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Si le rock’n’roll a rarement percuté la France de manière mémorable, ses sous-courants ne l’ont pour la plupart même pas effleurée. Tel est du moins l’avis le plus communément répandu sur la question, tant pis si les choses sont souvent bien plus compliquées que ça.
Prenez le glam-rock : il est évident qu’il n’y a aucun T-Rex français, ni aucun Bowie ni Roxy, même pas un Slade ou un petit Sweet. Au mieux on trouvera Alain Kan (bel exemple d’antiphrase tant il est difficile de mettre la main sur ses œuvres !), genre de Gary Glitter franchement plus émouvant et cultivé., mais aussi, il faut bien le reconnaître, franchement pas très bon. Globalement de glam-rock, pas grand chose à se mettre sous la dent dans la langue de Jean-Jacques Goldman, sinon une poignée de 45 tours mineurs publiés en décalé, au moment où la terre entière virera punk. Pourtant si l’on écoute bien, on peut se demander de manière très raisonnable dans quelle mesure certains disques de Gainsbourg comme Vu de l’extérieur ou Rock Around the Bunker ne pourraient pas être assimilés à cette vague – du moins musicalement (il est clair que même à l’époque de photoshop l’androgynie du bonhomme reste assez discrète)
Le cas de Jacques Higelin est beaucoup plus troublant, car si « O, fais-moi l’amour » est un morceau de glam de premier ordre, le déjanté interprète de « Chanson » a longtemps eu en prime le look et l’attitude adéquates. D’aucuns y verront sans doute une version Canada Dry de la glitter touch britannique (auquel cas ils devraient sans nul doute faire le même procès à Sweet). D’autres argueront que Higelin a pris le train en marche et s’est converti à la mode après avoir tâté un moment de la chanson Rive-Gauche – soit donc l’ennemi héréditaire du rock français (mais à ce moment il faudrait faire le même procès à Mott The Hoople ; pour le train bien sûr, pas pour la Rive-Gauche). Le fait est là : Irradié, second album rock’n’roll de Higelin (après le très culte BBH 75) n'est ni plus ni moins qu'une déflagration glam tardive mais essentielle dans la France guindée de Giscard. Higelin (après le très culte BBH 75) n’est ni plus ni moins qu’une déflagration glam tardive mais essentielle dans la France guindée de Giscard.
Dire que le riff déglingué de « Rock in Chair » rappelle de remuants souvenirs, avec sa rythmique faussement blues et son piano de saloon, ne me paraît pas exagéré. Même remarque lorsque le tempo s’accélère pour « Mon portrait dans la glace », qui voit la scansion de Higelin se métamorphoser en celle d’un Tim Curry francophone (ou d’un Alice Cooper, ce qui revient peu ou prou au même). De ce point de vue Irradié est bien plus convaincant que Rock Around the Bunker puisque non seulement franchement plus glam mais aussi (surtout) clairement plus rock dans le son. C’est que le Grand Serge, s’il n’hésitait pas à y chiper tout un tas de plans, détestait foncièrement le rock’n’roll. Une compo aussi saturée que « Le Courage de vivre » lui aurait sans doute filé de l’urticaire quand Higelin, dont la culture binaire n’est plus à prouver, raffole de ces appels au bordel musical (« Un œil sur la bagarre »).
L’autre avantage majeur d’Irradié sur les efforts glam de France et de Navarre, c’est qu’il s’inspire plus des groupes anglo-saxons que des français tout en parvenant à conserver une identité propre – ce qui lui évite de sonner comme des Chaussettes Noires androgynes. Quand Higelin s’attaque au funk sur « L’Ange & Le Salaud », ce n’est clairement pas chez ses frileux compatriotes qu’il a été déniché ses influences. Et pas question d’adapter sa voix aux exigences du rock, et d’ailleurs ce n’est pas vraiment nécessaire : que ce soit sur son premier disque éponyme en 65 ou sur celui-ci (le sixième en comptant les 20 chansons avant le Déluge , avec Brigitte Fontaine), dix ans plus tard, Jacques H. donne toujours autant l’impression de cracher sa poésie surréaliste dans un micro passablement traumatisé. Lorsqu’il s’essaie à la ballade rock (« Hymnes aux paumés »), ça n’est ni propre ni joli et ça n’est que très vaguement harmonieux… tout en étant terriblement classe !
(oups ! ce pourrait être une bonne def du rock ça, merde, j’ai pas fait exprès)
La réédition de 2007 ne propose en revanche pas grand chose de plus, puisqu’elle ne compte aucun bonus notable et que l’édition initiale n’avait pas tellement vieilli (à part, assez logiquement, le très psychédélique morceau éponyme). Elle a néanmoins le mérite de resituer le disque dans le contexte de l’œuvre (tous les albums de Higelin étant ressortis simultanément), de le mettre un peu mieux en perspective (le recul permet de le redécouvrir à la lumière des classiques anglais du genre – ce qui n’était pas forcément évident en 1975)… et de redonner un peu d’exposition à un album souvent oublié au détriment des excellents BBH 75 et Alertez les bébés, qui l’encadrent brillamment et forment avec lui un genre de trilogie glam absolument indispensable.
