...
Philip Roth est mort en 2001 – quelques jours après la sortie de son ultime roman : The Dying Animal.
Bon, ce n’est évidemment pas vrai, mais ç'aurait pu. Et là je vous assure qu'on aurait considéré The Dying Animal de manière totalement différente.
Ce roman-là aurait pu grand. Très grand. Tous les éléments étaient réunis pour ça : le retour d’un personnage fétiche de l’auteur (David Kepesh), une atmosphère crépusculaire, une plume plus rageuse que jamais…
… lors quoi ? Pourquoi ce roman semble t’il si imparfait ? Si inachevé ?
Tout simplement parce que Philip Roth est encore vivant et écrit encore des livres ! Dans The Dying Animal tout, du titre à l’histoire en passant par les personnages ou leurs réflexions, semble avoir été écrit comme s’il devait s’agir du dernier roman de Philip Roth. Il y a ici un côté désespéré, mélodramatique inédit à ce jour dans l’œuvre, un mélange de renoncement et d’envie d’en découdre ressemblant beaucoup au dernier râle d’un géant. Sans rire : si l’auteur était mort trois mois après la sortie de ce bouquin on l’aurait totalement réévalué. Ce serait devenu le Testament du Pornographe, le Dernier Soupir du Génie et j’aurais intitulé mon article : Une dernière provocation avant de mourir.
Telle est la curieuse certitude qui m'a assailli après avoir refermé The Dying Animal : s’il semble si inachevé, c’est parce que son grand final aurait dû être la mort non pas de Kepesh, mais de Roth. Il ne fait pas le moindre doute qu’il ait été envisagé comme tel par un auteur qui venait tout de même de terminer The Human Stain - magnifique réflexion sur la vieillesse et le remords. A partir du moment où Philip Roth est encore en vie et a écrit par la suite deux romans infiniment supérieurs (The Plot Against America et Everyman), celui-ci perd une bonne partie de son sens.
Mais qu’est-ce qu’il nous raconte ? êtes vous en train de vous dire. Mais… la vérité, tout bêtement ! Ou du moins ma vérité sur ce livre qui n’a eu de cesse de diviser ses lecteurs depuis 2001, adulé par certains tout en étant conspué par une énorme partie des fans de Philip Roth, et qui m’a moi-même profondément partagé malgré deux lectures.
L’on y retrouve donc David Kepesh vingt-cinq ans après The Professor of Desire . Comme l’auteur, il a vieilli. Comme l’auteur, il a atteint tous ses objectifs. Et comme l’auteur (du moins on l’imagine) il commence à… bander mou. Pas la peine de tourner autour du pot : The Dying Animal, sous ses dehors de fable érotique pour petit fripons lettrés, n’est ni plus ni moins que l’histoire d’un intellectuel juif qui se sent décliner physiquement – et sexuellement en premier lieu. Or pour Kepesh, le sexe compte plus encore que Kafka ou Picasso. Pour Kepesh le sexe, c’est la vie. C’est grâce à lui qu’il se sent vivant, et c’est bien pourquoi lorsque sa libido s’effrite il commence à se sentir mourir.
Depuis qu’il a passé la cinquantaine (soit donc depuis le début des années 80), Philip Roth a toujours été plus que préoccupé par le vieillissement, la décripitude physique ou la faillite du désir. Rien de moins surprenant, par conséquent, que de le voir s’attaquer à ces sujets alors qu’il entre dans sa soixante-neuvième année…
… 69 ?! Non c’est pas possible ? C’est une blague ? Bah non, même pas, et le pire est que je ne sois pas certain que ce soit une coïncidence. Connaissant le bonhomme et vue l’ironie mordante avec laquelle il traite la question archi-bâteau du vieux prof qui se tape une étudiante pour se rappeler qu’il est vivant… il est fort probable qu’il y ait lui-même pensé.
Bref : tout cela est fort intéressant du point analytique mais s’il suffisait d’être très intelligent et très drôle pour écrire de grands romans, Pierre Desproges aurait révolutionné la littérature. Le fait est que malgré des qualités évidentes (humour, subversion, élégance stylistique faisant qu’un passage porno de Roth ne sera jamais complètement vulgaire…) The Dying Animal est absolument dépourvu de la plus élémentaire intrigue. Il s’y dit tout un tas de choses mais ne s’y passe strictement rien, c’est même l’un romans les plus statiques que j'aie jamais lus (sauf à considérer les mouvements horizontaux des personnages comme une manière de circuler dans l’espace). Tous les thèmes chéris de l’auteur y sont concentrés mais aucun ne s’extirpe du lot. Et péché mortel de la part d’un des plus grands romanciers romanesques de son temps : le style – sublime – tourne quasiment à vide.
De là à parler d'autoparodie comme l’ont fait certains, il y a certes un cap.
Cela dit souvenez-vous de ma théorie inaugurale, et essayez de considérer que Philip Roth est mort en 2001 – quelques jours après la sortie de son ultime roman The Dying Animal Ce livre régulièrement caricatural vous apparaîtra alors subitement comme une œuvre-somme.
