C'est la réédition de l'été - sinon carrément de l'année. Le cultissime album de Dennis Wilson, agrémenté de son successeur inachevé Bambu (1983) et d'une foultitude de délicieuses cochonneries inédites faisant de cette Legacy Collection une Ultimate Compilation qu'il serait injuste de ne pas avoir écouté au moins une fois pour l'histoire. D'autant qu'ironie du sort (mais qui sait si ce n'était pas voulu ?) elle paraît pile au moment où le grand frère Brian s'apprête à publier un énième album inutile 1, histoire d'être sûr et certain de vendre quelques exemplaires en ravivant l'une des querelles de clochets les plus stupides de toute l'histoire du rock : plutôt Brian ou plutôt Dennis ?
Car bien sûr ce qui devait arriver est arrivé : en manque d'idoles et de génies foudroyés, le monde du rock (rien avoir avec la communauté de l'ami SysTool), jusqu'alors largement ignorant de l'œuvre de Dennis, n'en finit plus de s'ébaubir devant Pacific Blue Ocean... et voici que déjà des cohortes de jeunes gens ne connaissant des Beach Boys que Pet Sounds et deux greatest hits viennent affirmer crânement que Dennis Wilson était meilleur que son frère. On sera tenté de répondre que Si tu veux mon grand, mais Brian a révolutionné la pop, Dennis non mais ce serait injuste, car à la vérité l'hypothèse se discute.
Le fait est qu'à vrai dire les compositions et la personnalité de l'ex-disciple de Charles Manson détonnaient tellement par rapport à celles de son légendaire grand frère que cela les rend très difficilement comparables. Amateur de surf music et de rock'n'roll débridé pourvu d'un timbre de bluesman agonisant, Dennis le batteur médiocre a fait ses armes en même temps que toute la tribu - c'est à dire lorsque le leader torturé s'est effondré dans une dépression qui ne prit fin que des années plus tard. Débutant n'hésitant pas à pomper sans vergogne Manson (on connaît la suite...), Dennis se fait les dents sur Friends et 20/20 et démontre un attrait singulier pour une musique bien plus rugueuse, torturée et sauvage que celle habituellement jouée par le groupe... attrait dont on ne trouvera en fait que peu de traces sur Pacific Ocean Blue, ce qui rend la réhabiliation actuelle un chouia caduque.
Pour autant cela n'enlève rien - et c'est heureux - à la qualité intrinsèque d'un album souvent poignant, principalement composé de ballades déchirantes (« Moonshine », « End of the Show ») dont certaines étonnamment avant-gardistes (on pense à l'hypnotique « Farewell, My Friends »). Romantique et contemplatif, Pacific Ocean Blue contient quelques perles du plus bel effet, infiniment supérieures (ce qui n'était pas bien difficile) à tout ce que Brian pouvait produire à la même époque avec ce qui restait des Beach Boys (les pathétiques 15 Big Ones et Love You en tête). C'est peu dire qu'on regrettera d'y trouver aussi un bon tiers de titres qui en dépit d'une remasterisation exceptionnelle n'ont pas su résister aux outrages du temps : très difficilement supportables, « Dreamer » ou « Pacific Ocean Blues » gâchent un album gorgé de soul et proprement sublime lorsque Wilson se contente de l'essentiel (son piano et sa voix)... étonnant comme les excités de la réhabilitation des derniers mois sont parvenus à occulter des titres (ou plutôt des arrangements) qu'ils n'auraient sans doute pas passés une seconde au grand frère (mais il est vrai qu'on est toujours plus indulgent avec le petit dernier) 2. La partie Bambu est encore plus endommagée par une production cauchemardesque, mais on lui pardonnera plus aisément vue son époque et son degré d'inachèvement, et au final on peine tout de même un peu à comprendre qu'il puisse jamais y avoir eu débat sur le vrai génie au sein des Beach Boys ; incontestablement doué (« Piano Variations on Thoughts of You » est une merveille), Dennis laisse derrière lui une production quantitativement trop faible (disons plutôt : pas assez brillante) et qualitativement trop visionnaire de choses dont on n'aimerait mieux ne pas se rappeler (foutues 80's)... pour qu'on ait réellement envie d'élucider la question. Au moins cette réédition d'un album inégal mais touchant en passe de devenir un classique largement surestimé a t'elle le mérite de souligner le principal point commun entre Brian et Dennis (et même Carl) : leur meilleur a été enregistré sous le nom des Beach Boys et en 1970 au plus tard ils avaient dit l'essentiel. C'est toujours ça de pris.
