lundi 10 décembre 2007

Electrafixion - Lost & Found

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Ce soir aura lieu le premier concert de Led Zeppelin depuis vingt-sept ans.

Quel rapport avec ce disque, me direz-vous ? Eh bien avant cette reformation du plus grand groupe de tous les temps à égalité avec les Beatles et le Velvet, il y eut les collaboration de Page & Plant, intéressantes à plus d’un titre et sans aucun doute nécessaires à la renaissance du monstrueux dirigeable. Bien sûr on ne présagera pas de l’avenir du nouveau Zep, on n’en sait rien – peut-être même n’y en a-t-il aucun. Mais ces collaborations passées entre Page & Plant, Walking into Clarksdale, l’album de 1998 d’abord encensé puis jeté aux chiens alors qu’il contenait certains morceaux des plus ambitieux… tout cela laisse espérer un peu plus qu’une simple date pompe à fric. Ayons confiance : quand on réécoute les œuvres solos de Page, Plant (surtout) et même de Jones (qui a publié quelques excellents albums de prog-pas-pompier, notamment Zooma)… c’est sans doute la reformation la moins douteuse et la plus réellement prometteuse qu’on ait vue depuis… Echo & The Bunnymen, et voici la transition que vous attendiez en vain depuis deux paragraphes !

1994, Liverpool. Les Bunnymen sont séparés depuis deux ans. A la fin des années 80, carbonisés par la dope et laminés par un succès trop grand pour leurs frêles épaules, Will Sergeant et Ian McCulloch ont achevé de se pouiller l’un l’autre. Le chanteur à la voix de velours a claqué la porte en 1988 après un ultime opus éponyme auréolé de platine mais tragiquement désabusé et présentant déjà les signes d’un inévitable déclin. L’année suivante il a publié Candleland, un album superbe unanimement salué par la critique comme le public, puis il a enfoncé le clou en 1992 avec Mysterio – à peine moins bon. Sans doute avait-il besoin de prouver qu’il était capable d’exister sans Will Sergeant – mission accomplie. Ce qu’on a jamais compris c’est pourquoi les fans avaient tous suivi massivement McCulloch dans sa carrière solo, fait d’autant plus rare dans l’histoire de la pop que les Bunnymen ont continué après son départ en 88. La raison est peut-être toute bête : McCulloch en solo a eu l’intelligence de ne pas essayer de faire du Bunnymen. Tandis que le groupe, de son côté, n’a su que le remplacer par un clone grostesque (pour vous dire : il s’appelait Burke) et essayer de décliner sa formule tout en étant amputé d’une part de lui-même. Si l’on a jamais douté que des gens aussi brillants que McCulloch ou Sergeant ou Les Pattinson puissent exister les uns sans les autres, on n’a jamais cru pour autant que les Bunnymen et leur son caractéristique puissent vivre sans l’un de ces trois-là. De fait Reverberation, unique album sans McCulloch (et premier disque sans l’immense bassiste Pete deFreitas, connement tué dans un accident de la circulation), sera un four commercial des plus mérités tant il est médiocre et… caricatural – là où le principal talent des Bunnymen avait été de constamment se renouveler au long des cinq albums précédents.

Split, donc. En 1992, après que Burke ait été logiquement limogé et qu'un McCulloch au sommet ait refusé de revenir. Fin de l’histoire. Croit-on.

Nous revoilà en 1994, et on ignore un peu pourquoi Ian McCulloch a accepté de changer d’avis, de revoir les deux autres. Le succès confortable de ses deux disques lui a en tout cas garanti d’échapper à un procès en reformation pour le fric – et de toute façon les reformations ne sont pas encore si nombreuses que ça à l’époque. Alors qu’il se préparait à enregistrer un troisième album avec aux guitares l’ex-Smiths Johnny Marr (et qu’on lui prêtait l’intention de remplacer Neal Tennant au sein du supergroupe de ce dernier : Electronic, avec également Bernard « New Joydivorder » Sumner), McCulloch accepte de rebosser avec ses deux copains d’école. Heureux, décomplexés, ils écrivent une poignée de titres… et publient un single (« Zephyr ») en guise de teaser… mais pas sous le nom d’Echo & The Bunnymen. Sous celui d’Electrafixion, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il définit à merveille leur nouvelle musique.


