Ben Harper avant la chute ?
Difficile d'écouter aujourd'hui Burn to Shine sans éprouver une pointe d'amertume. Agréable quoiqu'en dents de scie, cet album a glissé au fil de nouvelles parutions de plus en plus médiocres du statut de dernier grand disque à celui de premier échec - sans qu'on puisse vraiment le regretter. C'est que l'objet, inégal à plus d'un titre, contient déjà en germe toutes les errances qui deviendront légions chez Harper à partir de 2003 (en fait une mauvaise langue dirait sans doute que dès le premier album tout ceci était en germe, que ce garçon n'a clairement pas assez souffert - mais bref). A l'image de « Forgiven », Burn to Shine est l'archétype de l'album séduisant à la première écoute et ennuyeux sur le long terme, un peu comme une femme charmante au moment de la rencontre et tout à fait insipide une fois fréquentée au quotidien. L'usure du couple, ah ça... voilà au moins un truc que Ben « Mr Happy » Harper n'a pas l'air de connaître.
Grand bien lui fasse, en attendant son Burn to Shine semble avoir été entièrement composé pour illustrer le terme déséquilibré : voici un de ces albums rares (mais pas nécessairement précieux) qui contiennent autant de moments de grâce que de ventres mous - voilà qui méritait bien un petit Rétro. Dans sa première moitié, c'est peut-être le meilleur album de Ben Harper. Dans sa seconde... on n'en sait trop rien : comme beaucoup de gens on a cessé d'écouter la seconde moitié depuis environ 2001. On préfère s'attarder sur l'ouverture, sur « Alone » puis « The Woman in You » - morceau soul époustouflant sur lequel Benny rivalise simultanément et avec Marvin et avec Robert (Plant). Sur ces climats feutrés qui montent de plus en plus en puissance (« Two Hands for a Prayer », le faussement heavy « Less ») jusqu'à l'explosion : « Please, Bleed », chef-d'œuvre de sourde colère (version du Live From MARS plus que conseillée).
La suite est à l'avenant, entre folk gospelisante mignonne préfigurant (quoiqu'on s'en serait bien passé) le Harper des années 2000 (« Beloved One », « In the Lord's Arms ») et country-rock efficace (quoique manquant un peu de nerf) à la manière du titre éponyme. Est-ce assez ? Difficile à dire : quand résonnent les dernières notes de l'album, on est encore tout plein de sa première moitié captivante. Disons qu'en 1999, ça semblait à la fois trop peu et bien assez ; en 2008, si Ben Harper livrait des disques à moitié aussi réussis (ou manqués) que celui-ci, on saurait bien s'en contenter.
👍 Burn to Shine
Ben Harper & The Innocent Criminals | Virgin, 1999