. Je connaissais bien sûr ses films (dont le sublime Crying Game) ; j’avais donc une envie féroce de me frotter à sa plume. Las : force est de reconnaître que ce genre de livre n’est pas mon verre de muscat, et que je ne l’aurais probablement jamais acheté s’il s’était agi de quelqu’un d’autre. Ceci posé Shade est assurément un bon livre. La structure singulière (plus de la moitié des chapitres est tronçonnée en deux pour revenir à George, le meurtrier, et voir ce qu’il fait après son crime juste avant de repartir dans le souvenir de Nina – ce qui crée une dichotomie originale voire assez fascinante par moment), la plume relativement vive, et surtout l’épatant mélange des genres opéré par l’auteur (qui saute sans vergogne du fantastique à l’historique puis de l’historique à l’étude de mœurs puis de l’étude de mœurs à l’analyse sociale) m’ont plutôt séduit. Bizarrement j’ai pensé à Lovesong de Nikki Gemmell (je serais bien en peine de vous dire pourquoi, par contre – sans doute parce qu’il s’agit là aussi du monologue introspectif d’une héroïne unique en son genre ?), ce qui est plutôt un compliment, quand bien même la Nina de Neil Jordan tape un peu sur le système de temps à autre. Mais non : je ne me laisserai pas à aller à ma tendance habituelle à couper le cheveu en quatre. Shade est un bon livre, un agréable moment de lecture et je n’en dirai pas de mal. Ce qui est sûr en revanche, c’est que je ne relirai sans doute pas Neil Jordan, dont l’écriture m’a fait un peu l’effet d’un excellent disque de reggae : je suis assez cultivé pour savoir qu’objectivement c’est bien, mais c’est pas mon truc, pas ma culture, pas le genre de livre qui me fait grimper aux rideaux.
Ce qui ne veut pas dire que ce ne sera pas votre cas.
Shade commence mal : Nina, l’héroïne, se fait tuer dès le premier chapitre. A coup de cisailles, en plus, ce qui n’a rien de très élégant. Par un homme qui l’aime, pour couronner le tout. On imagine que tout ça contrarierait l’esprit le plus cartésien, alors sur Nina, qui n’est pas vraiment quelqu’un de stable, je vous laisse deviner le carnage. Oui parce qu’elle s’en souvient très bien, de sa mort. Puisque Nina, la narratrice (ou semi-narratrice plutôt) du roman est une morte. Vous me direz : au moins on n’a pas besoin de s’inquiéter pour ce qui est de connaître la fin. Quoique…
… car Nina commence alors à raconter sa vie (on l’imagine plus palpitante que sa mort, assez pathétique et n’excédant pas les trois pages). Une enfance heureuse et insouciante, particulièrement contemplative, une vie semble t’il toute tracée dès le début du siècle… à ceci près que Nina, dont le monde intérieur (imaginaire !) s’avère être particulièrement riche, n’est pas quelqu’un d’ordinaire…
A vrai dire je me suis jeté sur ce livre juste parce que j’avais envie de lire un bouquin de Neil Jordan. Je connaissais bien sûr ses films (dont le sublime Crying Game) ; j’avais donc une envie féroce de me frotter à sa plume. Las : force est de reconnaître que ce genre de livre n’est pas mon verre de muscat, et que je ne l’aurais probablement jamais acheté s’il s’était agi de quelqu’un d’autre. Ceci posé Shade est assurément un bon livre. La structure singulière (plus de la moitié des chapitres est tronçonnée en deux pour revenir à George, le meurtrier, et voir ce qu’il fait après son crime juste avant de repartir dans le souvenir de Nina – ce qui crée une dichotomie originale voire assez fascinante par moment), la plume relativement vive, et surtout l’épatant mélange des genres opéré par l’auteur (qui saute sans vergogne du fantastique à l’historique puis de l’historique à l’étude de mœurs puis de l’étude de mœurs à l’analyse sociale) m’ont plutôt séduit. Bizarrement j’ai pensé à Lovesong de Nikki Gemmell (je serais bien en peine de vous dire pourquoi, par contre – sans doute parce qu’il s’agit là aussi du monologue introspectif d’une héroïne unique en son genre ?), ce qui est plutôt un compliment, quand bien même la Nina de Neil Jordan tape un peu sur le système de temps à autre. Mais non : je ne me laisserai pas à aller à ma tendance habituelle à couper le cheveu en quatre. Shade est un bon livre, un agréable moment de lecture et je n’en dirai pas de mal. Ce qui est sûr en revanche, c’est que je ne relirai sans doute pas Neil Jordan, dont l’écriture m’a fait un peu l’effet d’un excellent disque de reggae : je suis assez cultivé pour savoir qu’objectivement c’est bien, mais c’est pas mon truc, pas ma culture, pas le genre de livre qui me fait grimper aux rideaux.
Ce qui ne veut pas dire que ce ne sera pas votre cas.
👍 Shade [Les Ombres]
Neil Jordan | Bloomsbury, 2004