...
Un artiste culte, c’est (en gros) un mec qui ne vend pas grand chose mais a un impact énorme sur les générations qui le suivent.
Un artiste culte français, c’est à peu près pareil sauf qu’on a viré l’impact – sinon c’était trop compliqué.
L’artiste culte français a donc ceci de merveilleux que si son culte se mesure le plus souvent à une espèce de ratio indéfini ventes/influence… les rockers français, déjà, à la base, ne vendent quasiment rien. Il conviendrait donc peut-être d’estimer qu’ils sont tous cultes. L’autre hypothèse (pour laquelle nous allons opter afin de mener à bien cet article) sera que le rocker français culte a vendu encore moins que les autres. Dont acte : quand les Dogs et compagnie ne sont pas très connus Alain Kan, lui, est carrément un anonyme. A se demander pourquoi sa mystérieuse disparition il y a dix-sept ans l’a rendu si mythique, vu que s’il y avait bien un rocker français qui pouvait disparaître sans crainte d’être reconnu c’était lui.
Mais vous me connaissez : pas question, sur Le Golb, de perdre du temps à se concentrer sur la légende à trois franc six sous. Ici on s’intéresse à la musique, la vraie, la belle. C’est paradoxalement pour cela que j’ai entamé la chronique de la sorte : une fois écarté le mythe, il ne reste franchement plus grand chose d’Alain Kan. Du vent, de l’esbroufe. Quelques 45 tours glam qui n’auraient aucun intérêt s’ils étaient l’œuvre d’un groupe anglais de l’époque (dont « Star ou Rien »), une poignée d’albums foutraques au mieux sympathiques mais franchement anecdotiques… rien qui méritât vraiment qu’on en fasse tout un foin, sauf à considérer comme certains illuminés que Taxi Girl ou Jad Wio leur doivent tout – ce dont on se permettra poliment de douter. A la lumière de ces enregistrements longtemps introuvables et ici réédités (à l'exception notable du dernier album) dans un coffret copieux, il semblerait que la meilleure définition du travail de Kan soit celle (involontaire ?) de son copain Fred Chichin : "... il a de bonnes idées, mais ne les mets que très rarement en pratique..."
Pas que du mauvais, donc : rien que pour son titre, Heureusement qu’en France on ne se drogue pas mérite qu’on s’y arrête. Certes son contenu est à l’avenant, évoquant dans ses meilleurs moments Syd Barrett (« Ange ou Démon ») ou Higelin (« Ma solitude ») voire Rocky Horror Picture Show (« Dracula »), mais l’ensemble demeure agréable à défaut d’être réellement passionnant. Ce second album offre même quelques extravagances délicieuses, comme ce morceau éponyme donnant l’impression d’une chanson de Bowie période Space Oddity chantée par… Antoine ! Complainte flippante, « Les Blouses blanches » excelle quant à elle dans le registre rock français baroque et déclamatoire (axe Higelin – Pigalle) tandis que « Quelle ivresse » donne une idée à peu près fidèle de ce que donnerait un Johnny déchiré au mandrax. On y trouve même un grand morceau : « Speed My Speed », de ceux qu’il est assez difficile de lâcher une fois qu’on s’y est collé. Bref une véritable curiosité que ce disque hélas désespérément cheap, le seul du coffret qui vaille sans doute le détour (ce en dépit d’un titre phare - « Money » - particulièrement indigent, entre sa relecture pataude du riff de « Sweet Jane » et son texte aux allures de régurgitation gainsbourienne).
On en dira malheureusement pas autant des deux autres LPs du coffret.
