C'est l'histoire d'un mec qui écrit un livre sur un mec qui en lit un, et on ne peut pas dire pour l'un comme pour l'autre que les choses se déroulent sans coup férir.
Ou comment Sidney Orr, écrivain sur le retour venant d'échapper de peu à la mort, se laisse littéralement hypnotiser par un étrange carnet bleu sur lequel il rédige au fil de la plume une histoire encore plus sinueuse que la sienne (ce qui n'est pas peu dire) : celle de Nick, éditeur new-yorkais ressemblant à s'y méprendre à son créateur, qui hérite du manuscrit inédit (Oracle Night) d'une auteure de renommée internationale (Sylvia Maxwell). Il n'a hélas pas trop le temps de profiter de ce scoop, puisque juste après avoir terminé sa lecture il... échappe de peu à la mort (c'est de saison). Et là, à peine remis, voilà qu'il décide subitement de tout plaquer...
Que se passe t'il avec Nick et quel est le secret d'Oracle Night ? Et surtout, quel lien peut bien l'unir à Sidney ? Telles sont les questions qui tiendront en haleine le lecteur au terme d'un texte plus palpitant que le meilleur des polars. Deus ex machina aussi plein de malice que de mélancolie, Paul Auster se tapit dans l'ombre et tire les ficelles : non, ceci n'est pas un de ses livres - c'est un livre de Sidney Orr. Promis juré. Qui n'est pas que le narrateur de son aventure, mais aussi l'auteur du journal de sa création et le propre deus ex machina veillant sur Nick - à ceci près qu'il semble totalement incapable de comprendre le pourquoi du comment de ce qu'il écrit. Le contrôle de sa plume lui échappe, il multiplie les renvois de bas de pages, les histoires se confondent et la fiction percute de plein fouet une réalité - celle de Sidney - qui pour nous n'est évidemment ni plus ni moins fictive que l'univers dans lequel évolue Nick.
On pouvait s'y attendre : le résultat est on ne peut plus vertigineux, mais la maîtrise de l'auteur (le vrai, Auster... enfin : cela vaut aussi pour Sidney en fait...) est telle que le lecteur parvient à ne jamais être complètement perdu dans le labyrinthe. Comme tout grand écrivain qui se respecte, Auster s'y entend mieux qu'aucun autre pour simplifier ce que d'autres ont fait avant lui et apporter une sensibilité unique en son genre à des plans vieux comme la littérature. Partant du même point de départ que Nancy Huston dans Instrument des ténèbres, il livre une œuvre bien plus aboutie et infiniment plus lisible pour un lecteur non-averti (son style est autrement plus limpide). Idem pour la technique des renvois rédigés non par le traducteur ou l'auteur mais par le narrateur, empruntés au Somoza de La Caverne des idées - les lourdeurs et le systématisme en moins.
Le résultat est un ouvrage tout à fait singulier, tout en atmosphères (mystérieuses, forcément mystérieuses) et à la séduction quasiment imparable. C'est qu'il y en a, des histoires d'écrivains qui écrivent, des histoires de manuscrits mystérieux... du point de vue du fond comme de la forme Auster ne propose rien de révolutionnaire... mais Auster est plus qu'un écrivain : un magicien, capable de captiver avec trois bouts de ficelles (Cf. City of Glass) et dont la plongée dans les méandres (le marasme !) de la création ne pouvait être que fascinante. Ecriture d'une incroyable finesse, onirisme, univers foisonnant... tous les ingrédients d'un excellent Auster sont réunis ici. Manque juste la chaleur humaine, le côté poignant qui faisait de The Book of Illusions un chef-d'œuvre absolu... mais face à un roman du niveau d' Oracle Night une telle remarque frôle de très près le coupage de cheveux en quatre...
Ou comment Sidney Orr, écrivain sur le retour venant d'échapper de peu à la mort, se laisse littéralement hypnotiser par un étrange carnet bleu sur lequel il rédige au fil de la plume une histoire encore plus sinueuse que la sienne (ce qui n'est pas peu dire) : celle de Nick, éditeur new-yorkais ressemblant à s'y méprendre à son créateur, qui hérite du manuscrit inédit (Oracle Night) d'une auteure de renommée internationale (Sylvia Maxwell). Il n'a hélas pas trop le temps de profiter de ce scoop, puisque juste après avoir terminé sa lecture il... échappe de peu à la mort (c'est de saison). Et là, à peine remis, voilà qu'il décide subitement de tout plaquer...
Que se passe t'il avec Nick et quel est le secret d'Oracle Night ? Et surtout, quel lien peut bien l'unir à Sidney ? Telles sont les questions qui tiendront en haleine le lecteur au terme d'un texte plus palpitant que le meilleur des polars. Deus ex machina aussi plein de malice que de mélancolie, Paul Auster se tapit dans l'ombre et tire les ficelles : non, ceci n'est pas un de ses livres - c'est un livre de Sidney Orr. Promis juré. Qui n'est pas que le narrateur de son aventure, mais aussi l'auteur du journal de sa création et le propre deus ex machina veillant sur Nick - à ceci près qu'il semble totalement incapable de comprendre le pourquoi du comment de ce qu'il écrit. Le contrôle de sa plume lui échappe, il multiplie les renvois de bas de pages, les histoires se confondent et la fiction percute de plein fouet une réalité - celle de Sidney - qui pour nous n'est évidemment ni plus ni moins fictive que l'univers dans lequel évolue Nick.
On pouvait s'y attendre : le résultat est on ne peut plus vertigineux, mais la maîtrise de l'auteur (le vrai, Auster... enfin : cela vaut aussi pour Sidney en fait...) est telle que le lecteur parvient à ne jamais être complètement perdu dans le labyrinthe. Comme tout grand écrivain qui se respecte, Auster s'y entend mieux qu'aucun autre pour simplifier ce que d'autres ont fait avant lui et apporter une sensibilité unique en son genre à des plans vieux comme la littérature. Partant du même point de départ que Nancy Huston dans Instrument des ténèbres, il livre une œuvre bien plus aboutie et infiniment plus lisible pour un lecteur non-averti (son style est autrement plus limpide). Idem pour la technique des renvois rédigés non par le traducteur ou l'auteur mais par le narrateur, empruntés au Somoza de La Caverne des idées - les lourdeurs et le systématisme en moins.
Le résultat est un ouvrage tout à fait singulier, tout en atmosphères (mystérieuses, forcément mystérieuses) et à la séduction quasiment imparable. C'est qu'il y en a, des histoires d'écrivains qui écrivent, des histoires de manuscrits mystérieux... du point de vue du fond comme de la forme Auster ne propose rien de révolutionnaire... mais Auster est plus qu'un écrivain : un magicien, capable de captiver avec trois bouts de ficelles (Cf. City of Glass) et dont la plongée dans les méandres (le marasme !) de la création ne pouvait être que fascinante. Ecriture d'une incroyable finesse, onirisme, univers foisonnant... tous les ingrédients d'un excellent Auster sont réunis ici. Manque juste la chaleur humaine, le côté poignant qui faisait de The Book of Illusions un chef-d'œuvre absolu... mais face à un roman du niveau d' Oracle Night une telle remarque frôle de très près le coupage de cheveux en quatre...
👍👍 Oracle Night
Paul Auster | Henry Holt, 2003