L'histoire est aussi difficile à raconter qu'elle coule de source lorsqu'on la suit : Florent et Paul sont frères, jumeaux mais faux (ç'a sa petite importance), pareils mais différents. Adultes déjà, quoique pas tout à fait finis, il se sont construits contre une histoire familiale impossible, par-delà les blessures de la guerre et les douleurs enfouies. C'est l'histoire de cette famille que raconte ce roman, véritable fresque en clair-obscur, œuvre romanesque considérable à la construction tout à la fois complexe et limpide. L'écriture est sobre, désincarnée parfois, si rêche qu'elle peine à remporter l'adhésion. Mais le parti pris fonctionne - puisqu'il sert remarquablement le propos. Le style factuel souligne délicatement les faits, suggère plutôt que d'imposer - quelque part entre le Philip Roth de The Facts et le Robbe-Grillet de « La Jalousie ».
On aurait tort, pourtant, de s'arrêter à cela : car ce roman étrange est mené de main de maître, conduisant lentement mais sûrement ses héros vers la lumière. Sous ses airs inabordables, Le Grand Jardin n'est finalement que cela : un roman d'apprentissage, une simple histoire d'hommes mise en scène avec une étonnante sophistication. Trop ? Peut-être. On aurait aimé par moment - surtout vers la fin - que l'écriture se libère pour laisser échapper l'émotion. Faute de mieux elle reste sous-tendue, planquée entre les lignes d'un Francis Dannemark qui semble bien loin de Qu'il pleuve.
Elle n'en est pas moins là.
👍 Le Grand Jardin
Francis Dannemark | Robert Laffont, 2007