Et Gary Cooper s’éloigna dans le désert… tout n’est-il pas déjà dans ce titre grotesque ? Comme ses connotations le laissaient deviner, on y voit un petit frenchie excité essayer d’imiter Bowie au long de neuf titres dont certains particulièrement poussifs (« Go Go Dancer ») lorsqu'ils ne sont pas carrément éprouvants (« Café Cafard »). Pas la peine de chercher en quelle année nous sommes : ça sonne tellement Ziggy Stardust qu’on a pas vraiment d’hésitation. Fondamentalement ce n’est pas mauvais, bien entendu : Kan a une voix assez fascinante, et quelque part on est presque rassuré de découvrir qu’il y a eu un disque comme celui-ci en France en 1973. Le problème c’est que c’est à peu près son seul argument de vente, dans la mesure où (incroyable mais vrai) Kan y décalque littéralement le chef-d’œuvre de Bowie. Les titres parlent d’eux-mêmes : « Le Premier bébé de Lady Starlune », « Hollywood Suicide »… ce serait mentir que de dire que c’est du glam-rock, non non, c’est vraiment juste du Spiders From Mars, du début à la fin, ce jusque dans les textes (et quand on sait ce que racontent les textes dudit Ziggy… ). Pour vous dire le morceau le plus original du disque s’intitule « Pas si facile »…à savoir que c’est la reprise du « It Ain’t Easy » de Bowie qui lui-même était déjà une reprise de Ron Davies. Le serpent se mord la queue ? Même pas : il semble juste un peu décalé. Au mieux on pensera aux adaptations de standards du R&B par Joe Dassin. Ce qui est presque dégueulasse pour le brave Jojo, qui lui au moins avait le mérite d’apporter quelque chose à ces relectures…
Après la parenthèse punk Gazoline, Kan enregistre en 79 un troisième album, Whatever Happened to Alain Z. Kan. Là, pour le coup, d’accord : Alain Kan est devenu visionnaire. Et je parle bien de musique, et non de cet intitulé aux allures de bande-annonce. Dommage que Kan y préfigure seulement tous les trucs les plus lourdauds dont le rock français ait jamais accouché : zéro groove, grosses guitares clinquantes, textes braillés par flemme de les faire coller à la musique plutôt que par volonté artistique quelconque… chaudement recommandé aux fans de Téléphone. Allons, ne soyons pas trop méchants : « Hey Man » s’en sort bien. Normal : c’est la reprise de Bowie de service (« Suffragette City »), par conséquent c’est du décalque et pour ça Kan s’y entendait toujours aussi bien au bout de trois disques. A noter que le premier titre de celui-ci se nomme « Cliché » - personne ne pourra dire qu’il n’a pas été prévenu.
Un artiste culte, c’est (en gros) un mec qui ne vend pas grand chose mais a un impact énorme sur les générations qui le suivent.
Un artiste culte français, c’est à peu près pareil sauf qu’on a viré l’impact – sinon c’était trop compliqué.
L’artiste culte français a donc ceci de merveilleux que si son culte se mesure le plus souvent à une espèce de ratio indéfini ventes/influence… les rockers français, déjà, à la base, ne vendent quasiment rien. Il conviendrait donc peut-être d’estimer qu’ils sont tous cultes. L’autre hypothèse (pour laquelle nous allons opter afin de mener à bien cet article) sera que le rocker français culte a vendu encore moins que les autres. Dont acte : quand les Dogs et compagnie ne sont pas très connus Alain Kan, lui, est carrément un anonyme. A se demander pourquoi sa mystérieuse disparition il y a dix-sept ans l’a rendu si mythique, vu que s’il y avait bien un rocker français qui pouvait disparaître sans crainte d’être reconnu c’était lui.
Mais vous me connaissez : pas question, sur Le Golb, de perdre du temps à se concentrer sur la légende à trois franc six sous. Ici on s’intéresse à la musique, la vraie, la belle. C’est paradoxalement pour cela que j’ai entamé la chronique de la sorte : une fois écarté le mythe, il ne reste franchement plus grand chose d’Alain Kan. Du vent, de l’esbroufe. Quelques 45 tours glam qui n’auraient aucun intérêt s’ils étaient l’œuvre d’un groupe anglais de l’époque (dont « Star ou Rien »), une poignée d’albums foutraques au mieux sympathiques mais franchement anecdotiques… rien qui méritât vraiment qu’on en fasse tout un foin, sauf à considérer comme certains illuminés que Taxi Girl ou Jad Wio leur doivent tout – ce dont on se permettra poliment de douter. A la lumière de ces enregistrements longtemps introuvables et ici réédités (à l'exception notable du dernier album) dans un coffret copieux, il semblerait que la meilleure définition du travail de Kan soit celle (involontaire ?) de son copain Fred Chichin : "... il a de bonnes idées, mais ne les mets que très rarement en pratique..."
