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"At Folsom Prison était noir. At San Quentin est violent. Primitif, sauvage…"
Ainsi introduisais-je la chronique de Johnny Cash at San Quentin, second live mythique de L’Homme en Noir paru un an après Folsom Prison. Je n’en enlève évidemment pas un mot. Mieux : je persiste et signe.
Car la noirceur ne se mesure pas nécessairement aux tempos ni aux trémolos. La noirceur est quelque chose de bien plus viscéral, de bien moins linéaire. At Folsom Prison est dans l'ensemble un disque plutôt énergique, mais il n’a rien de jovial. Je reconnais que quelqu’un ne connaissant pas trop la country ne s’en rendrait pas forcément compte au premier coup d'oreille ; c’est néanmoins un fait : rien sur ce disque (jusqu’à l’endroit où il a été enregistré) n’est aimable. Les chansons (comptant pour la plupart parmi le meilleur du meilleur de Johnny Cash) sont un concentré de souffrance, de désespoir ou de colère. « Folsom Prison Blues » en tête, bien sûr. Mais « I Still Miss Someone » aussi. Idem pour l’infernale « Orange Blossom Special » - meilleur morceau du Cash des années 50 / 60.
Cocaïné jusqu’aux ongles des orteilles, Cash se livre à une prestation étrange, un peu branlante par moment (« Send a Picture of Mother » le voit vaciller dangereusement) mais incroyable d’intensité. Si l’on a souvent tendance à réduire ce live à son titre (quasi) éponyme, son vrai climax a lieu vers la fin, lorsque, la voix presque brisée, Johnny Cash est rejoint par son épouse pour un mémorable « Give My Love to Rose » avant d’entonner « I Got Stripes » - jetant ses (s)tripes en pâture à une foule en délire. Impressionnant de passion, d’abandon… de culot – aussi. On ergote sans fin depuis 1968 sur l’incroyable folie du type entonnant « Folsom Prison Blues » devant une assemblée délirante de prisonniers de ce même pénitencier. Mais le coup de maître n’est-il pas plutôt ici de remporter l’adhésion du public avec « 25 Minutes to Go », titre bondissant et méconnu racontant sur le mode burlesque… les dernières minutes d’un condamné à mort ? Et loin de trembler le public acclame, jubile, se marre. Parce que Johnny Cash est là, sur scène, et qu’il est comme chacun d’entre eux. Ni star ni légende, juste une ex-petite frappe reconvertie en chanteur et venue communier avec des pairs moins chanceux que lui. Le silence de mort entourant le très glauque « Cocaïne Blues »… l’atmosphère quasi religieuse cloturant le concert sur un tire alors inconnu – « Greystone Chappel »… la pureté de l’enregistrement renforce cette impression que Cash et Folsom sont seuls au monde et, mieux encore : qu'ils étaient faits pour se rencontrer.
Sans doute ceci traduit-il le véritable talent de la paire Marshall Grant (basse) / Luther Perkins (guitare) : être tellement bons qu’ils parviennent à se faire totalement oublier. A laisser leur leader dans la lumière – ou le cas échéant : dans l’ombre et dans les ténèbres. Reprenant des chansons désespérées et rageuses et donnant sans compter à un public le valant tout autant qu'un autre. Evidence : At Folsom Prison est un disque mélancolique au sens premier du terme – celui de cette bile noire que Cash éructe cinquante-cinq minutes durant. Le genre d'œuvre si puissante qu'on pourrait en parler pendant des heures... mais pour laquelle on choisira (une fois n'est pas coutume !) la concision.
"At Folsom Prison était noir. At San Quentin est violent. Primitif, sauvage…"
Ainsi introduisais-je la chronique de Johnny Cash at San Quentin, second live mythique de L’Homme en Noir paru un an après Folsom Prison. Je n’en enlève évidemment pas un mot. Mieux : je persiste et signe.
Car la noirceur ne se mesure pas nécessairement aux tempos ni aux trémolos. La noirceur est quelque chose de bien plus viscéral, de bien moins linéaire. At Folsom Prison est dans l'ensemble un disque plutôt énergique, mais il n’a rien de jovial. Je reconnais que quelqu’un ne connaissant pas trop la country ne s’en rendrait pas forcément compte au premier coup d'oreille ; c’est néanmoins un fait : rien sur ce disque (jusqu’à l’endroit où il a été enregistré) n’est aimable. Les chansons (comptant pour la plupart parmi le meilleur du meilleur de Johnny Cash) sont un concentré de souffrance, de désespoir ou de colère. « Folsom Prison Blues » en tête, bien sûr. Mais « I Still Miss Someone » aussi. Idem pour l’infernale « Orange Blossom Special » - meilleur morceau du Cash des années 50 / 60.
Cocaïné jusqu’aux ongles des orteilles, Cash se livre à une prestation étrange, un peu branlante par moment (« Send a Picture of Mother » le voit vaciller dangereusement) mais incroyable d’intensité. Si l’on a souvent tendance à réduire ce live à son titre (quasi) éponyme, son vrai climax a lieu vers la fin, lorsque, la voix presque brisée, Johnny Cash est rejoint par son épouse pour un mémorable « Give My Love to Rose » avant d’entonner « I Got Stripes » - jetant ses (s)tripes en pâture à une foule en délire. Impressionnant de passion, d’abandon… de culot – aussi. On ergote sans fin depuis 1968 sur l’incroyable folie du type entonnant « Folsom Prison Blues » devant une assemblée délirante de prisonniers de ce même pénitencier. Mais le coup de maître n’est-il pas plutôt ici de remporter l’adhésion du public avec « 25 Minutes to Go », titre bondissant et méconnu racontant sur le mode burlesque… les dernières minutes d’un condamné à mort ? Et loin de trembler le public acclame, jubile, se marre. Parce que Johnny Cash est là, sur scène, et qu’il est comme chacun d’entre eux. Ni star ni légende, juste une ex-petite frappe reconvertie en chanteur et venue communier avec des pairs moins chanceux que lui. Le silence de mort entourant le très glauque « Cocaïne Blues »… l’atmosphère quasi religieuse cloturant le concert sur un tire alors inconnu – « Greystone Chappel »… la pureté de l’enregistrement renforce cette impression que Cash et Folsom sont seuls au monde et, mieux encore : qu'ils étaient faits pour se rencontrer.
Sans doute ceci traduit-il le véritable talent de la paire Marshall Grant (basse) / Luther Perkins (guitare) : être tellement bons qu’ils parviennent à se faire totalement oublier. A laisser leur leader dans la lumière – ou le cas échéant : dans l’ombre et dans les ténèbres. Reprenant des chansons désespérées et rageuses et donnant sans compter à un public le valant tout autant qu'un autre. Evidence : At Folsom Prison est un disque mélancolique au sens premier du terme – celui de cette bile noire que Cash éructe cinquante-cinq minutes durant. Le genre d'œuvre si puissante qu'on pourrait en parler pendant des heures... mais pour laquelle on choisira (une fois n'est pas coutume !) la concision.
Johnny Cash at Folson Prison (1968)