...
Hermann Hesse m’a toujours un peu foutu les boules. Si je consens sans problème à lui accoler le titre d’auteur incontournable, et si je le lis chaque fois avec un profond intérêt, je suis en revanche extrêmement stressé lorsque je dois en rendre compte par la suite. J’ai même failli ne tout simplement pas vous parler de Narcisse et Goldmund tant mon esprit semblait réticent à se lancer dans l’analyse d’un texte qui par bien des aspects relève plus de la philosophie que de la littérature.
C’est alors que j’ai voulu relire ma critique du Loup des steppes et que je me suis aperçu que durant l’été, Sylvie avait commenté cet article (toutes mes excuses au passage chère Sylvie : il y avait tant de commentaires à mon retour de vacances que je suis totalement passé à côté de certains)… ainsi qu’un autre commentateur qui mangeait des morceaux de lune, et qui en toute gentillesse m’a fait tordre de rire. Prosélytisme pour une secte quelconque (l’idée de faire partie d’une secte vénérant Le Loup des steppes me semblant somme toute plus excitante que celle d’une autre vénérant un auteur de SF totalement crétine – si vous voyez ce que je veux dire) ou délire fumeux d’un ex junkie sauvé de la dépendance par le new-age hessien, qu’importe : c’est en lisant cette intervention que j’ai réellement réalisé à quel point Narcisse et Goldmund n’avait rien à voir avec le chef-d’œuvre suscité (ni même avec l’autre chef-d’œuvre de l’auteur : Siddharta).
Il va sans dire que les deux romans diffèrent sur la forme, puisque trois ans et deux livres les séparent et qu’on imagine bien que l’écriture de Hesse a évolué entre temps. Néanmoins les différences sont si flagrantes qu’on se demande par moment s’il s’agit du même auteur.
Par bien des aspects, ce livre bâti sur les sempiternelles dualités du sensoriel et du spirituel d’un côté, de l’art et de la religion de l’autre… par bien des aspects, donc, ce livre est à la fois beaucoup moins construit et beaucoup plus accessible que Le Loup des steppes. Narcisse et Goldmund est du point de vue structurel un roman romanesque classique (un conte philosophique si cela vous sied), ce qui le rend déjà en soi beaucoup moins fascinant – le génie du Loup… étant précisément cette sensation de chaos totalement maîtrisé que parvient à nous communiquer l’auteur.
Mais dans les thématiques également, Narcisse et Goldmund se détache des deux grands classique de Hesse (ou d'un livre comme L'Ornière) par son côté extrêmement schématique (voire même : simpliste), avec deux personnages étonnamment caricaturaux créés par un auteur pourtant mondialement réputé pour sa subtilité, des idées philosophiques sur l’accomplissement de soi finalement assez banales… C’est évidemment un travers plus que répandu dans les romans à portée philosophique que ce didactisme un peu trop poussé, cette manière de faire passer la thèse avant le texte, cette rigidité narrative découlant d’une volonté de faire coller personnages et situations aux archétypes de la pensée de l’auteur…
… sauf que c’est de Hermann Hesse qu’il s’agit, ce qui n’a pas lassé de me surprendre durant toute ma lecture. Sûr que le commentaire dont je parlais en ouverture de cette critique, on ne risque pas de le retrouver sur celle-ci. Car s’il est bien un livre qui laisse aussi peu de place aux ambiguités philosophiques par rapport au Loup… les ouvrant à tout vent, c’est certainement Narcisse et Goldmund ! Bizarrement, Le Loup des steppes m’avait fait penser à Huysmans, sans que je puisse trop expliquer pourquoi. Par ricochet, Narcisse et Goldmund me l’a rappelé également. Dans un genre certes absolument différent, j’ai pensé à Huysmans écrivant En route deux ans après Là-bas, le livre blanc contre le livre noir, l’ouvrage catho limite intégriste face à l’épopée satanique… bref à Huysmans récusant lui-même son propre bouquin avec un autre. Ce que ne fait certes pas Hermann Hesse sur le fond (quoique…), mais ce à quoi il se livre assurément sur la forme – comme si après avoir tout détruit il avait fallu tout reconstruire.
L’idée est séduisante, le roman en lui-même assez ennuyeux. J’ai finalement compris pourquoi ma bibliothécaire m’avait à ma grande surprise chaudement recommandé ce livre, alors qu’en général elle me filait plutôt des sous-Tolkien ou des trucs assez foireux… parce qu’en réalité, Narcisse et Goldmund est assez inintéressant du point de vue littéraire (disons que c’est bien écrit, quand même, mais rien de plus) et un peu (beaucoup, passionnément) simpliste et manichéen du point de vue philosophique. Ca fait un peu Voltaire et Goethe qui rencontrent Star Wars ; personnellement je n’ai rien contre : je suis ravi de savoir qu’à présent Hesse ne me fera plus jamais peur.
