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S’il est un point commun à tous les exs punks de 1975–77, c’est assurément la médiocrité quasi unanime de leurs albums solos (ou avec de nouveaux groupes) d’après 1980. A part peut-être Johnny Thunders (et encore) tous ont sombré de la manière la plus tragique qui soit, puisqu’ils se sont mis non seulement à jouer une musique sans intérêt mais en plus à ressembler à tous ces artistes ringardos qu’ils avaient contribué éradiquer quelques années plus tôt. En ce sens la seule pochette de cet album est un témoignage aussi cruel que vibrant d’un certain chapitre de l’histoire du rock’n’roll (intitulé dans notre encyclopédie imaginaire : De la Punkitude à la Dérécipitude).
Que s’est-il donc passé entre 1977 (Marquee Moon, chef-d'oeuvre absolu signé Television), et 1985... pour en arriver à… ça ?! On ne sait pas trop. Les années 80 ont fait un mal fou à la musique, mais personne n’a jamais été capable de dire précisément pourquoi. D’aucuns arguent en général de l’influence prépondérante de Music-business TV seulement… Richard Lloyd ne passait pas plus sur MTV que tous ses copains rescapés du NYC Punk. Et puis il était sensé, en tant qu’ex maestro de Television, avoir des exigences artistiques un peu plus poussées tout de même !
Bah oui. Mais non : sur son second effort solo (après le grandiose Alchemy de 1979), Richard Lloyd fait tout au plus montre d’une envie d’écrire de bons morceaux rock qui rollent, ce qui serait somme toute charmant si le son de Field of Fire n’était si catastrophique : toutes les obsessions du rock des 80’s y sont concentrées en un seul morceau, le terrifiant « Keep’on Dancin’ ». Production clinquante, arrangements tapent-à-l’œil, groove paresseux à la Bowie période Let’s Dance/Tonight, paroles archi nazes… N’en jetez plus, la coupe est pleine. Pleine de stupre, pour tout dire. Pleine d’une désastreuse envie de gagner de l’argent facilement, ce qui de la part d’un monument comme Lloyd frôle l’hérésie.
Evidemment il serait mesquin de se focaliser là-dessus alors que Richard Lloyd est avant toute autre chose un guitariste de génie. Losin’ Anna ou Black to White montrent quelques petites envolées intéressantes, mais là encore l’ensemble reste assez lisse, tétant la roue de son ex-groupe dans le meilleur des cas (« Pleading »), lorgnant vers ces mêmes Stones qu’il avait ringardisés dans le pire (« Watch Yourself »).
Ne soyons cependant pas injustes : Field of Fire contient un grand morceau, « Backtrack ». Ce n’est déjà pas si mal, et c’est toujours plus que certains albums solos de Tom Verlaine. De là à dire que ce grand morceau et les deux ou trois popsongs sympas qui l’encadrent (« Soldier Blue », « Pleading ») justifiaient une réédition… euh… eh bien oui ! Mais pour une fausse bonne raison : paru sur un microscopique label suédois en 1985, cet album n’avait jusqu’alors jamais été réédité en CD du côté de chez nous. Les fans complétistes de Richard Lloyd seront donc ravis (pour un peu qu’ils existent), d’autant que l’archi-mega-deluxe-pack propose un concept aussi original qu’effarant : le premier disque n’est ni plus ni moins que l’album original ; le second une version remastérisomixée effectivement supérieure en terme de définition mais complètement inutile en terme de répertoire (seuls deux inédits s’ajoutent à un album rigoureusement identique – et même pas des très bons). Pour être franc je ne sais même pas s’il faut applaudir ou conspuer cette curieuse initiative (dont je soupçonne qu'elle vise à donner un semblant de dimension artistique à un disque qui au départ n'en avait aucune). Peut-être d’ailleurs faut-il juste l’ignorer : après tout Lloyd vient de publier avec The Radiant Monkey son meilleur album solo depuis toujours. Donc quitte à placer son argent intelligemment…
S’il est un point commun à tous les exs punks de 1975–77, c’est assurément la médiocrité quasi unanime de leurs albums solos (ou avec de nouveaux groupes) d’après 1980. A part peut-être Johnny Thunders (et encore) tous ont sombré de la manière la plus tragique qui soit, puisqu’ils se sont mis non seulement à jouer une musique sans intérêt mais en plus à ressembler à tous ces artistes ringardos qu’ils avaient contribué éradiquer quelques années plus tôt. En ce sens la seule pochette de cet album est un témoignage aussi cruel que vibrant d’un certain chapitre de l’histoire du rock’n’roll (intitulé dans notre encyclopédie imaginaire : De la Punkitude à la Dérécipitude).
