mercredi 12 mars 2008

Bord cadre

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La Décadence a de beau restes...

Ernesto Violin a débarqué un jour dans les commentaires du Golb. Un drôle de type me charriant sur Faulkner (kamikaze, donc). Un drôle de type dont j'ai tapé ce jour-là, à tout hasard, le nom sur google. Et voilà que je découvre que le drôle de type est musicien. Sa page myspace est moche comme une page myspace, mais en pire. Ses bandmates s'appellent les Chicos Puants. Son logo est un genre de croix celtique. On s’attend à moitié à ce qu’il nous joue des reprises néo-goth des Fatals Picards. Tout m'indique de fuir. Seulement voilà : le drôle type cite Barbey d'Aurevilly parmi ses influences. L'homme qui, avec son Ensorcelée, me donna envie de devenir écrivain. Rien moins. Alors j'écoute

Étonnant cocktail, séduisant... j'en voudrais bien plus. Je contacte donc Ernesto Violin, qui afin de faciliter la communication avec le monde extérieur a décidé de ne pas mettre d’e-mail visible – ce qui m’oblige donc à créer un compte myspace tout exprès. Fallait-il vraiment qu’il m’ait tapé dans l’œil, car pas sûr que même pour Charlize Theron j’aurais été aussi loin (ouais, je sais, ça faisait longtemps que ma Charlie adorée n’avait pas surgi dans une chronique, ceci dit ne vous emballez pas elle ne joue pas dans les clips de Violin – d’ailleurs il n’a jamais tourné le moindre clip… faudrait quand même pas que les gens entendent parler de lui !). Mais partant du principe qu’un type ayant pour copains sur myspace à la fois Shane McGowan et The Fall ne peut pas être foncièrement inintéressant, je suppute déjà que l’effort ne sera pas inutile.
 
Mon drôle de gaillard, je m'aperçois assez rapidement qu'il est le plus mauvais vendeur de toute la scène pop française. Il préfère d'ailleurs de loin me brancher sur des inédits de Bryan McLean plutôt que sur sa propre musique. J'insiste. Il finit par avouer presque fièrement la non-actualisation de sa page. Bon, t'as un disque coco ? Oui. Il en a un, il veut même bien me l'envoyer. Mais comme il a du mal avec le concept de hype, je vais attendre le disque de VIOL pendant quelques temps. Lorsqu'il débarque... je réprime un fou rire : tout à fait à l'image du drôle de type, une lettre d'accompagnement hilarante et un CD-R sans pochette ni titre. Juste les paroles livrées avec. Est-ce l'art ou du cochon ? Là : le choc. L'album est vraiment très bon. Peut-être même plus que très bon. Incontestablement il enfonce la quasi totalité des autoprods (innombrables) que j’ai pu entendre dans ma vie. Un album, un vrai, sensuel et lumineux… quand je m’attendais à une vulgaire démo. S’ouvrant dans une atmosphère langoureuse et crépusculaire (« Woods of Yorke », digne d’un Elliott Smith à son meilleur) et se refermant dans la torpeur de « John H. Smith must die », réminiscence folk des grands finals de Joy Division.
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Aussi éclectique que cohérent, l’ensemble (providentiellement court) ne compte aucun ventre mou et propose une suite de chansons remarquablement écrites dominées par la fantastique « Song Against Darwin ». Love meets Kinks. Concept fantasmatoire s’il en est. Décadence dissimulée dans un enrobage luxuriant, « Grace Bedell's Plea » est une petite merveille de perversion pop. La voix est superbe, romantique, urgente. Capable de ramper comme du Cohen (ou du Cantat anglophone) sur un « All Women in Jail », de danser sur le fil de « Grace Bedell » ou de se parer d’élégance nonchalante le temps d’un « Chinatown Bells » qui dans un pays réellement intéressé dans la pop serait sorti en single depuis belle lurette. Si Pete Doherty a publié un morceau (au demeurant remarquable) intitulé « A Rebours », le rock le plus huysmansien qu’on ait entendu depuis longtemps se trouve assurément dans ce disque vintage duquel se dégage d’emblée (c’est si rare de nos jours) une personnalité et un univers. Que ceux qui douteront de mon enthousiasme aillent jeter un œil par ici. La seule « Song Against Darwin » justifie à elle seule qu’Ernesto Violin soit harcelé d’e-mails et ait quatorze CDs à envoyer lors de son prochain passage à la poste. Voire même pire : qu'il soit contraint et forcé d'aller contre tous ses principes et de (horreur) vendre sa musique.
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Simple question de justice, au regard du nombre sidérant de cloportes sans envergure révélés par myspace ces dernières années.
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(obtenir l'album de VIOL : ernesto.violin@yahoo.fr)
 
 
…et l’anthropologie ne se porte pas mal non plus !
 
