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De prime abord il est plutôt difficile d’expliquer précisément pourquoi les livres d’une Sarah Waters ne sont pas des romans historiques. L’idéal demeure sans doute le comparatif, et pour ce faire ce premier d’une longue série de romans d’Arnauld Pontier semblera idéal. Car en l’occurrence il s’agit bel et bien d’un roman historique – ce qui n’a en soi rien de honteux, quand bien même le concept revêt aujourd’hui une consonance ringarde des plus injustes.
Il faut avouer cependant qu’avec des représentants comme La Fête impériale, ce genre autrefois adulé et désormais méprisé est plutôt mal barré. Car ce roman n’est pas uniquement mauvais, il est surtout parfois des plus rances dans sa volonté de ressembler aux grands auteurs de l’époque indiquée – fin XIXème en l’occurrence. Pas de quoi faire se retourner Huysmans dans sa tombe cependant : le texte de Pontier est des plus inoffensifs, voire même des plus comiques dans certains passages à l’écriture si ampoulée qu’on est presque pris de pitié.
Mélange aussi imbécile qu’improbable de Rastignac et de Casanova, le héros n’est pas la moindre des erreurs de casting de l’auteur. Il part de rien, aura tout, en méprisera autant (la citation de Barrès n’est-elle pas d’époque ?)... quoi de plus naturel ? Quoi de plus prévisible, surtout : ces mémoires d’un libertin n’ont aujourd’hui plus grand chose de très original ni de très subversif, n’exciteront guère qu’une ou deux âmes sensibles et manquent d’un contenu suffisamment fort pour suggérer que le sous-titre du livre soit autre chose qu’une réclame publicitaire putassière (pléonasme).
On me rétorquera à coup sûr que La Fête impériale présente aussi d’autres aspects, notamment un travail de recherche considérable. Peut-être même certains considéreront-ils que c’est une compensation au reste. Soit. Néanmoins se documenter quand on écrit un roman historique n’est que le minimum syndical, et ce n’est pas parce que certains auteurs n’ont cure de faire des recherches approfondies que l’on doit se prosterner devant celui-ci. D’autant qu’entre nous, autant il est indéniable que l’aspect documentation soit important dans le cadre d’une entreprise romanesque, autant ce n’est que du travail – si j’ose dire. A condition d’en avoir la volonté il est donné à à peu près n'importe qui de lire des bouquins pendant des années en prenant des notes (à vrai dire je suis même payé pour ça). Le bachotage n’est en rien un talent, et l’art romanesque repose essentiellement en la manière dont l’auteur utilisera sa somme documentaire.
De ce point de vue La Fête impériale est un modèle de tout ce qu’il ne faut pas faire en matière de gestion de la doc : littéralement obèse de culture, le bouquin sombre régulièrement dans le didactisme, l’exposé scolaire… à des années lumières de ce qu’on attend d’un roman historique digne de ce nom, qui doit nous faire sentir, vivre l'époque au lieu de nous la décrire. Un exemple ? Allez hop :
« La pièce était meublée comme un boudoir – j’eus la surprise, d’ailleurs, de la voir décrite dans La Curée, de M. Emile Zola, roman qui parut en 1872. Il y avait là, outre la table et les chaises, pour reprendre des termes que je ne saurais égaler…»
… suivi d’une citation entière du chef-d’œuvre en question.
On aurait pu trouver beaucoup d’autres illustrations de ce type, mais restons-en là : imaginerait-on plus balourd que ce passage ? Dès les premières pages il m’a paru évident que la doc était mal digérée et les éléments historiques amenés de manière hésitante, mais j’avoue qu’arrivé à cette page (la 57) je suis quand même tombé des nues tant ce genre de boulette me paraissait improbable, même dans ce qui me semblait d’ores et déjà être un livre médiocre. Réussir à écrire un passage pareil dépasse largement le cadre de l’inexpérience inhérente à ce qui n’est après tout qu’un premier roman : cela relève carrément du manque de bon sens. J’ai vu des étudiants de première année de lettres faire plus fin. Le plus dommage étant que la prose d'Arnauld Pontier est si prétentieuse qu'elle met à mal toute l'indulgence qu'on aurait pu (dû) éprouver à l'égard d'un premier roman.
