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L’histoire de Green Day illustre parfaitement en quoi les modes sont totalement stupides : sympathique combo punk-pop débarqué à la fin des années 80, le trio d’Oakland a vu sa popularité grandir à vitesse grand V puis carrément exploser au milieu de la décennie suivante, au gré d’un album excellent, Dookie, et d’un autre un poil moins convaincant mais très sympa, Insomniac. Avec ce succès pourtant pas forcément déplacé, la détestation n’a bien sûr pas tardé à suivre. Pourtant Green Day valait mieux que les autres, et nombreux sont ceux à avoir défendu ce point de vue. C’était un groupe de valeur, tombé pile au bon moment au bon endroit.
Comme on pouvait s’y attendre, la mode passant, Green Day a vu ses ventes divisées par deux, mais là où d’autres (qui a dit Offspring ?) ont sombré dans le putassier pour raccrocher aux charts, Billie Joe Armstrong a préféré tailler sa route et publier deux albums ambitieux, Nimrod et Warning: ; le premier le voyant agrémenter son punk-rock de cuivres et de cordes, le second le laissant exprimer, loin des guitares heavy, son amour inconditionnel pour les Kinks. De quoi perdre encore quelques fans (Warning: contient de très bonnes chansons mais très peu de gros mots), mais s’attirer enfin un peu du respect qui lui est dû auprès des critiques – comme de bien entendu la presse a encensé ce disque de 2000 alors même qu’il filait droit vers les bacs à soldes.
Ce qui nous amène à American Idiot, dans lequel un Billie Joe désormais déguisé en New York Doll (pied de nez forcément appréciable à la nouvelle génération proto-punk), et auréolé d’un statut presque branché suite à ses collaborations avec Pearl Jam ou Ryan Adams, se métamorphose en parangon de la lutte anti-Bush. L’histoire peut être continuée logiquement : Green Day a reconquis les foules, est devenu énorme, est de nouveau détesté comme se doit. Lorsque l’engouement vire au matraquage, c’est à peu près toujours ce qui se produit, et si je n’ai en 2004 lu absolument aucune mauvaise critique d’American Idiot, les plumitifs et autres grognons se sont amplement rattrapés au bout du troisième single numéro 1. C'est qu'entre 2004 et 2006 (voire encore aujourd'hui), il est arrivé à Green Day le pire truc qui puisse arriver à un groupe de rock (et peut faire craindre le pire pour leur prochain disque) : ces trois rigolos sont devenus, en terme de popularité et de ventes, le plus grand groupe du monde. Aujourd'hui les vannes à leur sujet sont tellement légions, tellement systématiques et tellement faciles que je ne prends même plus la peine de les relever ; il m’est même arrivé parfois d’éprouver de la honte. Aimer Green Day alors que j’avais plus de vingt ans ?! Ce qui est terrible avec l’acharnement gratuit et non argumenté, c’est qu’à force de se systématiser il parviendrait presque à vous faire douter de vos propres goûts. C’est ce qui explique qu’un fan de Marc Levy osera très rarement avouer qu’il trouve ses livres fabuleux – il se contera de dire : Je sais que c’est pas de la grande littérature, mais moi j’aime bien. Pour tout dire je crois que même si je détestais Green Day je ne leur consacrerais pas un Top of The Flops tant ils se font démolir de partout
Là où je consens néanmoins à reconnaître que le succès est terrifiant, et où je dois bien assumer ma part de snobisme à mon tour, c’est que j’ai cessé d’écouter American Idiot il y a au moins une bonne année à force d’en être bassiné à longueur d’ondes FM. Se fût-il agit d’un autre groupe, je n’aurais peut-être même pas posé une oreille sur le disque rien que pour résister au consensus. A tel point que lorsque je me le suis remis en voiture l’autre jour, pour la première fois depuis des lustres, je me suis demandé si j’allais encore l’aimer.
« American Idiot » m’a fait chantonner tout de suite, en revanche dès le second titre (« Jesus of Surbubia » - qui était déjà celui que j’aimais le moins il y a trois ans), j’ai déchanté. Le morceau commence plutôt bien, avec un petit côté 60’s dans la descente rythmique (typiquement greendayienne), mais on sombre dans l’archi balourd durant la seconde moitié. Le côté mille feuilles avec dix-huit parties et cinquante sous-parties je n’aime ça que chez Dream Theater, qui verse tout autant dans le bavard mais dont la conversation demeure toujours intéressante. Chez Green Day, c’est juste long et un peu chiant, exactement comme pour tous les groupes qui touchent au prog' tout en ayant une technique médiocre. L’autre pièce-montée opéra-rock-heavy du disque, « Homecoming », est encore pire. Par moment on jurerait entendre Queen, voire Meat Loaf – le plus navrant étant que certaines des quarante-six sous-parties sont excellentes quand d’autres frôlent la nullité crasse.