Six mois après paraît Burned… toujours le nom d’Electrafixion. Est-ce si étonnant ? Fondamentalement, Electra n’a strictement rien à voir avec les Bunnies. Mais alors rien du tout. C’est un autre groupe, un autre son, une autre démarche. Et rétrospectivement c’est sans aucun doute le Walking into Clarksdale de McCulloch & Sergeant. L’album des retrouvailles humaines avant Evergreen (des Bunnymen retrouvant leur Echo, cette fois), celui des vraies grandes retrouvailles musicales. Et pour autant Burned est loin d’être une daube, bien au contraire.

Britrock incendiaire, post-grunge et noisy en diable, il s’ouvre sur un « Feel My Pulse » psyché comme du Bunnymen mais avec une rythmique nirvanesque en diable. On accusera à l’époque les ex-Bunnymen de surfer sur la mode – permettez qu’on en rigole : s’ils avaient voulu faire du fric en prenant le train alternatif en marche, ils auraient gardé le même nom et l’album se serait vendu six fois plus rien que pour ça. Non, ici la démarche est clairement artistique. Autre musique autre nom de groupe, c’est somme toute assez logique (Page & Plant, encore : ils détenaient les droits du nom Led Zeppelin – l’ont-ils utilisé pour autant ? Non : ils n’étaient pas Led Zeppelin et ne faisaient pas du Led Zeppelin, et ils l’assumaient - rendons leur grâce pour cela). Jouer du rock dur sous un nouveau nom étant à peu près le meilleur moyen de décevoir tout le monde et de ne pas vendre de disques, on évitera les mauvais procès – même s’il fut bien entendu difficile à l’époque d’écouter Electrafixion avec une oreille vierge.

Assez peu de tubes en puissance ici, à l’exception du remuant « Hit by Something » (mais il est vrai que la spécificité de ces trois-là a toujours été de décrocher des hits presque sans le faire exprès – imaginerait-on une chanson moins tubesque que « Bombers Bay » ?). Beaucoup de riffs cinglants en revanche, tel celui de « Mirroball ». Une autre facette du jeu de Sergeant, qui a plus souvent brillé par ses talents de décorateur d’intérieur que par son côté riffeur fou ; une autre facette de McCulloch aussi bien, dont la voix retrouve ici les aigues délaissés à partir de 1984 (Ocean Rain ; par ailleurs récemment réédité lui aussi). Deux titres de l’album fantôme avec Johnny Marr sont repêchés (l’anecdotique « Too Far Gone » et surtout l’énorme « Lowdown » - rencontre (d)étonnante de Ride et des Smiths), un « Never » sonnant comme le meilleur morceau que Kula Shaker a oublié de mettre sur son premier album, et Ocean Colour Scene qui se fait botter les fesses sur son propre terrain avec la grande pièce psycho-pop de l’affaire : « Who’s Been Sleeping in My Head ? », dont la dimension classique s’impose dès la première écoute.

Evidemment on se demanda (on se demande toujours, pour certains) : à quoi ça rime ces curieuses retrouvailles ? Difficile à dire… lorsqu’un relent d’Echo & The Bunnymen pointe le bout de son nez (« Timebomb ») on se surprend à imaginer Sergeant et McCulloch comme deux exs qui se retrouvent en cachette dans un petit hôtel parce que l’un d’entre eux (Mac, of course) s’est marié entre temps. Motel, même, un brin miteux à l’image de l’ambiance garage de Burned. Un peu de danger, ils ont peur d’être surpris les coquins (attention je vous préviens : on peut complètement réinterpréter les paroles à partir de cette théorie).

Mais bon : l’histoire se termine bien cela dit, puisque les exs finissent par se remettre ensemble, ils se remarient… et depuis ils ont eu pas moins de quatre beaux enfants (enfin… relativement beaux, on va dire). Certes ils ont dû reconstruire leur couple sur de nouvelles bases et aujourd’hui c’est clairement McCulloch qui porte la proverbiale culotte (condition sine qua non pour que l'ex remaqué accepte de revenir ?!), les autres étant devenus depuis What Are You Going to Do with Your Life? (ce titre est-il un hasard ?!) un backing-band de luxe. Cependant l’essentiel n’est-il pas qu’ils soient heureux comme ça ?


👍👍 Burned 
Electrafixion | Sire Records, 1995