La chronique à chaud (août 1998) :
Life Won't Wait, c'est la suite très attendue à ... And Out Come the Wolves, un des meilleurs albums de punk des dernières années. Trois ans d'attente, pour un résultat étonnant, qu'on pourrait même qualifier d' « expérimental » : le groupe de Tim Armstrong a décidé de poursuivre dans le style ska / punk inauguré en 1995, ce qui donne quelques morceaux assez dansants (« Life Won't Wait », « Crane Fist »), ou même carrément reggae !
A d'autres moments comme « Lady Liberty », Rancid sonne plus Clash que jamais, ce qui donne une impression d'incohérence pas très agréable. Mais si tout n'est pas parfait sur Life Won't Wait, certaines chansons sont excellentes. C'est le cas de « Bloodclot », qui ouvre l'album très fort, ou de « Something in the World Today » (avec Roger Miret, d'Agnostic Front). Un très bon album, même si Rancid peut mieux faire.
Dix ans plus tard, sur Le Golb :
... And Out Come the Wolves, Le London Calling des années quatre-vingt dix...
... on ne va pas revenir là-dessus mais tout de même, on peut se poser quelques questions quant à la réaction de l'auteur de cette imbécile assertion à l'écoute de Life Won't Wait. A t'il jubilé ? S'est-il frotté les mains ? Ou plus encore... ? A coup sûr il a dû prendre du plaisir durant cet été 1998, lorsqu'il a découvert que Rancid avait suivi ses conseils et donc fort logiquement publié son Sandinista !. Faut-il pour autant l'en féliciter ? Royalement ignoré par la critique à sa sortie alors même que son prédécesseur était unaniment considéré comme un des disque les plus importants des dernières années, destiné à devenir un bide monumental, Life Won't Wait faillit bien coûter leur carrière à ses auteurs coupables de tous les chefs d'accusation - clones clashesques sans intérêt pour les vieux et traîtres à la patrie hardcore pour les jeunes. On l'a certes écouté quelques fois depuis dix ans, mais force est de reconnaître qu'hormis deux titres fulgurants (« Bloodclot » et « Black Lung ») on a assez vite oublié un disque alors qualifié de longuet voire même de convenu - la honte pour une œuvre se voulant ambitieuse. Oh bien sûr dès alors Joe Strummer, égal à lui-même, déclarait qu'il s'agissait d'un des meilleurs albums du moment... mais en 1998, entre nous, personne n'avait rien à carrer de ce que pouvait bien penser Action Joe. Ca faisait presque dix ans qu'il n'avait plus rien enregistré et à part justement Rancid, qui s'apprêtait à le signer sur son propre label pour contre toute attente le remettre en scelle, la grande majorité des gens le regardait avec le respect amusé qu'on accorde à Papi animant chaque repas de famille des trois mêmes anecdotes sur le Vietnam.
Alors presque tout le monde est passé à côté de Life Won't Wait , et à part ses auteurs personne ne s'en est plaint.
Dix ans plus tard pas grand chose n'a changé et Life Won't Wait est resté le moins bon disque de Rancid (sans compter le premier - Rancid sans Lars Frederiksen ce n'est pas vraiment Rancid). Il est toujours trop long (mais quand même moins que Sandinista !), part toujours dans tous les sens (mais quand même moins que...) et ne contient toujours que peu de mélodies mémorables. Le seul truc fondamentalement différent en 2008 c'est que désormais, Life Won't Wait est objet de culte chez certains snobs du punk désireux d'en faire un genre de chef-d'œuvre oublié, celui où Tim Armstrong met ses tripes sur la table et avoue son amour pour le reggae, la pop, le jazz et / ou le ska. Et force est d'admettre qu'il y a du vrai là-dedans : Life Won't Wait n'est pas un chef-d'œuvre mais c'est un disque courageux, un disque qui a autant de tripes que de classe, de ceux qui changent rarement la face du monde (ni de la musique ni de l'auditeur) mais qui font incontestablement les grands groupes. Ceux qui savent se perdre et souffrir, qui acceptent de prendre les mauvais chemins pour revenir au sommet. Histoire d'hommes au moins autant que de musique, la biographie de Rancid est jalonnée de ce genre de chaot, de chute, de rebond. L'arrivée de Lars Frederiksen (presque par hasard... et qui métamorphose un combo stakepunk parmi d'autres en groupe majeur des années quatre-vingt-dix), les émeutes de L.A. sous ses fenêtres (qui l'amènent à radicaliser le propos jusqu'à publier le brûlot ... And Out Come the Wolves), le divorce d' Armstrong un mois après la mort de Strummer un mois après la mort du frère de Federiksen (qui transforment un album bourrin en une œuvre poignante et... Indestructible)...