Que les détracteurs de Green Day (à savoir quasiment tout mes lecteurs, non ?) ne se réjouissent pas trop pour autant : il y dix autres chansons sur American Idiot, et au risque de me discréditer à vie je les trouve presque toutes aussi excellentes. Avec le temps « Holiday » et « September Ends » ne me semblent plus les meilleures du lot (comme par hasard deux tubes archi-rebattus ces dernières années… il est donc probable que je me re-contredise dans trois ans), en revanche mon titre préféré est toujours le même : « Give Me Novocaïne ». Le son, la mélodie, même le texte… c’est juste super, comme l’ensemble de l’album qui parvient à trouver un compromis parfait entre rock/punk frontal (« St Jimmy », « She’s a Rebel ») et chansons plus chiadées (« Whatshername » - charmante malgré un intro chipée à Police – ou « Extraordinary Girl » - irrésistible même s’il ne lui manque que les cloches de Noël pour m’évoquer Queen).
Le lecteur le plus endormi aura sans doute relevé la contradiction : cet album que j’adore évoque régulièrement des groupes que je déteste. Rassurez-vous, je n’ai pas sombré dans la drogue. C’est tout simplement que je ne déteste pas Queen ou Police pour ce qu’ils représentent, mais parce que leurs chansons ne me parlent pas. Celles de Green Day, si. Car en dépit de points communs tellement évidents que j’ignore comment ils ne m’ont pas sauté aux oreilles plus tôt, on y trouve heureusement quelque chose en plus. Une patte n'appartenant qu'à ce groupe dans les riffs, une voix unique (si), un songwriting qui contrairement aux apparences ne court pas les rues… une personnalité, quoi. Que je ne retrouve pas chez beaucoup de ses clones. Et la personnalité, n’est-ce pas ce qui différenciera toujours les artistes des produits formatés ?
Des power-ballades à l’ancienne comme « September Ends », je ne crois pas en avoir entendu beaucoup depuis 2004. Je ne crois même pas en avoir entendu tant que ça dans ma vie. Or la power-ballade n’a en soit rien de honteux – du moment qu’elle est bien. Mon commentaire valant tout autant pour l’opera-rock ou pour le rock de stades. Il n’y a pas de mauvais (sous) genre. Juste de mauvais groupes. Et les cakes de Green Day en sont un excellent, dans leur très mauvais genre.
L’histoire de Green Day illustre parfaitement en quoi les modes sont totalement stupides : sympathique combo punk-pop débarqué à la fin des années 80, le trio d’Oakland a vu sa popularité grandir à vitesse grand V puis carrément exploser au milieu de la décennie suivante, au gré d’un album excellent, Dookie, et d’un autre un poil moins convaincant mais très sympa, Insomniac. Avec ce succès pourtant pas forcément déplacé, la détestation n’a bien sûr pas tardé à suivre. Pourtant Green Day valait mieux que les autres, et nombreux sont ceux à avoir défendu ce point de vue. C’était un groupe de valeur, tombé pile au bon moment au bon endroit.
Comme on pouvait s’y attendre, la mode passant, Green Day a vu ses ventes divisées par deux, mais là où d’autres (qui a dit Offspring ?) ont sombré dans le putassier pour raccrocher aux charts, Billie Joe Armstrong a préféré tailler sa route et publier deux albums ambitieux, Nimrod et Warning: ; le premier le voyant agrémenter son punk-rock de cuivres et de cordes, le second le laissant exprimer, loin des guitares heavy, son amour inconditionnel pour les Kinks. De quoi perdre encore quelques fans (Warning: contient de très bonnes chansons mais très peu de gros mots), mais s’attirer enfin un peu du respect qui lui est dû auprès des critiques – comme de bien entendu la presse a encensé ce disque de 2000 alors même qu’il filait droit vers les bacs à soldes.