Philip Roth est mort en 2001 – quelques jours après la sortie de son ultime roman : The Dying Animal.
Bon, ce n’est évidemment pas vrai, mais ç'aurait pu. Et là je vous assure qu'on aurait considéré The Dying Animal de manière totalement différente.
Ce roman-là aurait pu grand. Très grand. Tous les éléments étaient réunis pour ça : le retour d’un personnage fétiche de l’auteur (David Kepesh), une atmosphère crépusculaire, une plume plus rageuse que jamais…
… lors quoi ? Pourquoi ce roman semble t’il si imparfait ? Si inachevé ?
Tout simplement parce que Philip Roth est encore vivant et écrit encore des livres ! Dans The Dying Animal tout, du titre à l’histoire en passant par les personnages ou leurs réflexions, semble avoir été écrit comme s’il devait s’agir du dernier roman de Philip Roth. Il y a ici un côté désespéré, mélodramatique inédit à ce jour dans l’œuvre, un mélange de renoncement et d’envie d’en découdre ressemblant beaucoup au dernier râle d’un géant. Sans rire : si l’auteur était mort trois mois après la sortie de ce bouquin on l’aurait totalement réévalué. Ce serait devenu le Testament du Pornographe, le Dernier Soupir du Génie et j’aurais intitulé mon article : Une dernière provocation avant de mourir.
Telle est la curieuse certitude qui m'a assailli après avoir refermé The Dying Animal : s’il semble si inachevé, c’est parce que son grand final aurait dû être la mort non pas de Kepesh, mais de Roth. Il ne fait pas le moindre doute qu’il ait été envisagé comme tel par un auteur qui venait tout de même de terminer The Human Stain - magnifique réflexion sur la vieillesse et le remords. A partir du moment où Philip Roth est encore en vie et a écrit par la suite deux romans infiniment supérieurs (The Plot Against America et Everyman), celui-ci perd une bonne partie de son sens.
Mais qu’est-ce qu’il nous raconte ? êtes vous en train de vous dire. Mais… la vérité, tout bêtement ! Ou du moins ma vérité sur ce livre qui n’a eu de cesse de diviser ses lecteurs depuis 2001, adulé par certains tout en étant conspué par une énorme partie des fans de Philip Roth, et qui m’a moi-même profondément partagé malgré deux lectures.
L’on y retrouve donc David Kepesh vingt-cinq ans après The Professor of Desire . Comme l’auteur, il a vieilli. Comme l’auteur, il a atteint tous ses objectifs. Et comme l’auteur (du moins on l’imagine) il commence à… bander mou. Pas la peine de tourner autour du pot : The Dying Animal, sous ses dehors de fable érotique pour petit fripons lettrés, n’est ni plus ni moins que l’histoire d’un intellectuel juif qui se sent décliner physiquement – et sexuellement en premier lieu. Or pour Kepesh, le sexe compte plus encore que Kafka ou Picasso. Pour Kepesh le sexe, c’est la vie. C’est grâce à lui qu’il se sent vivant, et c’est bien pourquoi lorsque sa libido s’effrite il commence à se sentir mourir.
Depuis qu’il a passé la cinquantaine (soit donc depuis le début des années 80), Philip Roth a toujours été plus que préoccupé par le vieillissement, la décripitude physique ou la faillite du désir. Rien de moins surprenant, par conséquent, que de le voir s’attaquer à ces sujets alors qu’il entre dans sa soixante-neuvième année…
… 69 ?! Non c’est pas possible ? C’est une blague ? Bah non, même pas, et le pire est que je ne sois pas certain que ce soit une coïncidence. Connaissant le bonhomme et vue l’ironie mordante avec laquelle il traite la question archi-bâteau du vieux prof qui se tape une étudiante pour se rappeler qu’il est vivant… il est fort probable qu’il y ait lui-même pensé.
Bref : tout cela est fort intéressant du point analytique mais s’il suffisait d’être très intelligent et très drôle pour écrire de grands romans, Pierre Desproges aurait révolutionné la littérature. Le fait est que malgré des qualités évidentes (humour, subversion, élégance stylistique faisant qu’un passage porno de Roth ne sera jamais complètement vulgaire…) The Dying Animal est absolument dépourvu de la plus élémentaire intrigue. Il s’y dit tout un tas de choses mais ne s’y passe strictement rien, c’est même l’un romans les plus statiques que j'aie jamais lus (sauf à considérer les mouvements horizontaux des personnages comme une manière de circuler dans l’espace). Tous les thèmes chéris de l’auteur y sont concentrés mais aucun ne s’extirpe du lot. Et péché mortel de la part d’un des plus grands romanciers romanesques de son temps : le style – sublime – tourne quasiment à vide.
De là à parler d'autoparodie comme l’ont fait certains, il y a certes un cap.
Cela dit souvenez-vous de ma théorie inaugurale, et essayez de considérer que Philip Roth est mort en 2001 – quelques jours après la sortie de son ultime roman The Dying Animal Ce livre régulièrement caricatural vous apparaîtra alors subitement comme une œuvre-somme.
✋ The Dying Animal
Philip Roth | Vintage, 2001
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