Pas que du mauvais, donc : rien que pour son titre, Heureusement qu’en France on ne se drogue pas mérite qu’on s’y arrête. Certes son contenu est à l’avenant, évoquant dans ses meilleurs moments Syd Barrett (« Ange ou Démon ») ou Higelin (« Ma solitude ») voire Rocky Horror Picture Show (« Dracula »), mais l’ensemble demeure agréable à défaut d’être réellement passionnant. Ce second album offre même quelques extravagances délicieuses, comme ce morceau éponyme donnant l’impression d’une chanson de Bowie période Space Oddity chantée par… Antoine ! Complainte flippante, « Les Blouses blanches » excelle quant à elle dans le registre rock français baroque et déclamatoire (axe Higelin – Pigalle) tandis que « Quelle ivresse » donne une idée à peu près fidèle de ce que donnerait un Johnny déchiré au mandrax. On y trouve même un grand morceau : « Speed My Speed », de ceux qu’il est assez difficile de lâcher une fois qu’on s’y est collé. Bref une véritable curiosité que ce disque hélas désespérément cheap, le seul du coffret qui vaille sans doute le détour (ce en dépit d’un titre phare - « Money » - particulièrement indigent, entre sa relecture pataude du riff de « Sweet Jane » et son texte aux allures de régurgitation gainsbourienne).
On en dira malheureusement pas autant des deux autres LPs du coffret.
Et Gary Cooper s’éloigna dans le désert… tout n’est-il pas déjà dans ce titre grotesque ? Comme ses connotations le laissaient deviner, on y voit un petit frenchie excité essayer d’imiter Bowie au long de neuf titres dont certains particulièrement poussifs (« Go Go Dancer ») lorsqu'ils ne sont pas carrément éprouvants (« Café Cafard »). Pas la peine de chercher en quelle année nous sommes : ça sonne tellement Ziggy Stardust qu’on a pas vraiment d’hésitation. Fondamentalement ce n’est pas mauvais, bien entendu : Kan a une voix assez fascinante, et quelque part on est presque rassuré de découvrir qu’il y a eu un disque comme celui-ci en France en 1973. Le problème c’est que c’est à peu près son seul argument de vente, dans la mesure où (incroyable mais vrai) Kan y décalque littéralement le chef-d’œuvre de Bowie. Les titres parlent d’eux-mêmes : « Le Premier bébé de Lady Starlune », « Hollywood Suicide »… ce serait mentir que de dire que c’est du glam-rock, non non, c’est vraiment juste du Spiders From Mars, du début à la fin, ce jusque dans les textes (et quand on sait ce que racontent les textes dudit Ziggy… ). Pour vous dire le morceau le plus original du disque s’intitule « Pas si facile »…à savoir que c’est la reprise du « It Ain’t Easy » de Bowie qui lui-même était déjà une reprise de Ron Davies. Le serpent se mord la queue ? Même pas : il semble juste un peu décalé. Au mieux on pensera aux adaptations de standards du R&B par Joe Dassin. Ce qui est presque dégueulasse pour le brave Jojo, qui lui au moins avait le mérite d’apporter quelque chose à ces relectures…
Après la parenthèse punk Gazoline, Kan enregistre en 79 un troisième album, Whatever Happened to Alain Z. Kan. Là, pour le coup, d’accord : Alain Kan est devenu visionnaire. Et je parle bien de musique, et non de cet intitulé aux allures de bande-annonce. Dommage que Kan y préfigure seulement tous les trucs les plus lourdauds dont le rock français ait jamais accouché : zéro groove, grosses guitares clinquantes, textes braillés par flemme de les faire coller à la musique plutôt que par volonté artistique quelconque… chaudement recommandé aux fans de Téléphone. Allons, ne soyons pas trop méchants : « Hey Man » s’en sort bien. Normal : c’est la reprise de Bowie de service (« Suffragette City »), par conséquent c’est du décalque et pour ça Kan s’y entendait toujours aussi bien au bout de trois disques. A noter que le premier titre de celui-ci se nomme « Cliché » - personne ne pourra dire qu’il n’a pas été prévenu.
👎👎 Alain Kan (3CDs)
Alain Kan | Les Disques Dreyfus, 2007