...
Ado, j'ai été très amoureux d'Ann Scott. Asphyxie fait partie des livres qui m'ont bouleversé, traumatisé au point que je n'aie jamais eu le courage de le relire. J'ai en revanche suivi la suite de sa bibliographie, mi-intéressé mi-sceptique, déplorant avec une relative (in)constance que cette auteure pourtant douée tourne incessamment en rond... sauf que voilà, jusque là, je n'avais pas lu Le Pire des mondes. On me le pardonnera : avec une accroche sonnant comme le titre de la chanson vaguement provoc d'un groupe skate-punk dont la moyenne d'âge n'excède pas les dix-sept ans... il n'y avait pas de quoi particulièrement susciter l'intérêt du désormais vieux lecteur exigeant que je suis.
Magie des buzz, qui se souvient aujourd'hui de la monstrueuse polémique qui entoura le livre à sa sortie ? Le milieu parisien est si friand de ce genre de pseudos crépâges de chignon qu'il en fait une consommation impressionnante et qu'on les oublie presque aussi vite que les dernières extravagances de notre Président. Une polémique chassant l'autre ce n'est qu'en cours de relecture que je me suis rappelé que Le Pire des mondes avait été qualifié de réactionnaire - entre autres gentillesses.
C'est là qu'on se dit que les critiques littéraires sont des gens merveilleux. Sans doute lisent-ils trop pour se rappeler ce qu'ils écrivaient quelques années avant... n'empêche : quiconque a lu Asphyxie, Superstars où l'émouvant recueil Poussières d'anges... pourra difficilement avaler qu'Ann Scott soit une odieuse réac - pourquoi pas une pédophile pendant qu'on y est ? De grâce, laissons les gros mots au vestiaire et essayons de voir un peu plus loin que le premier degré de lecture afin de recevoir Le Pire des mondes pour ce qu'il est : une satire remarquablement incisive... des néo-réacs ! Une satire tellement brillante et crédible que la moitié des gens ne s'est pas aperçue que c'en était une. Ca vous rappelle quelque chose ? Normal : le procès fait à l'époque à Scott évoque inévitablement le procès fait à Brett Easton Ellis après American Psycho - ou comment confondre un auteur avec son horrible narrateur. Un gage de qualité, en somme ? Tout à fait : jolie prouesse que celle-ci. Joli suicide littéraire au demeurant. Car le narrateur du Pire des mondes, détestable petit homme futile et archi-matérialiste, est si bien rendu qu'on peine à l'accompagner jusqu'au bout d'un texte pourtant court. Copie carbone absolument confondante de n'importe quel héros des écoeurants néo-hussards, il n'est du coup ni plus ni moins supportable que ses modèles, mériterait des baffes, navigue dans un univers totalement creux et se meut au cœur d'un livre dépourvu de la moindre intrigue solide. En somme : on file à toute vitesse de la satire au pastiche - c'est bien là tout le problème.
Car tout bien écrit qu'il soit, tout affûtée que soit sa vision... Le Pire des mondes n'en demeure pas moins un texte branlant, limité aux entournures par un concept difficile à étirer. Courageusement , l'auteure essaie de faire vaciller les convictions (ou plutôt les non-convictions) de son narrateur. Le met face à ses propres contradictions. Fout en l'air son petit univers étriqué en le faisant tomber amoureux. En vain. A la limite peut-être aurait-il mieux valu que Scott évite de tenter de reverser la tendance en cours de route, qu'elle s'enfonce dans une voie sans issue mais irréprochable (satiriser à la perfection un personnage, un univers et une littérature si insupportables qu'on aurait lâché le livre avant la fin) plutôt que de se placer dans une position bâtarde à mi-parcours... cette love-story aussi peu plausible que peu crédible, visant manifestement à injecter un peu d'humanité dans un personnage en étant cruellement dépourvu, arrive comme un cheveu sur la soupe et ne convainc à aucun moment. Pire : non contente de casser le rythme de l'intrigue, elle en fragilise l'équilibre et arrache quelques sourires. Pas de quoi crier à la polémique, en effet. Car à la fin du bouquin la morale est sauve, à se demander pourquoi certains en ont fait tout un plat. Sans doute quelque fou a-t'il pris une plaisanterie à demi efficace pour un grand roman à thèse. Auquel cas ledit critique devrait faire comme Ann Scott... : arrêter d'urgence toutes les drogues.