Hermann Hesse m’a toujours un peu foutu les boules. Si je consens sans problème à lui accoler le titre d’auteur incontournable, et si je le lis chaque fois avec un profond intérêt, je suis en revanche extrêmement stressé lorsque je dois en rendre compte par la suite. J’ai même failli ne tout simplement pas vous parler de Narcisse et Goldmund tant mon esprit semblait réticent à se lancer dans l’analyse d’un texte qui par bien des aspects relève plus de la philosophie que de la littérature.
C’est alors que j’ai voulu relire ma critique du Loup des steppes et que je me suis aperçu que durant l’été, Sylvie avait commenté cet article (toutes mes excuses au passage chère Sylvie : il y avait tant de commentaires à mon retour de vacances que je suis totalement passé à côté de certains)… ainsi qu’un autre commentateur qui mangeait des morceaux de lune, et qui en toute gentillesse m’a fait tordre de rire. Prosélytisme pour une secte quelconque (l’idée de faire partie d’une secte vénérant Le Loup des steppes me semblant somme toute plus excitante que celle d’une autre vénérant un auteur de SF totalement crétine – si vous voyez ce que je veux dire) ou délire fumeux d’un ex junkie sauvé de la dépendance par le new-age hessien, qu’importe : c’est en lisant cette intervention que j’ai réellement réalisé à quel point Narcisse et Goldmund n’avait rien à voir avec le chef-d’œuvre suscité (ni même avec l’autre chef-d’œuvre de l’auteur : Siddharta).
Il va sans dire que les deux romans diffèrent sur la forme, puisque trois ans et deux livres les séparent et qu’on imagine bien que l’écriture de Hesse a évolué entre temps. Néanmoins les différences sont si flagrantes qu’on se demande par moment s’il s’agit du même auteur.
Par bien des aspects, ce livre bâti sur les sempiternelles dualités du sensoriel et du spirituel d’un côté, de l’art et de la religion de l’autre… par bien des aspects, donc, ce livre est à la fois beaucoup moins construit et beaucoup plus accessible que Le Loup des steppes. Narcisse et Goldmund est du point de vue structurel un roman romanesque classique (un conte philosophique si cela vous sied), ce qui le rend déjà en soi beaucoup moins fascinant – le génie du Loup… étant précisément cette sensation de chaos totalement maîtrisé que parvient à nous communiquer l’auteur.
Mais dans les thématiques également, Narcisse et Goldmund se détache des deux grands classique de Hesse (ou d'un livre comme L'Ornière) par son côté extrêmement schématique (voire même : simpliste), avec deux personnages étonnamment caricaturaux créés par un auteur pourtant mondialement réputé pour sa subtilité, des idées philosophiques sur l’accomplissement de soi finalement assez banales… C’est évidemment un travers plus que répandu dans les romans à portée philosophique que ce didactisme un peu trop poussé, cette manière de faire passer la thèse avant le texte, cette rigidité narrative découlant d’une volonté de faire coller personnages et situations aux archétypes de la pensée de l’auteur…
… sauf que c’est de Hermann Hesse qu’il s’agit, ce qui n’a pas lassé de me surprendre durant toute ma lecture. Sûr que le commentaire dont je parlais en ouverture de cette critique, on ne risque pas de le retrouver sur celle-ci. Car s’il est bien un livre qui laisse aussi peu de place aux ambiguités philosophiques par rapport au Loup… les ouvrant à tout vent, c’est certainement Narcisse et Goldmund ! Bizarrement, Le Loup des steppes m’avait fait penser à Huysmans, sans que je puisse trop expliquer pourquoi. Par ricochet, Narcisse et Goldmund me l’a rappelé également. Dans un genre certes absolument différent, j’ai pensé à Huysmans écrivant En route deux ans après Là-bas, le livre blanc contre le livre noir, l’ouvrage catho limite intégriste face à l’épopée satanique… bref à Huysmans récusant lui-même son propre bouquin avec un autre. Ce que ne fait certes pas Hermann Hesse sur le fond (quoique…), mais ce à quoi il se livre assurément sur la forme – comme si après avoir tout détruit il avait fallu tout reconstruire.
L’idée est séduisante, le roman en lui-même assez ennuyeux. J’ai finalement compris pourquoi ma bibliothécaire m’avait à ma grande surprise chaudement recommandé ce livre, alors qu’en général elle me filait plutôt des sous-Tolkien ou des trucs assez foireux… parce qu’en réalité, Narcisse et Goldmund est assez inintéressant du point de vue littéraire (disons que c’est bien écrit, quand même, mais rien de plus) et un peu (beaucoup, passionnément) simpliste et manichéen du point de vue philosophique. Ca fait un peu Voltaire et Goethe qui rencontrent Star Wars ; personnellement je n’ai rien contre : je suis ravi de savoir qu’à présent Hesse ne me fera plus jamais peur.
👎 Narcisse & Goldmund
Hermann Hesse | Le Livre de Poche, 1930