Ce qui devait arrivé est arrivé : moi aussi j’ai fini par être contacté par l’anthropologue étudiant les comportements des lecteurs du net. J’ai attendu longtemps, c’en était presque frustrant à la longue ! Un peu plus et je la contactais moi-même. Car on m’en avait parlé peu de temps avant (évidemment... on est quand même dans la blogosphère) et j’en étais presque venu à fantasmer sur cette rencontre (je vous ai dit que je maniais avec délectation l'hyperbole ?). Enfin ça... c’était au début. Jusqu’à ce que Bérénice Waty me contacte et que je m’aperçoive, à la fois honoré et un peu dépité, que c’était une vraie anthropologue sérieuse et que je n’aurais le droit ni de lui faire des blagues ni de la draguer.
 
Une semi-déception largement compensée par des recherches tout à fait intéressantes, ce qui je l’avoue ne m’a pas sauté aux yeux de prime abord. C’est que plusieurs facteurs entraient en jeu qui me firent (comme d'autres sondés, j’imagine) me demander si c’était du lard ou du cochon (ou pire : de l’universitaire) :
 
Petit A : comme tous les blogueurs, je suis extrêmement sollicité par des gens de l’extérieur (pour ne pas dire – beurk : des étrangers) ; et comme tous les blogueurs, si je devais répondre à tout le monde j’y passerais mes journées. Entre les éditeurs à la petite semaine voulant m’envoyer le catalogue des deux livres et demi bourrés de fautes de syntaxe qu’ils ont publiés ce trimestre... les organisateurs de happenings divers et variés confondant un blog avec un encart publicitaire, les écrivains auto-édités voulant me vendre leur dernier chef-d’œuvre en date… sans parler même parfois des écrivains pas édités qui veulent m’envoyer des manuscrits (sans doute, à force que nous nous citions mutuellement, m’ont-ils confondus avec Christian)… enfin bref, en général je lis ce type de sollicitation en diagonale et je fuis tout ce qui ressemble de près ou de loin à un questionnaire – encore plus ce qui me paraît une intrusion dans le domaine privé.
 
Petit B. : la dame est modeste – sans doute trop. Il ne suffit pas de dire « Bonjour je suis anthropologue » pour être pris au sérieux. A plus forte raison parce qu’il est envisageable (sinon certain) que parmi les gens ciblés par l’étude il y en ait qui ne savent pas trop ce que c’est vraiment que l’anthropologie. Comment leur en vouloir ? Anthropologie fait partie de ces mots qu’on entend très souvent à la télé mais que personne ne prend jamais la peine de nous expliquer – comme si ça tombait sous le sens qu’on savait tous de quoi il retournait. Ne fût-ce que pour cela, accepter de collaborer avec Bérénice Waty ne peut être qu’intéressant…
 
(mais oui, je l’avoue tout à fait : je ne suis pas un spécialiste de l’anthropologie moi-même, je ne serais même pas sûr de pouvoir différencier une étude sociologique d’une étude anthropologique – et j’ai même pas honte de le dire)
 
Tout ça pour dire que notre sympathique anthropologue (oui oui : on l’adopte, c’est notre anthropologue perso, c’est comme ça ; les zicos ont peut-être leur classement des blogueurs, mais les lettreux, eux, ils ont leur anthropologue – et toc)… est passée à un cheveu de la touche SPAM – rendons grâce à google (et à un emploi du temps dégagé ce jour-là) de m’avoir permis de constater que Bérénice Waty n’était pas tout à fait une inconnue et que, plus incroyable encore : elle exerçait un vrai métier. Sérieux. Je vais même vous dire : il est même possible (quoique pas certain) qu’elle soit payée pour lire nos réponses à ses questionnaires. Ça peut sembler choquant, mais ça, c'est parce qu’on a forcément du mal à se projeter et à essayer de voir ce qu’elle peut en faire une fois arrivée au stade de l’analyse. Mine de rien c’est un travail impressionnant (je parle dans l’absolu : je n’ai évidemment pas vu ce que donnait le travail de cette anthropologue précise) qui ne paie pas de mine… car autant l’avouer, rien ne ressemble plus à une étude de marché pour amazon qu’un questionnaire anthropologique adressé à la blogosphère. Ce qui fera la différence entre ces deux exercices au demeurant tout aussi fastidieux l’un que l’autre pour le sondé, c’est bien sûr la réponse. C’est à dire un peu moi, un peu vous, un peu nous (ouh ouh). Bah oui, quel con : ça tombe sous le sens ! se diront certains, sans néanmoins l’exprimer en commentaire, car le blogueur est poli et ne contredit que très rarement l’auteur de l’édito (ou alors en enfilant quatre paires de gants double épaisseur). Vraiment ?
 
Bref : vous imaginez sans peine mon enthousiasme à l’idée d’apporter une contribution, si maigre fut-elle, à une telle étude. L’existence même de ces recherches tant à souligner ce que je me fatigue à hurler dans le désert depuis des années, à savoir que le blogueur n’est pas, comme on le dit souvent par raccourci plus que par conviction profonde, un simple lecteur. Mais qu’à l’instar du critique littéraire, de l’étudiant, de l’universitaire ou de ma grand-mère… il a un profil de lecteur qui lui est propre, et qui reste encore à définir – les études sur les e-lecteurs (terme acceptable faute de mieux) restant pour l’heure relativement inédites. Non pas que je fantasme spécialement à l’idée d’être catégorisé… en revanche la blogosphère demeure à ce jour le seul microcosme que j’aie vu dans ma vie à ne jamais avoir été ni étudié, ni théorisé ni nuancé par quiconque. Si on posait bêtement les questions : Qu’est-ce que la blogosphère ? et Qu’est-ce qu’un lecteur du net ? , on aurait probablement une multitude de réponses aussi diverses qu’incomplètes. Qu’un œil extérieur souhaite étudier le phénomène de manière quasi-scientifique est non seulement logique… mais peut-être bien nécessaire. Ne serait-ce que parce que bon… je ne sais pas vous, mais moi, j’aimerais bien savoir ce que c’est. La blogosphère.
 
