Il existe à l’heure actuelle un nombre impressionnant de lives de The Cure, mais aucun qui arrive à la cheville de celui-ci. Ni les autres concerts « officiels » (Show et Paris), ni les semi-officiels (Entreat et Intimacy) ne tiennent la route face à Concert (premier du lot). Le seul qui pourrait éventuellement lui faire de l’ombre serait Trilogy… sauf qu’il s’agit d’un concert filmé et non d’un album live. Il existe sans doute des pirates de classe supérieure, mais si l’on se concentre sur les disques disponibles dans le commerce aucun n’a jamais réussi, vingt-trois ans après, à faire oublier celui-ci.
Le contexte particulier dans lequel il a été enregistré est sans doute pour beaucoup dans sa singularité : 1984 est l’année de l’apogée du groupe de Crawley… au moins autant que celle de sa chute. 1984, c’est le commencement de la fin. Le moment où Robert Smith a totalement pris le contrôle de The Cure, pour le meilleur comme pour le pire.
Cela se traduit dans les faits par une espèce de boulimie du bonhomme qui filera le frisson à ces artistes ne publiant qu’un album tous les cinq ans : entre Pornography en 1982 et Concert en octobre 1984, Smith a enregistré pas moins de sept disques ! Trois 45 tours (et non des moindres : « Let’s Go to Bed », « The Walk » et « The Lovecats »), trois albums studios (le grandiose Blue Sunshine avec The Glove, le mésestimé Hyaena avec Siouxsie & The Banshees, et le génial The Top avec The Cure) et un live (avec les Banshees aussi). De quoi faire mourir de fatigue tous ses collaborateurs… qui de fait commenceront à valser à peu près à cette période. Concert en est un joli exemple : dernière apparition d’Andy Anderson à la batterie (lequel avait rejoint le groupe seulement un an auparavant), ce concert capté sur la tournée éclaire de mai-octobre 1984 marque aussi le retour de Porl Thompson aux claviers, ainsi que celui de Phil Thornalley à la basse – mais pas pour longtemps puisqu’il repartira juste après (son come-back n’aura duré en tout et pour tout que cinq mois)… bref on n’est plus très loin de Spinal Tap, mais paradoxalement ce line-up improbable apparaît à l’écoute du disque comme l’un des plus probants jamais réunis par Robert Smith.
Plus probant parce que compensant l’une des faiblesses du groupe : sur scène, The Cure manque régulièrement de chair comme d'os. Résolument rock dans la démarche, Cure a toujours eu une fâcheuse tendance à se ramollir en public, comme si ses mélodies vaporeuses s’envolaient systématiquement dans la stratosphère. Pas de ça ici : Concert est peut-être le disque le plus dur, le plus électrique et le plus puissant jamais enregistré par Robert Smith. Comme un contre-pied à l’album qu’elle était sensée soutenir, ce The Top totalement spatial, la tournée 1984 fut une succession de prestations nerveuses et abrasives dont Concert sera le témoignage fidèle.
Aussi dense et compact que The Top était varié et éclaté, Concert présente une facette assez inédite de The Cure, tant dans le traitement résolument rock’n’roll des morceaux que dans la sobriété des arrangements… nulle trace ici des délires aériens dont Smith est si friand, plutôt des mélodies ciselées mais jamais faciles, des compositions exigeantes sans être prétentieuses… bref : du rock de haute volée, comme The Cure n’en a peut-être jamais produit ailleurs.
Jusqu’alors toujours envappées d’une réverb’ qui les a beaucoup faites vieillir, « Charlotte Sometimes » et « A Forest » trouvent ici des incarnations plus organiques et absolument remarquables, portées par des guitares tendues à l’extrême et une voix enfin mise en avant. Accélérées et bien plus incisives que les originales, « 10:15 Saturday Night » et « Killing an Arab » redeviennent les merveilles punk qu’elles n’auraient jamais dû cesser d’être. Quant à « Shake, Dog Shake », elle s’impose en ouverture comme la plus grande chanson du groupe.
Les synthés sont bien sûr toujours présents (c’est l’époque qui voulait ça), à ceci près qu’ils sont cette fois juste en soutien des morceaux et n’en sont nullement la base. Autant dire que cela change tout dans le cas d’un « Primary » (qui devient une popsong somptueuse) ou celui d’un « Hanging Garden » (métamorphosée en plainte martiale à la Joy Division), et que cela ne fait que renforcer la puissance de feu d’un « Give Me It ».
