jeudi 21 août 2008

Michael Cox - Le Néo-victorien pour les nuls

...
Précédé d'un following exceptionnel (plus grosse enchère jamais enregistrée en Angleterre pour un premier roman, nomination au prestigieux Whitbread Book Award, critiques dithyrambiques) et réalisé par un éminent spécialiste de l'époque, pourvu d'un titre qui claque et d'une couverture qui en jette, ce premier roman néo-victorien TM a à peu près tout pour plaire aux amateurs d'un « genre » très populaire ces dernières années. Il a aussi tout, accessoirement, pour doucher leurs ardeurs - ce qui n'est pas forcément une mauvaise nouvelle : si les mauvais romans néo-victoriens débarquent, cela signifie que la mode s'essouffle, d'ici trois ans il sera grand temps de passer à autre chose.

Mais pourquoi me demanderez-vous ce livre serait-il susceptible de signer l'arrêt de mort de cet exercice de revisitation d'une époque fascinante, entamé il y a désormais une petite décennie par le magistral Tipping the Velvet de Sarah Waters ? Tout simplement parce qu'il n'est pas spécialement bon, mais aussi et surtout parce qu'il n'apporte strictement rien au schmilblick initial - à savoir la littérature victorienne elle-même. Rien dans la confession de l'insipide Edward Glyver qui n'ait été vu ailleurs, et trop peu de fraîcheur dans cet univers dickensien en diable pour qu'on puisse réellement adhérer. Quand tout le sel d'un Fingersmith, d'un Affinity ou d'un Arthur & George était de montrer un (des) versant(s) inédit(s) d'une époque à la fois sans cesse rebattue et paradoxalement terriblement méconnue, The Meaning of Night ne fait que remixer le décor d' Oliver Twist ou l'ambiance de The Chimes sans jamais y injecter un tant soit peu de fraîcheur - et ce n'est pas le côté vaguement thriller de l'ensemble qui sauvera les meubles. Au contraire : diluée dans cinq cents pages dont la moitié de bavardages, l'intrigue plus ou moins policière de l'ensemble le fait ressembler au mieux à un ersatz de Caleb Carr - au pire à une parodie grotesque de Wilkie Collins.

Tout ne commence pourtant pas si mal, avec l'assassinat d'un inconnu aux cheveux roux par le narrateur lui-même, dont les motivations (pour le moins obscures) se dévoilent au fur et à mesure de son récit. Les premières pages auraient plutôt tendance à tenir en haleine, certes le style est particulièrement terne mais on se dit qu'à défaut d'être face à un chef d'œuvre on est tombé sur une lecture agréable. Las ! La narration est si lourde et l'ambiance si poussiéreuse qu'on baille au bout de cents pages - au bout de deux cents on a hâte que ça se termine.

La suite est à l'avenant, l'intérêt du lecteur se réveillant par intermittence pour mieux se rendormir au prochain blablabla d'un narrateur dont la principale préoccupation semble être d'étaler la culture de l'auteur. Exemple typique de didactisme balourd (pléonasme) : ce n'est jamais inintéressant, mais c'est à peu près aussi excitant qu'une discussion avec un conservateur de musée neurasthénique. En somme on baille, on s'ennuie ferme, on insiste, on termine. Après quoi on passe à autre chose, et on oublie très vite. Bien entendu il est possible que quelque inconditionnel d'histoires victoriennes ou assimilées y trouve son compte. Ceci dit si tel est le cas, c'est qu'il n'a pas pigé grand chose à ce qui fait le charme de ce courant qu'il aime tant...


👎 The Meaning of Night [La Nuit de l'infamie, une confession]
Michael Cox | John Murray, 2006