Je pense qu’il n’est plus besoin d’en rajouter : certains apprécieront sans doute le classicisme rigoureux et l’érotisme toc de La Fête impériale - il paraît même qu’il y a un public pour Maurice Denuzière alors... En ce qui me concerne je connais sans doute trop bien mes classiques pour me laisser berner par les écrans de fumée.
Il faut avouer cependant qu’avec des représentants comme La Fête impériale, ce genre autrefois adulé et désormais méprisé est plutôt mal barré. Car ce roman n’est pas uniquement mauvais, il est surtout parfois des plus rances dans sa volonté de ressembler aux grands auteurs de l’époque indiquée – fin XIXème en l’occurrence. Pas de quoi faire se retourner Huysmans dans sa tombe cependant : le texte de Pontier est des plus inoffensifs, voire même des plus comiques dans certains passages à l’écriture si ampoulée qu’on est presque pris de pitié.
Mélange aussi imbécile qu’improbable de Rastignac et de Casanova, le héros n’est pas la moindre des erreurs de casting de l’auteur. Il part de rien, aura tout, en méprisera autant (la citation de Barrès n’est-elle pas d’époque ?)... quoi de plus naturel ? Quoi de plus prévisible, surtout : ces mémoires d’un libertin n’ont aujourd’hui plus grand chose de très original ni de très subversif, n’exciteront guère qu’une ou deux âmes sensibles et manquent d’un contenu suffisamment fort pour suggérer que le sous-titre du livre soit autre chose qu’une réclame publicitaire putassière (pléonasme).
On me rétorquera à coup sûr que La Fête impériale présente aussi d’autres aspects, notamment un travail de recherche considérable. Peut-être même certains considéreront-ils que c’est une compensation au reste. Soit. Néanmoins se documenter quand on écrit un roman historique n’est que le minimum syndical, et ce n’est pas parce que certains auteurs n’ont cure de faire des recherches approfondies que l’on doit se prosterner devant celui-ci. D’autant qu’entre nous, autant il est indéniable que l’aspect documentation soit important dans le cadre d’une entreprise romanesque, autant ce n’est que du travail – si j’ose dire. A condition d’en avoir la volonté il est donné à à peu près n'importe qui de lire des bouquins pendant des années en prenant des notes (à vrai dire je suis même payé pour ça). Le bachotage n’est en rien un talent, et l’art romanesque repose essentiellement en la manière dont l’auteur utilisera sa somme documentaire.
De ce point de vue La Fête impériale est un modèle de tout ce qu’il ne faut pas faire en matière de gestion de la doc : littéralement obèse de culture, le bouquin sombre régulièrement dans le didactisme, l’exposé scolaire… à des années lumières de ce qu’on attend d’un roman historique digne de ce nom, qui doit nous faire sentir, vivre l'époque au lieu de nous la décrire. Un exemple ? Allez hop :
« La pièce était meublée comme un boudoir – j’eus la surprise, d’ailleurs, de la voir décrite dans La Curée, de M. Emile Zola, roman qui parut en 1872. Il y avait là, outre la table et les chaises, pour reprendre des termes que je ne saurais égaler…»
… suivi d’une citation entière du chef-d’œuvre en question.
On aurait pu trouver beaucoup d’autres illustrations de ce type, mais restons-en là : imaginerait-on plus balourd que ce passage ? Dès les premières pages il m’a paru évident que la doc était mal digérée et les éléments historiques amenés de manière hésitante, mais j’avoue qu’arrivé à cette page (la 57) je suis quand même tombé des nues tant ce genre de boulette me paraissait improbable, même dans ce qui me semblait d’ores et déjà être un livre médiocre. Réussir à écrire un passage pareil dépasse largement le cadre de l’inexpérience inhérente à ce qui n’est après tout qu’un premier roman : cela relève carrément du manque de bon sens. J’ai vu des étudiants de première année de lettres faire plus fin. Le plus dommage étant que la prose d'Arnauld Pontier est si prétentieuse qu'elle met à mal toute l'indulgence qu'on aurait pu (dû) éprouver à l'égard d'un premier roman.
Je pense qu’il n’est plus besoin d’en rajouter : certains apprécieront sans doute le classicisme rigoureux et l’érotisme toc de La Fête impériale - il paraît même qu’il y a un public pour Maurice Denuzière alors... En ce qui me concerne je connais sans doute trop bien mes classiques pour me laisser berner par les écrans de fumée.
👎👎 La Fête impériale
Arnauld Pontier | Actes Sud "Babel", 2002