Or, il est de notoriété publique que dans les trilogies, l’épisode deux est souvent le meilleur…
Si le rock’n’roll a rarement percuté la France de manière mémorable, ses sous-courants ne l’ont pour la plupart même pas effleurée. Tel est du moins l’avis le plus communément répandu sur la question, tant pis si les choses sont souvent bien plus compliquées que ça.
Prenez le glam-rock : il est évident qu’il n’y a aucun T-Rex français, ni aucun Bowie ni Roxy, même pas un Slade ou un petit Sweet. Au mieux on trouvera Alain Kan (bel exemple d’antiphrase tant il est difficile de mettre la main sur ses œuvres !), genre de Gary Glitter franchement plus émouvant et cultivé., mais aussi, il faut bien le reconnaître, franchement pas très bon. Globalement de glam-rock, pas grand chose à se mettre sous la dent dans la langue de Jean-Jacques Goldman, sinon une poignée de 45 tours mineurs publiés en décalé, au moment où la terre entière virera punk. Pourtant si l’on écoute bien, on peut se demander de manière très raisonnable dans quelle mesure certains disques de Gainsbourg comme Vu de l’extérieur ou Rock Around the Bunker ne pourraient pas être assimilés à cette vague – du moins musicalement (il est clair que même à l’époque de photoshop l’androgynie du bonhomme reste assez discrète)
Le cas de Jacques Higelin est beaucoup plus troublant, car si « O, fais-moi l’amour » est un morceau de glam de premier ordre, le déjanté interprète de « Chanson » a longtemps eu en prime le look et l’attitude adéquates. D’aucuns y verront sans doute une version Canada Dry de la glitter touch britannique (auquel cas ils devraient sans nul doute faire le même procès à Sweet). D’autres argueront que Higelin a pris le train en marche et s’est converti à la mode après avoir tâté un moment de la chanson Rive-Gauche – soit donc l’ennemi héréditaire du rock français (mais à ce moment il faudrait faire le même procès à Mott The Hoople ; pour le train bien sûr, pas pour la Rive-Gauche). Le fait est là : Irradié, second album rock’n’roll de Higelin (après le très culte BBH 75) n'est ni plus ni moins qu'une déflagration glam tardive mais essentielle dans la France guindée de Giscard. Higelin (après le très culte BBH 75) n’est ni plus ni moins qu’une déflagration glam tardive mais essentielle dans la France guindée de Giscard.
Dire que le riff déglingué de « Rock in Chair » rappelle de remuants souvenirs, avec sa rythmique faussement blues et son piano de saloon, ne me paraît pas exagéré. Même remarque lorsque le tempo s’accélère pour « Mon portrait dans la glace », qui voit la scansion de Higelin se métamorphoser en celle d’un Tim Curry francophone (ou d’un Alice Cooper, ce qui revient peu ou prou au même). De ce point de vue Irradié est bien plus convaincant que Rock Around the Bunker puisque non seulement franchement plus glam mais aussi (surtout) clairement plus rock dans le son. C’est que le Grand Serge, s’il n’hésitait pas à y chiper tout un tas de plans, détestait foncièrement le rock’n’roll. Une compo aussi saturée que « Le Courage de vivre » lui aurait sans doute filé de l’urticaire quand Higelin, dont la culture binaire n’est plus à prouver, raffole de ces appels au bordel musical (« Un œil sur la bagarre »).
L’autre avantage majeur d’Irradié sur les efforts glam de France et de Navarre, c’est qu’il s’inspire plus des groupes anglo-saxons que des français tout en parvenant à conserver une identité propre – ce qui lui évite de sonner comme des Chaussettes Noires androgynes. Quand Higelin s’attaque au funk sur « L’Ange & Le Salaud », ce n’est clairement pas chez ses frileux compatriotes qu’il a été déniché ses influences. Et pas question d’adapter sa voix aux exigences du rock, et d’ailleurs ce n’est pas vraiment nécessaire : que ce soit sur son premier disque éponyme en 65 ou sur celui-ci (le sixième en comptant les 20 chansons avant le Déluge , avec Brigitte Fontaine), dix ans plus tard, Jacques H. donne toujours autant l’impression de cracher sa poésie surréaliste dans un micro passablement traumatisé. Lorsqu’il s’essaie à la ballade rock (« Hymnes aux paumés »), ça n’est ni propre ni joli et ça n’est que très vaguement harmonieux… tout en étant terriblement classe !
(oups ! ce pourrait être une bonne def du rock ça, merde, j’ai pas fait exprès)
La réédition de 2007 ne propose en revanche pas grand chose de plus, puisqu’elle ne compte aucun bonus notable et que l’édition initiale n’avait pas tellement vieilli (à part, assez logiquement, le très psychédélique morceau éponyme). Elle a néanmoins le mérite de resituer le disque dans le contexte de l’œuvre (tous les albums de Higelin étant ressortis simultanément), de le mettre un peu mieux en perspective (le recul permet de le redécouvrir à la lumière des classiques anglais du genre – ce qui n’était pas forcément évident en 1975)… et de redonner un peu d’exposition à un album souvent oublié au détriment des excellents BBH 75 et Alertez les bébés, qui l’encadrent brillamment et forment avec lui un genre de trilogie glam absolument indispensable.
Or, il est de notoriété publique que dans les trilogies, l’épisode deux est souvent le meilleur…
👑 Irradié
Jacques Higelin | Pathé/EMI, 1975
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