dimanche 27 janvier 2008

Passage du gué - Loyalty Song

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La blogosphère aime Blondel.

Pour cette seconde critique blondelienne dans ces pages j’aurais pu commencer autrement, jugeant que les présentations n’étaient plus nécessaires. Seulement voilà : mon billet moyennement convaincu par Juke-Box fut pendant de nombreux mois l’article le plus consulté de ce blog – c’est dire la popularité du gaillard. A ce propos il semble que face à la densité de cette critique la plupart des gens n’aient retenus que ce qui ne m’avait pas plu… noyant dans leurs commentaires les qualités d’écriture que j’étais tout prêt à y voir. J’avais pourtant écrit à propos de Blondel (et je le maintiens) : … il fait partie de ces auteurs capables de transcender les petits riens de la vie pour nous toucher en plein cœur. Et parce qu’il s’y connaît visiblement comme personne pour mêler rire, larmes, colère… toute la gamme des émotions humaines dans une simple anecdote… . Avouez que c’est quand même bizarre que globalement les gens aient retenu que j’avais détesté le livre !

(ouais… remarquez : c’est au principe même du téléphone arabe auquel je m’attaque…)

La mise au point n’est pas dénuée d’intérêt car précisément, Passage du gué a à peu près tout ce que Juke-Box n’a pas. J’irai même jusqu’à dire que plus j’ai avancé dans Passage du gué , plus j’ai compris pourquoi Juke-Box m’avait laissé de marbre. Son concept était sympathique, sa forme séduisante… mais ce qu’il racontait n’avait qu’un intérêt très relatif. Tout cela était bien joli mais manquait cruellement de consistance… autant dire tout de suite que Passage du gué joue clairement dans la catégorie au-dessus. Pas de là à dire (comme d’autres l’ont fait) que c’est un livre différent des précédents : d’après ce que je connais de l’oeuvre, Blondel fait toujours du Blondel, son style étant tout à fait personnel. On retrouve la même atmosphère nostalgique, la même manière de construire le récit en ellipses, partant du général pour arriver au particulier… non, la révolution n’a pas eu lieu du côté de Troyes. En revanche Passage du gué a un (des) sujet(s) fort(s)… prenant du coup des airs d’accomplissement.

Nostalgie, donc. On est en plein dedans dès les premières pages, avec un Fred qui revient dans sa ville natale. Lieux, visages familiers… le voilà secoué par des réminiscences de sa jeunesse. Projeté vingt ans en arrière – nous avec. Voici Fred plus jeune, moins désabusé, aspirant prof englué dans un job de pion (quiconque a été pion comprendra l’usage du terme englué) en attendant d’avoir le CAPES. Et alors il rencontre une fille – une prof. Myriam. Qui en aime un autre : Thomas.

Là, au moment où débarque le Thomas du livre, le Thomas qui tient ledit livre dans la main s’étouffe. Il prend peur : Si Blondel a l’outrecuidance de nous fair le coup de Jules & Jim dans la province fanchouillarde je jure devant Dieu que la critique va être salée…

…et alors qu’on commençait à piquer du nez devant un ou deux clichés qui pointaient méchamment le leur … : le drame. Dont je ne vous dirai rien – d’autres s’en sont chargés pour moi. C’est alors un tout autre roman qui commence, beaucoup plus fort, beaucoup plus nerveux. Le trio de personnages-conteurs prend soudain une ampleur inattendue, l’écriture se fait plus touffue… et le charme beaucoup plus violent. A l’image des passions habitant Fred et les autres. A l’image de ces trois vies qui s’entrechoquent, s’entre-mêlent, fusionnent presque pour finalement s’éclater. L’émotion devient palpable, avec toujours cette espèce de légèreté caractérisant Blondel, cette manière distanciée de traiter aussi bien l’inconsolable chagrin que le minuscule éclat de rire… permettant de dépasser la trame la moins originale, la situation la plus éculée… il y a du Djian chez Blondel, qui offre en prime une réflexion touchante sur le passage à l’adulte. Que demander de mieux ? Amour & Mort, le tout enrobé d’une bonne dose d’amitié… on a beau y être habitué depuis des siècles, quand c’est bien fait on marche à tout les coups.

C’est très bien fait.


👍👍 Passage du gué 
Jean-Philippe Blondel | Robert Laffont, 2006

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