Pas de quoi convertir les éternels récalcitrants à la voix de Robert Smith, certes. En revanche voici peut-être le disque qu’il n’a jamais su faire en studio, et qui définit parfaitement la musique de son groupe : sombre mais rageuse, romantique mais pas niaiseuse, psychédélique mais pas progressive…
… du rock qui rolle, quoi !
Le contexte particulier dans lequel il a été enregistré est sans doute pour beaucoup dans sa singularité : 1984 est l’année de l’apogée du groupe de Crawley… au moins autant que celle de sa chute. 1984, c’est le commencement de la fin. Le moment où Robert Smith a totalement pris le contrôle de The Cure, pour le meilleur comme pour le pire.
Cela se traduit dans les faits par une espèce de boulimie du bonhomme qui filera le frisson à ces artistes ne publiant qu’un album tous les cinq ans : entre Pornography en 1982 et Concert en octobre 1984, Smith a enregistré pas moins de sept disques ! Trois 45 tours (et non des moindres : « Let’s Go to Bed », « The Walk » et « The Lovecats »), trois albums studios (le grandiose Blue Sunshine avec The Glove, le mésestimé Hyaena avec Siouxsie & The Banshees, et le génial The Top avec The Cure) et un live (avec les Banshees aussi). De quoi faire mourir de fatigue tous ses collaborateurs… qui de fait commenceront à valser à peu près à cette période. Concert en est un joli exemple : dernière apparition d’Andy Anderson à la batterie (lequel avait rejoint le groupe seulement un an auparavant), ce concert capté sur la tournée éclaire de mai-octobre 1984 marque aussi le retour de Porl Thompson aux claviers, ainsi que celui de Phil Thornalley à la basse – mais pas pour longtemps puisqu’il repartira juste après (son come-back n’aura duré en tout et pour tout que cinq mois)… bref on n’est plus très loin de Spinal Tap, mais paradoxalement ce line-up improbable apparaît à l’écoute du disque comme l’un des plus probants jamais réunis par Robert Smith.
Plus probant parce que compensant l’une des faiblesses du groupe : sur scène, The Cure manque régulièrement de chair comme d'os. Résolument rock dans la démarche, Cure a toujours eu une fâcheuse tendance à se ramollir en public, comme si ses mélodies vaporeuses s’envolaient systématiquement dans la stratosphère. Pas de ça ici : Concert est peut-être le disque le plus dur, le plus électrique et le plus puissant jamais enregistré par Robert Smith. Comme un contre-pied à l’album qu’elle était sensée soutenir, ce The Top totalement spatial, la tournée 1984 fut une succession de prestations nerveuses et abrasives dont Concert sera le témoignage fidèle.
Aussi dense et compact que The Top était varié et éclaté, Concert présente une facette assez inédite de The Cure, tant dans le traitement résolument rock’n’roll des morceaux que dans la sobriété des arrangements… nulle trace ici des délires aériens dont Smith est si friand, plutôt des mélodies ciselées mais jamais faciles, des compositions exigeantes sans être prétentieuses… bref : du rock de haute volée, comme The Cure n’en a peut-être jamais produit ailleurs.
Jusqu’alors toujours envappées d’une réverb’ qui les a beaucoup faites vieillir, « Charlotte Sometimes » et « A Forest » trouvent ici des incarnations plus organiques et absolument remarquables, portées par des guitares tendues à l’extrême et une voix enfin mise en avant. Accélérées et bien plus incisives que les originales, « 10:15 Saturday Night » et « Killing an Arab » redeviennent les merveilles punk qu’elles n’auraient jamais dû cesser d’être. Quant à « Shake, Dog Shake », elle s’impose en ouverture comme la plus grande chanson du groupe.
Les synthés sont bien sûr toujours présents (c’est l’époque qui voulait ça), à ceci près qu’ils sont cette fois juste en soutien des morceaux et n’en sont nullement la base. Autant dire que cela change tout dans le cas d’un « Primary » (qui devient une popsong somptueuse) ou celui d’un « Hanging Garden » (métamorphosée en plainte martiale à la Joy Division), et que cela ne fait que renforcer la puissance de feu d’un « Give Me It ».
Pas de quoi convertir les éternels récalcitrants à la voix de Robert Smith, certes. En revanche voici peut-être le disque qu’il n’a jamais su faire en studio, et qui définit parfaitement la musique de son groupe : sombre mais rageuse, romantique mais pas niaiseuse, psychédélique mais pas progressive…
… du rock qui rolle, quoi !
👑 Concert : The Cure Live
The Cure | Fiction/Elektra, 1984