vendredi 22 février 2008

Graham Joyce - Earthquake Weather

...
L’été dernier j’ai découvert, intrigué, Graham Joyce – dont on m’avait parlé plus qu’en bien par ici. Le moins qu’on puisse dire est que j’en étais ressorti assez perplexe, un peu partagé par un livre pour le moins antique (Requiem, un de ses premiers) qui m’avait paru tout à fait bon mais dont je soupçonnais (à raison) qu’il n’était pas son meilleur. Pour autant il y avait là un univers tout à fait particulier, plutôt captivant… et je me suis promis alors de remettre ça – en V.O. cette fois-ci.

Me voilà donc avec en main The Stormwatcher, ouvrage joycien de référence sur nombre de sites… anglo-saxons. C’est ce qui fait tout le charme de cet autre Joyce : il reste pour l’heure l’un des secrets les mieux gardés de la littérature anglaise contemporaine. La faute à une distribution française des plus discrètes, cumulant à peu près toutes les tares : ghettoisation dans les rayons SF/Fantasy (alors qu’il s’agit de fantastique traditionnel, clairement plus tourné vers Nodier que vers Tolkien), éditeur spécialisé (Bragelonne) publiant ses titres au compte gouttes (quatre romans traduits chez eux à ce jour... sur quinze au total) et seulement en grand format, sans oublier le super cadeau bonux – des couvertures françaises à rendre jaloux les plus grands maîtres de la série Z vendue en VHS. Autant être franc : avec tout ça si j’étais passé à côté d’une traduction de The Stormwatcher je l’aurais certainement soit ignorée… soit regardée – mais pour ricaner bêtement (raison de plus pour remercier certaine prosélyte de l'auteur).

Or pas de quoi rigoler dans ce roman parmi les plus glauques qu’il m’ait été donné de lire dans ma vie – à tel point que si un jour je vois Graham Joyce en tête du classement fnac je jure devant Dieu de fermer ce blog. Si l’on fait souvent assez naïvement le lien (plutôt crétin quand on y réfléchit posément) Littérature Fantastique = Littérature populaireThe Stormwatcher (tout comme le moins maîtrisé Requiem) fera désormais office de remarquable contre-exemple. Car voici typiquement le genre de livre à ne pas mettre entre les mains de votre grand-mère, même si elle est libérale... surtout si elle est libérale !

Dès le départ la tension est palpable, la faute à une météo pour le moins orageuse (quelle surprise) compromettant les vacances dordognaises de James et Sabine, venus dans cette belle petite baraque française pour couler des jours heureux avec leurs deux filles ainsi qu’une poignée d’amis. Ca pourrait n’être qu’un détail, c’est au contraire essentiel : dans The Stormwatcher on arrive pas trop à savoir si c’est la météo qui influe sur les esprits ou bien les blessures secrètes qui déchirent le ciel – toujours est-il que ça tonne de toutes parts. Et qu’au milieu de cela la jeune Jessie s’isole, poursuivie par un étrange inconnu, un mystérieux interlocuteur l’instruisant de manière pour le moins malsaine (le sexe et la mort sont ses deux sujets de prédilection). Qui ou quoi est-ce ? L’un des habitants de la maison ? Un fantasme ? Un esprit malin ?... Le suspens perdure jusqu’à la dernière page, instaurant un climat de malaise de plus en plus pesant au fur et à mesure que ce dialogue lorgne vers le vampirisme mental.

Suffocant, le Joyce, qui restitue à la quasi perfection tant les angoisses de la jeune enfant que l’atmosphère (bio)dégradable des lieux – perdus au milieu de la cambrousse. La tension monte d’un cran, le temps se dégrade, les langues se délient… beaucoup de choses se jouent autour de Jessie, beaucoup de choses qui la dépassent et rendent la lecture de plus en plus haletante. Incontestablement, l’auteur est un grand. Non seulement cet univers est tout à fait singulier (minium syndical d’un roman « fantastique », soit… mais minimum syndical rarement atteint par ses collègues) mais la plume l’est tout autant, d’une vivacité inversement proportionnelle à la noirceur du roman et d’un onirisme à rendre jaloux les plus grands auteurs fantastiques du dix-neuvième. Depuis combien de temps n’avais-je pas lu un livre en me disant : Cette écriture ne ressemble à aucune autre ? Aucune idée.

En somme mon impression post-Requiem n’est pas seulement confirmée – elle est absoluement transcendée : Graham Joyce est un auteur unique en son genre, à découvrir à tout prix. Car The Stormwatcher vient de se hisser sans difficulté parmi les livres les plus originaux / brillants / fascinants / incontournables... jamais évoqués dans ces pages.


👑 The Stormwatcher [En attendant l'orage] 
Graham Joyce | Night Shade Books, 1998

Aucun commentaire: