David Bowie, qui n'a rien publié de neuf depuis cinq ans, continue de vider son fond de catalogue avec une régularité de métronome et une inventivité rarement prise en défaut dès lors qu'il s'agit de trouver des arguments de revente pour des albums déjà parus dans deux ou trois versions au fil des décennies. Ainsi depuis 2002 est-ce devenu un rendez-vous estival au même titre qu'Intervilles ou le Tour de France : chaque mois de juillet le Thin White Duke publie la 30th Anniversary Deluxe Edition d'un de ses classiques, et chaque mois d'août le fan l'achète pour l'écouter dans la voiture sur la route des vacances. La ficelle est grossière, mais comment résister à des versions digipacks gavées d'inédits d'un Ziggy Stardust ou d'un Young Americans ? Quand on aime...
Seulement voilà, en 2008, son plan de domination globale de l'univers de la réédition a souffert d'un accro pour le moins balot : impossible de publier une 30th Anniversary Deluxe Edition pour juillet, puisque Bowie n'a pas sorti d'album en 1978 (comme un con, il en avait sorti deux en 77 - à croire qu'il n'a jamais été aussi carriériste que le prétendent les mauvaises langues). Comble du manque de chance : cette pénurie tombe en pleine crise des subprimes, or chacun sait que le nom de Bowie est coté en bourse et que derrière il faut bien assurer. Alors que faire ?
Après un long brainstorming avec lui-même, le Duke a fini par trancher : juillet 2008 sera le mois de parution officielle de Live in Santa Monica, l'un des pirates les plus fameux de toute l'histoire du rock, qu'il se gardait de côté depuis trente-six ans au cas où un jour la vie serait moins rieuse. Une pierre pour deux coups si l'on considère que la version bootleg, certes de bonne qualité, n'a jamais disposé d'un mix décent - ce qui est aujourd'hui chose faite.
Rappeler le contexte n'aurait pas grand sens, car tout l'intérêt de cette prestation est justement de montrer les Spiders From Mars dans leur plus simple appareil, captés de manière spontanée en plein de milieu leur première tournée américaine. En théorie, l'exact opposé à Ziggy Stardust - The Motion Picture Soundtrack, enregistré l'année suivante et issu d'un show événementiel (le mythique concert d'adieu) avec guest-stars et groupies en larmes. Tout le paradoxe de la chose étant que justement... ces deux lives s'avèrent au final extrêmement similaires, à une poignée de détails près se résumant principalement à des morceaux « remplacés numériquement » (comme on dit au foot) : la reprise du Velvet n'est pas « White Light/White Heat » mais « Waiting for the Man », les extraits d'Aladdin Sane sont logiquement (il n'était pas encore sorti) réduits au seul « The Jean Genie » (qui lui ne figurait pas au répertoire de 73)... en somme les différences sont assez nombreuses pour que les deux disques ne soient pas redondants, mais pas assez fondamentales pour qu'ils acquièrent la complémentarité à laquelle ils aspirent (à plus forte raison parce que seule une oreille bowiologique extrêmement exercée parviendra à différencier le « Moonage Daydream » de 72 de son petit frère de 73).
Sans se lancer dans une chronique en creux de Ziggy Stardust - The Motion Picture Soundtrack (tout le monde aura de toute façon saisi qu'il a notre préférence... et l'avait bien avant cette réédition), la précision est d'importance car elle dit tout des limites de l'entreprise : si les meilleurs lives sont ceux résultant de prestations uniques, ça ne fonctionne que lorsqu'il se passe quelque chose de magique au cours desdites prestations. La bizzarerie de ce concert-ci étant précisément qu'il ne se passe rien d'exceptionnel et que c'est d'autant plus évident lorsqu'on connaît l'autre live officiel de Ziggy Stardust : si le concert de Santa Monica le 22 juillet 1972 était manifestement d'excellente facture, pas sûr qu'il ait été très différent de celui de New York le 26 ou de celui de Boston le 29. En résumé : ce n'est pas tant la qualité de l'enregistrement de 1973 qui fait de l'ombre à celui de 1972... mais tout simplement sa préexistence.
Pour le reste une fois l'image auditive de l'autre live oubliée, impossible de ne pas passer un excellent moment en compagnie des Spiders From Mars. On sera même forcé de reconnaître que Santa Monica atteint son objectif majeur : montrer un groupe frais et spontané, volontiers porté sur l'improvisation et jouant de manière libérée. Souvent pour le meilleur (le côté blues racaille revêtu pour l'occasion par « The Jean Genie », une version de « Rock'n'Roll Suicide » plus poignante que jamais, un « Queen Bitch » proto-punk simplement imparable), parfois pour le pire : on a beau être en période de Top Of The Flops Of The Pops Of The Blogs, était-il réellement nécessaire d'entendre le légendaire Mick Ronson se compromettre dans des pains odieux ou gâcher « Five Years » en assurant les chœurs les plus nuls de l'histoire du rock'n'roll... ? La question mérite d'être posée, mais bon... : cela donne un côté punk a un disque il est vrai on ne peut plus abrasif, et le jeune auditeur de mieux comprendre à l'écoute de « Hang on to Yourself » ou de « Sufragette City » pourquoi c'est en assistant à un concert de Bowie - et d'aucun autre - que les futurs Pistols décidèrent de monter un groupe...
Seulement voilà, en 2008, son plan de domination globale de l'univers de la réédition a souffert d'un accro pour le moins balot : impossible de publier une 30th Anniversary Deluxe Edition pour juillet, puisque Bowie n'a pas sorti d'album en 1978 (comme un con, il en avait sorti deux en 77 - à croire qu'il n'a jamais été aussi carriériste que le prétendent les mauvaises langues). Comble du manque de chance : cette pénurie tombe en pleine crise des subprimes, or chacun sait que le nom de Bowie est coté en bourse et que derrière il faut bien assurer. Alors que faire ?
Après un long brainstorming avec lui-même, le Duke a fini par trancher : juillet 2008 sera le mois de parution officielle de Live in Santa Monica, l'un des pirates les plus fameux de toute l'histoire du rock, qu'il se gardait de côté depuis trente-six ans au cas où un jour la vie serait moins rieuse. Une pierre pour deux coups si l'on considère que la version bootleg, certes de bonne qualité, n'a jamais disposé d'un mix décent - ce qui est aujourd'hui chose faite.
Rappeler le contexte n'aurait pas grand sens, car tout l'intérêt de cette prestation est justement de montrer les Spiders From Mars dans leur plus simple appareil, captés de manière spontanée en plein de milieu leur première tournée américaine. En théorie, l'exact opposé à Ziggy Stardust - The Motion Picture Soundtrack, enregistré l'année suivante et issu d'un show événementiel (le mythique concert d'adieu) avec guest-stars et groupies en larmes. Tout le paradoxe de la chose étant que justement... ces deux lives s'avèrent au final extrêmement similaires, à une poignée de détails près se résumant principalement à des morceaux « remplacés numériquement » (comme on dit au foot) : la reprise du Velvet n'est pas « White Light/White Heat » mais « Waiting for the Man », les extraits d'Aladdin Sane sont logiquement (il n'était pas encore sorti) réduits au seul « The Jean Genie » (qui lui ne figurait pas au répertoire de 73)... en somme les différences sont assez nombreuses pour que les deux disques ne soient pas redondants, mais pas assez fondamentales pour qu'ils acquièrent la complémentarité à laquelle ils aspirent (à plus forte raison parce que seule une oreille bowiologique extrêmement exercée parviendra à différencier le « Moonage Daydream » de 72 de son petit frère de 73).
Sans se lancer dans une chronique en creux de Ziggy Stardust - The Motion Picture Soundtrack (tout le monde aura de toute façon saisi qu'il a notre préférence... et l'avait bien avant cette réédition), la précision est d'importance car elle dit tout des limites de l'entreprise : si les meilleurs lives sont ceux résultant de prestations uniques, ça ne fonctionne que lorsqu'il se passe quelque chose de magique au cours desdites prestations. La bizzarerie de ce concert-ci étant précisément qu'il ne se passe rien d'exceptionnel et que c'est d'autant plus évident lorsqu'on connaît l'autre live officiel de Ziggy Stardust : si le concert de Santa Monica le 22 juillet 1972 était manifestement d'excellente facture, pas sûr qu'il ait été très différent de celui de New York le 26 ou de celui de Boston le 29. En résumé : ce n'est pas tant la qualité de l'enregistrement de 1973 qui fait de l'ombre à celui de 1972... mais tout simplement sa préexistence.
Pour le reste une fois l'image auditive de l'autre live oubliée, impossible de ne pas passer un excellent moment en compagnie des Spiders From Mars. On sera même forcé de reconnaître que Santa Monica atteint son objectif majeur : montrer un groupe frais et spontané, volontiers porté sur l'improvisation et jouant de manière libérée. Souvent pour le meilleur (le côté blues racaille revêtu pour l'occasion par « The Jean Genie », une version de « Rock'n'Roll Suicide » plus poignante que jamais, un « Queen Bitch » proto-punk simplement imparable), parfois pour le pire : on a beau être en période de Top Of The Flops Of The Pops Of The Blogs, était-il réellement nécessaire d'entendre le légendaire Mick Ronson se compromettre dans des pains odieux ou gâcher « Five Years » en assurant les chœurs les plus nuls de l'histoire du rock'n'roll... ? La question mérite d'être posée, mais bon... : cela donne un côté punk a un disque il est vrai on ne peut plus abrasif, et le jeune auditeur de mieux comprendre à l'écoute de « Hang on to Yourself » ou de « Sufragette City » pourquoi c'est en assistant à un concert de Bowie - et d'aucun autre - que les futurs Pistols décidèrent de monter un groupe...
👍👍 Live in Santa Monica '72
David Bowie | Golden Years, 2008