(1) Magnifique exemple de mauvaise foi vu que je ne l'ai en fait pas du tout entendu...
(2) En revanche aucun n'a oublié de préciser que Dennis Wilson était le seul vrai surfer du groupe - information infiniment plus essentielle on l'imagine...
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Car bien sûr ce qui devait arriver est arrivé : en manque d'idoles et de génies foudroyés, le monde du rock (rien avoir avec la communauté de l'ami SysTool), jusqu'alors largement ignorant de l'œuvre de Dennis, n'en finit plus de s'ébaubir devant Pacific Blue Ocean... et voici que déjà des cohortes de jeunes gens ne connaissant des Beach Boys que Pet Sounds et deux greatest hits viennent affirmer crânement que Dennis Wilson était meilleur que son frère. On sera tenté de répondre que Si tu veux mon grand, mais Brian a révolutionné la pop, Dennis non mais ce serait injuste, car à la vérité l'hypothèse se discute.
Le fait est qu'à vrai dire les compositions et la personnalité de l'ex-disciple de Charles Manson détonnaient tellement par rapport à celles de son légendaire grand frère que cela les rend très difficilement comparables. Amateur de surf music et de rock'n'roll débridé pourvu d'un timbre de bluesman agonisant, Dennis le batteur médiocre a fait ses armes en même temps que toute la tribu - c'est à dire lorsque le leader torturé s'est effondré dans une dépression qui ne prit fin que des années plus tard. Débutant n'hésitant pas à pomper sans vergogne Manson (on connaît la suite...), Dennis se fait les dents sur Friends et 20/20 et démontre un attrait singulier pour une musique bien plus rugueuse, torturée et sauvage que celle habituellement jouée par le groupe... attrait dont on ne trouvera en fait que peu de traces sur Pacific Ocean Blue, ce qui rend la réhabiliation actuelle un chouia caduque.
Pour autant cela n'enlève rien - et c'est heureux - à la qualité intrinsèque d'un album souvent poignant, principalement composé de ballades déchirantes (« Moonshine », « End of the Show ») dont certaines étonnamment avant-gardistes (on pense à l'hypnotique « Farewell, My Friends »). Romantique et contemplatif, Pacific Ocean Blue contient quelques perles du plus bel effet, infiniment supérieures (ce qui n'était pas bien difficile) à tout ce que Brian pouvait produire à la même époque avec ce qui restait des Beach Boys (les pathétiques 15 Big Ones et Love You en tête). C'est peu dire qu'on regrettera d'y trouver aussi un bon tiers de titres qui en dépit d'une remasterisation exceptionnelle n'ont pas su résister aux outrages du temps : très difficilement supportables, « Dreamer » ou « Pacific Ocean Blues » gâchent un album gorgé de soul et proprement sublime lorsque Wilson se contente de l'essentiel (son piano et sa voix)... étonnant comme les excités de la réhabilitation des derniers mois sont parvenus à occulter des titres (ou plutôt des arrangements) qu'ils n'auraient sans doute pas passés une seconde au grand frère (mais il est vrai qu'on est toujours plus indulgent avec le petit dernier) 2. La partie Bambu est encore plus endommagée par une production cauchemardesque, mais on lui pardonnera plus aisément vue son époque et son degré d'inachèvement, et au final on peine tout de même un peu à comprendre qu'il puisse jamais y avoir eu débat sur le vrai génie au sein des Beach Boys ; incontestablement doué (« Piano Variations on Thoughts of You » est une merveille), Dennis laisse derrière lui une production quantitativement trop faible (disons plutôt : pas assez brillante) et qualitativement trop visionnaire de choses dont on n'aimerait mieux ne pas se rappeler (foutues 80's)... pour qu'on ait réellement envie d'élucider la question. Au moins cette réédition d'un album inégal mais touchant en passe de devenir un classique largement surestimé a t'elle le mérite de souligner le principal point commun entre Brian et Dennis (et même Carl) : leur meilleur a été enregistré sous le nom des Beach Boys et en 1970 au plus tard ils avaient dit l'essentiel. C'est toujours ça de pris.
👍 Pacific Ocean Blue
Dennis Wilson | Caribou Records/CBS, 1977
(1) Magnifique exemple de mauvaise foi vu que je ne l'ai en fait pas du tout entendu...
(2) En revanche aucun n'a oublié de préciser que Dennis Wilson était le seul vrai surfer du groupe - information infiniment plus essentielle on l'imagine...
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