Que s’est-il donc passé entre 1977 (Marquee Moon, chef-d'oeuvre absolu signé Television), et 1985... pour en arriver à… ça ?! On ne sait pas trop. Les années 80 ont fait un mal fou à la musique, mais personne n’a jamais été capable de dire précisément pourquoi. D’aucuns arguent en général de l’influence prépondérante de Music-business TV seulement… Richard Lloyd ne passait pas plus sur MTV que tous ses copains rescapés du NYC Punk. Et puis il était sensé, en tant qu’ex maestro de Television, avoir des exigences artistiques un peu plus poussées tout de même !
Bah oui. Mais non : sur son second effort solo (après le grandiose Alchemy de 1979), Richard Lloyd fait tout au plus montre d’une envie d’écrire de bons morceaux rock qui rollent, ce qui serait somme toute charmant si le son de Field of Fire n’était si catastrophique : toutes les obsessions du rock des 80’s y sont concentrées en un seul morceau, le terrifiant « Keep’on Dancin’ ». Production clinquante, arrangements tapent-à-l’œil, groove paresseux à la Bowie période Let’s Dance/Tonight, paroles archi nazes… N’en jetez plus, la coupe est pleine. Pleine de stupre, pour tout dire. Pleine d’une désastreuse envie de gagner de l’argent facilement, ce qui de la part d’un monument comme Lloyd frôle l’hérésie.
Evidemment il serait mesquin de se focaliser là-dessus alors que Richard Lloyd est avant toute autre chose un guitariste de génie. Losin’ Anna ou Black to White montrent quelques petites envolées intéressantes, mais là encore l’ensemble reste assez lisse, tétant la roue de son ex-groupe dans le meilleur des cas (« Pleading »), lorgnant vers ces mêmes Stones qu’il avait ringardisés dans le pire (« Watch Yourself »).
Ne soyons cependant pas injustes : Field of Fire contient un grand morceau, « Backtrack ». Ce n’est déjà pas si mal, et c’est toujours plus que certains albums solos de Tom Verlaine. De là à dire que ce grand morceau et les deux ou trois popsongs sympas qui l’encadrent (« Soldier Blue », « Pleading ») justifiaient une réédition… euh… eh bien oui ! Mais pour une fausse bonne raison : paru sur un microscopique label suédois en 1985, cet album n’avait jusqu’alors jamais été réédité en CD du côté de chez nous. Les fans complétistes de Richard Lloyd seront donc ravis (pour un peu qu’ils existent), d’autant que l’archi-mega-deluxe-pack propose un concept aussi original qu’effarant : le premier disque n’est ni plus ni moins que l’album original ; le second une version remastérisomixée effectivement supérieure en terme de définition mais complètement inutile en terme de répertoire (seuls deux inédits s’ajoutent à un album rigoureusement identique – et même pas des très bons). Pour être franc je ne sais même pas s’il faut applaudir ou conspuer cette curieuse initiative (dont je soupçonne qu'elle vise à donner un semblant de dimension artistique à un disque qui au départ n'en avait aucune). Peut-être d’ailleurs faut-il juste l’ignorer : après tout Lloyd vient de publier avec The Radiant Monkey son meilleur album solo depuis toujours. Donc quitte à placer son argent intelligemment…
👎 Field of Fire
Richard Lloyd | Moving Target, 1985