Ce qui nous amène à American Idiot, dans lequel un Billie Joe désormais déguisé en New York Doll (pied de nez forcément appréciable à la nouvelle génération proto-punk), et auréolé d’un statut presque branché suite à ses collaborations avec Pearl Jam ou Ryan Adams, se métamorphose en parangon de la lutte anti-Bush. L’histoire peut être continuée logiquement : Green Day a reconquis les foules, est devenu énorme, est de nouveau détesté comme se doit. Lorsque l’engouement vire au matraquage, c’est à peu près toujours ce qui se produit, et si je n’ai en 2004 lu absolument aucune mauvaise critique d’American Idiot, les plumitifs et autres grognons se sont amplement rattrapés au bout du troisième single numéro 1. C'est qu'entre 2004 et 2006 (voire encore aujourd'hui), il est arrivé à Green Day le pire truc qui puisse arriver à un groupe de rock (et peut faire craindre le pire pour leur prochain disque) : ces trois rigolos sont devenus, en terme de popularité et de ventes, le plus grand groupe du monde. Aujourd'hui les vannes à leur sujet sont tellement légions, tellement systématiques et tellement faciles que je ne prends même plus la peine de les relever ; il m’est même arrivé parfois d’éprouver de la honte. Aimer Green Day alors que j’avais plus de vingt ans ?! Ce qui est terrible avec l’acharnement gratuit et non argumenté, c’est qu’à force de se systématiser il parviendrait presque à vous faire douter de vos propres goûts. C’est ce qui explique qu’un fan de Marc Levy osera très rarement avouer qu’il trouve ses livres fabuleux – il se contera de dire : Je sais que c’est pas de la grande littérature, mais moi j’aime bien. Pour tout dire je crois que même si je détestais Green Day je ne leur consacrerais pas un Top of The Flops tant ils se font démolir de partout
Là où je consens néanmoins à reconnaître que le succès est terrifiant, et où je dois bien assumer ma part de snobisme à mon tour, c’est que j’ai cessé d’écouter American Idiot il y a au moins une bonne année à force d’en être bassiné à longueur d’ondes FM. Se fût-il agit d’un autre groupe, je n’aurais peut-être même pas posé une oreille sur le disque rien que pour résister au consensus. A tel point que lorsque je me le suis remis en voiture l’autre jour, pour la première fois depuis des lustres, je me suis demandé si j’allais encore l’aimer.
« American Idiot » m’a fait chantonner tout de suite, en revanche dès le second titre (« Jesus of Surbubia » - qui était déjà celui que j’aimais le moins il y a trois ans), j’ai déchanté. Le morceau commence plutôt bien, avec un petit côté 60’s dans la descente rythmique (typiquement greendayienne), mais on sombre dans l’archi balourd durant la seconde moitié. Le côté mille feuilles avec dix-huit parties et cinquante sous-parties je n’aime ça que chez Dream Theater, qui verse tout autant dans le bavard mais dont la conversation demeure toujours intéressante. Chez Green Day, c’est juste long et un peu chiant, exactement comme pour tous les groupes qui touchent au prog' tout en ayant une technique médiocre. L’autre pièce-montée opéra-rock-heavy du disque, « Homecoming », est encore pire. Par moment on jurerait entendre Queen, voire Meat Loaf – le plus navrant étant que certaines des quarante-six sous-parties sont excellentes quand d’autres frôlent la nullité crasse.
Que les détracteurs de Green Day (à savoir quasiment tout mes lecteurs, non ?) ne se réjouissent pas trop pour autant : il y dix autres chansons sur American Idiot, et au risque de me discréditer à vie je les trouve presque toutes aussi excellentes. Avec le temps « Holiday » et « September Ends » ne me semblent plus les meilleures du lot (comme par hasard deux tubes archi-rebattus ces dernières années… il est donc probable que je me re-contredise dans trois ans), en revanche mon titre préféré est toujours le même : « Give Me Novocaïne ». Le son, la mélodie, même le texte… c’est juste super, comme l’ensemble de l’album qui parvient à trouver un compromis parfait entre rock/punk frontal (« St Jimmy », « She’s a Rebel ») et chansons plus chiadées (« Whatshername » - charmante malgré un intro chipée à Police – ou « Extraordinary Girl » - irrésistible même s’il ne lui manque que les cloches de Noël pour m’évoquer Queen).
Le lecteur le plus endormi aura sans doute relevé la contradiction : cet album que j’adore évoque régulièrement des groupes que je déteste. Rassurez-vous, je n’ai pas sombré dans la drogue. C’est tout simplement que je ne déteste pas Queen ou Police pour ce qu’ils représentent, mais parce que leurs chansons ne me parlent pas. Celles de Green Day, si. Car en dépit de points communs tellement évidents que j’ignore comment ils ne m’ont pas sauté aux oreilles plus tôt, on y trouve heureusement quelque chose en plus. Une patte n'appartenant qu'à ce groupe dans les riffs, une voix unique (si), un songwriting qui contrairement aux apparences ne court pas les rues… une personnalité, quoi. Que je ne retrouve pas chez beaucoup de ses clones. Et la personnalité, n’est-ce pas ce qui différenciera toujours les artistes des produits formatés ?
Des power-ballades à l’ancienne comme « September Ends », je ne crois pas en avoir entendu beaucoup depuis 2004. Je ne crois même pas en avoir entendu tant que ça dans ma vie. Or la power-ballade n’a en soit rien de honteux – du moment qu’elle est bien. Mon commentaire valant tout autant pour l’opera-rock ou pour le rock de stades. Il n’y a pas de mauvais (sous) genre. Juste de mauvais groupes. Et les cakes de Green Day en sont un excellent, dans leur très mauvais genre.
👍👍 American Idiot
Green Day | Reprise, 2004
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