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Dans ce livre mêlant avec une rare finesse documentaire, essai, autobiographie et roman, James Ellroy couche sur le papier le travail de toute une vie mise au service d’une seule et unique obsession : découvrir la vérité sur l’assassinat de sa mère, Jean Ellroy, en 1958. Un projet sinueux et hanté pour lequel Ellroy a affiné son écriture, pensé plus que jamais la construction de son récit… et – on l’imagine – donné le meilleur de lui-même.
La première partie, centrée sur les faits (et, serait-on tenté d’ajouter, rien que les faits), s’avère proprement stupéfiante : dans un style uniquement descriptif rappelant à peu de choses près un rapport de police, il relate l’enquête de l’époque, compile les témoignages, exhume les notes des officiers de service… et use d’une focalisation externe aussi déroutante que captivante : avec cette troisième personne si… impersonnelle, justement, il s’extirpe littéralement de l’histoire pour mieux s’y replonger dans la seconde moitié du texte. Mais pas tout à fait de la manière qu’on aurait pu attendre : qu’il parle de lui ou non, Ellroy reste égal à lui-même, maître de la distance ironique, conteur implacable aussi froid que précis. L’histoire de son enfance, il la survole comme un exercice imposé : zéro introspection, un carnet de famille en guise d’autobiographie, et finalement un lyrisme réduit au strict nécessaire pour pouvoir évoquer le crime qui l’habite depuis toujours. Peu d’allusions directes à ses parents, encore moins à ce chagrin qu’on suppose infini… comme si la simple existence de My Dark Places constituait en elle-même une exhibition suffisante.
Ainsi lorsque reprend le travail sur l’Affaire Ellroy, James disparaît-il à nouveau derrière les faits, les témoignages et les aveux. Sa colère sourde est mise au service d’une rigueur quasi journalistique ; son enquête monomaniaque s’étale sur près de six cents pages. Tout ça pour quoi ? Non pas tant pour sa mère que pour lui, et lui seul : derrière un aspect documentaire foisonnant de détails qui dans le fond n’intéresseront sans doute que quatre criminologues ainsi que l’auteur lui-même, My Dark Places cache un authentique roman d’apprentissage, récit d’une quête identitaire aussi viscérale que désespérée.
Car a l’instar du film Zodiac, de The Black Dahlia ou encore du 1980 de David Peace, l’Affaire Ellroy se soldera encore, toujours, éternellement… par un immense point d’interrogation. Comme on pouvait s’y attendre, Ellroy ne retrouve finalement pas l’assassin de sa mère. En revanche, il se retrouve, lui, dans cette histoire de naissances. Celle d’un homme face à ses démons, celle d’une vocation.
La genèse non d’un livre – mais d’un écrivain.
La première partie, centrée sur les faits (et, serait-on tenté d’ajouter, rien que les faits), s’avère proprement stupéfiante : dans un style uniquement descriptif rappelant à peu de choses près un rapport de police, il relate l’enquête de l’époque, compile les témoignages, exhume les notes des officiers de service… et use d’une focalisation externe aussi déroutante que captivante : avec cette troisième personne si… impersonnelle, justement, il s’extirpe littéralement de l’histoire pour mieux s’y replonger dans la seconde moitié du texte. Mais pas tout à fait de la manière qu’on aurait pu attendre : qu’il parle de lui ou non, Ellroy reste égal à lui-même, maître de la distance ironique, conteur implacable aussi froid que précis. L’histoire de son enfance, il la survole comme un exercice imposé : zéro introspection, un carnet de famille en guise d’autobiographie, et finalement un lyrisme réduit au strict nécessaire pour pouvoir évoquer le crime qui l’habite depuis toujours. Peu d’allusions directes à ses parents, encore moins à ce chagrin qu’on suppose infini… comme si la simple existence de My Dark Places constituait en elle-même une exhibition suffisante.
Ainsi lorsque reprend le travail sur l’Affaire Ellroy, James disparaît-il à nouveau derrière les faits, les témoignages et les aveux. Sa colère sourde est mise au service d’une rigueur quasi journalistique ; son enquête monomaniaque s’étale sur près de six cents pages. Tout ça pour quoi ? Non pas tant pour sa mère que pour lui, et lui seul : derrière un aspect documentaire foisonnant de détails qui dans le fond n’intéresseront sans doute que quatre criminologues ainsi que l’auteur lui-même, My Dark Places cache un authentique roman d’apprentissage, récit d’une quête identitaire aussi viscérale que désespérée.
Car a l’instar du film Zodiac, de The Black Dahlia ou encore du 1980 de David Peace, l’Affaire Ellroy se soldera encore, toujours, éternellement… par un immense point d’interrogation. Comme on pouvait s’y attendre, Ellroy ne retrouve finalement pas l’assassin de sa mère. En revanche, il se retrouve, lui, dans cette histoire de naissances. Celle d’un homme face à ses démons, celle d’une vocation.
La genèse non d’un livre – mais d’un écrivain.
👍👍👍 My Dark Places [Ma part d'ombres]
James Ellroy | Alfred A. Knopt, 1996