Par conséquent je vous invite instamment à répondre à Bérénice Waty si elle vous contacte et si vous avez le temps (car répondre sérieusement à un tel questionnaire prend un peu de temps). Sortir de son cadre, c’est toujours bon à prendre, surtout quand c’est en bonne compagnie. Et en échange (vu que c’est du bénévolat – un scandale) j’invite officiellement Bérénice Waty sur Le Golb une fois son travail achevé – afin de répondre à son tour aux questions des blogueurs. Échange de bons procédés qui :
 
- lui permettra, à elle, de mettre en abyme le principal moteur de la blogosphère (l’échange)
 
- nous permettra, à nous, de savoir enfin ce que c’est vraiment qu’une anthropologue.
 
 
Alf a Word Away
 
Comme 99 % des conneries mises en ligne sur ce blog, celle-ci a commencé dans un commentaire. Ainsi le vingt-sept février dernier, à dix-huit heures, avais-je cette phrase lourde de menace : La prochaine, tu me l’illustres. Je ne m’attendais pas du tout à ce que l’ami Alf dise Chiche, mais il l’a dit… et à présent plus moyen de reculer : à cause d’un sens un peu trop aigu de la répartie me voilà contraint et forcé de me farcir ses dessins moches dans mes articles. Autant vous dire que j’ai retenu la leçon et qu’à l’avenir je fermerai ma gueule.
 
Bon… plus sérieusement : nous avions conclu un accord clair, net et précis. Chaque édito étant réalisé (pour cause de rebondissements parfois trop vifs de l’actu) quelques instants seulement avant sa publication, nous avions convenu avec Alf que je lui ferai parvenir le lundi les trois (ou quatre) lignes directrices et qu’il broderait dessus (à défaut de pouvoir carrément broder sur le texte). Connaissant mon sérieux légendaire il va sans dire que je ne l’ai évidemment pas fait la semaine dernière, à ma décharge j’ai eu beau y penser très fort je voyais mal comment on aurait pu illustrer un exercice de littérature comparée (sauf à demander à mon camarade de dessiner des enfants morts – mais on admettra que c’eut été d’un goût presque aussi douteux que certain livre). Partie remise à la semaine suivante ? Bah…oui et non : un impondérable de santé m’ayant complètement déconnecté des exigences du blog entre temps, je n’ai repensé au dessin d’illustration qu’hier soir vers vingt-et-une heure…et encore : j’y ai pensé parce qu’Alf m’a envoyé un mail. Nettement plus rigoureux que moi quoique tout aussi mal foutu (il n’y a guère que nos bulletins de santé que nous avons réussis à synchroniser pour l’heure), l’ami m’a offert un dessin de chronique tout à fait excellent (CTRL + pour zoomer)…


…sauf que comme vous l’aurez remarqué il n’y a pas une seule fois le mot Sarkozy dans notre édito (ah merde… je viens de le mettre !). Mais bon : devant l’opiniâtreté de l’artiste, nous ne nous sommes pas découragés. Ainsi offrais-je à Alf quelques mots clés visant à l’aiguiller dans son dessin. Pas beaucoup cependant… parce que je n’en avais moi-même pas beaucoup dans le crâne. Et pourtant : cela n’a pas empêché la Nouvelle Star de cette rubrique de réussir haut la main un dessin certes un poil décalé mais néanmoins tout à fait excellent au regard du peu d’infos que je lui avais données préalablement  :

 
Un début d’expérience en duo qui, ma foi, me semble tout à fait encourageant. C’est donc dit : la semaine prochaine, on travaillera réellement le truc à deux, je ne glanderai pas et l’édito en sortira grandi !
 
Ainsi s’achève donc ce Golb this World!!! N°4 placé, vous l’aurez compris, sous le signe des autres. Pas d’inquiétude néanmoins : je ne vais pas encore passer la main à un autre rédacteur… du moins jusqu’à vendredi, puisque parole sera alors donnée à notre ami BBB. Dans le cadre du Crossover 2008. Qui entamé depuis moins d’une semaine m’a déjà réservé quelques surprises… pensez-donc : à force de vouloir mettre en parallèle littérature et musique certains (Choup et klak, pour ne pas les nommer) ont poussé le vice jusqu’à carrément évoquer deux œuvres à la fois. Or si une fois qu’on les a vus faire l’idée coule de source… j’avoue honteusement que je n’y avais pas du tout pensé ! Le concept était donc encore plus ouvert que je le croyais au départ…raison de plus pour participer (hein, jdm).
 
A bientôt !