Ado, j'ai été très amoureux d'Ann Scott. Asphyxie fait partie des livres qui m'ont bouleversé, traumatisé au point que je n'aie jamais eu le courage de le relire. J'ai en revanche suivi la suite de sa bibliographie, mi-intéressé mi-sceptique, déplorant avec une relative (in)constance que cette auteure pourtant douée tourne incessamment en rond... sauf que voilà, jusque là, je n'avais pas lu Le Pire des mondes. On me le pardonnera : avec une accroche sonnant comme le titre de la chanson vaguement provoc d'un groupe skate-punk dont la moyenne d'âge n'excède pas les dix-sept ans... il n'y avait pas de quoi particulièrement susciter l'intérêt du désormais vieux lecteur exigeant que je suis.
Magie des buzz, qui se souvient aujourd'hui de la monstrueuse polémique qui entoura le livre à sa sortie ? Le milieu parisien est si friand de ce genre de pseudos crépâges de chignon qu'il en fait une consommation impressionnante et qu'on les oublie presque aussi vite que les dernières extravagances de notre Président. Une polémique chassant l'autre ce n'est qu'en cours de relecture que je me suis rappelé que Le Pire des mondes avait été qualifié de réactionnaire - entre autres gentillesses.
C'est là qu'on se dit que les critiques littéraires sont des gens merveilleux. Sans doute lisent-ils trop pour se rappeler ce qu'ils écrivaient quelques années avant... n'empêche : quiconque a lu Asphyxie, Superstars où l'émouvant recueil Poussières d'anges... pourra difficilement avaler qu'Ann Scott soit une odieuse réac - pourquoi pas une pédophile pendant qu'on y est ? De grâce, laissons les gros mots au vestiaire et essayons de voir un peu plus loin que le premier degré de lecture afin de recevoir Le Pire des mondes pour ce qu'il est : une satire remarquablement incisive... des néo-réacs ! Une satire tellement brillante et crédible que la moitié des gens ne s'est pas aperçue que c'en était une. Ca vous rappelle quelque chose ? Normal : le procès fait à l'époque à Scott évoque inévitablement le procès fait à Brett Easton Ellis après American Psycho - ou comment confondre un auteur avec son horrible narrateur. Un gage de qualité, en somme ? Tout à fait : jolie prouesse que celle-ci. Joli suicide littéraire au demeurant. Car le narrateur du Pire des mondes, détestable petit homme futile et archi-matérialiste, est si bien rendu qu'on peine à l'accompagner jusqu'au bout d'un texte pourtant court. Copie carbone absolument confondante de n'importe quel héros des écoeurants néo-hussards, il n'est du coup ni plus ni moins supportable que ses modèles, mériterait des baffes, navigue dans un univers totalement creux et se meut au cœur d'un livre dépourvu de la moindre intrigue solide. En somme : on file à toute vitesse de la satire au pastiche - c'est bien là tout le problème.
Car tout bien écrit qu'il soit, tout affûtée que soit sa vision... Le Pire des mondes n'en demeure pas moins un texte branlant, limité aux entournures par un concept difficile à étirer. Courageusement , l'auteure essaie de faire vaciller les convictions (ou plutôt les non-convictions) de son narrateur. Le met face à ses propres contradictions. Fout en l'air son petit univers étriqué en le faisant tomber amoureux. En vain. A la limite peut-être aurait-il mieux valu que Scott évite de tenter de reverser la tendance en cours de route, qu'elle s'enfonce dans une voie sans issue mais irréprochable (satiriser à la perfection un personnage, un univers et une littérature si insupportables qu'on aurait lâché le livre avant la fin) plutôt que de se placer dans une position bâtarde à mi-parcours... cette love-story aussi peu plausible que peu crédible, visant manifestement à injecter un peu d'humanité dans un personnage en étant cruellement dépourvu, arrive comme un cheveu sur la soupe et ne convainc à aucun moment. Pire : non contente de casser le rythme de l'intrigue, elle en fragilise l'équilibre et arrache quelques sourires. Pas de quoi crier à la polémique, en effet. Car à la fin du bouquin la morale est sauve, à se demander pourquoi certains en ont fait tout un plat. Sans doute quelque fou a-t'il pris une plaisanterie à demi efficace pour un grand roman à thèse. Auquel cas ledit critique devrait faire comme Ann Scott... : arrêter d'urgence toutes les drogues.
👎 Le Pire des mondes
Ann Scott | Flammarion 2004