... accouché dans la douleur (et la chaleur !) à Kingston, Life Won't Wait est un album étonnant en cela qu'on jurerait par moment que cette douleur est palpable, ici dans ces mélodies retorses, là dans ces rythmiques brisées... ainsi que bien sûr dans la voix de Tim Armstrong, plus rapeuse et abîmée que jamais. On devine un nombre de prises défiant l'entendement, des engueulades quant à la direction musicale (dans le doute, le groupe décide de suivre toutes les directions à la fois), trop de monde dans le studio (plus d'une vingtaine de musiciens additionnels !)... pas besoin de lire une biographie pour deviner que Life Won't Wait a failli avoir raison de la belle unité au sein du quatuor - suffit de regarder son successeur : paru deux ans plus tard, RANCID en est l'inverse absolu, album simple, rageur, épuré. Le trip jamaïcain a tourné court et Rancid a retrouvéla rage et la fougue d'antan. Du voyage au soleil ne reste qu'un album bizarre et poisseux, plus en ambiances qu'en chansons, montrant un groupe encore jeune tentant de survivre au monstrueux succès de son disque de 1995. Quelque part, c'était sans doute bien plus facile d'enregistrer ... And Out Come the Wolves : il suffisait d'arriver dans le studio et d'envoyer la purée sans se préoccuper du reste. Le premier chef-d'œuvre, chez un groupe, vient toujours d'une manière presque spontanée. C'est seulement lorsqu'il parvient à survivre à ce chef-d'œuvre que le groupe a prouvé qu'il compte parmi les plus grands.
De « Lady Liberty » en « Cokctails », c'est ce que vient rappeler Life Won't Wait. Ce disque tout à la fois mineur et capital dans la discographie d'un des plus grands groupes du monde...
Life Won't Wait, c'est la suite très attendue à ... And Out Come the Wolves, un des meilleurs albums de punk des dernières années. Trois ans d'attente, pour un résultat étonnant, qu'on pourrait même qualifier d' « expérimental » : le groupe de Tim Armstrong a décidé de poursuivre dans le style ska / punk inauguré en 1995, ce qui donne quelques morceaux assez dansants (« Life Won't Wait », « Crane Fist »), ou même carrément reggae !
A d'autres moments comme « Lady Liberty », Rancid sonne plus Clash que jamais, ce qui donne une impression d'incohérence pas très agréable. Mais si tout n'est pas parfait sur Life Won't Wait, certaines chansons sont excellentes. C'est le cas de « Bloodclot », qui ouvre l'album très fort, ou de « Something in the World Today » (avec Roger Miret, d'Agnostic Front). Un très bon album, même si Rancid peut mieux faire.
Dix ans plus tard, sur Le Golb :
... And Out Come the Wolves, Le London Calling des années quatre-vingt dix...
... on ne va pas revenir là-dessus mais tout de même, on peut se poser quelques questions quant à la réaction de l'auteur de cette imbécile assertion à l'écoute de Life Won't Wait. A t'il jubilé ? S'est-il frotté les mains ? Ou plus encore... ? A coup sûr il a dû prendre du plaisir durant cet été 1998, lorsqu'il a découvert que Rancid avait suivi ses conseils et donc fort logiquement publié son Sandinista !. Faut-il pour autant l'en féliciter ? Royalement ignoré par la critique à sa sortie alors même que son prédécesseur était unaniment considéré comme un des disque les plus importants des dernières années, destiné à devenir un bide monumental, Life Won't Wait faillit bien coûter leur carrière à ses auteurs coupables de tous les chefs d'accusation - clones clashesques sans intérêt pour les vieux et traîtres à la patrie hardcore pour les jeunes. On l'a certes écouté quelques fois depuis dix ans, mais force est de reconnaître qu'hormis deux titres fulgurants (« Bloodclot » et « Black Lung ») on a assez vite oublié un disque alors qualifié de longuet voire même de convenu - la honte pour une œuvre se voulant ambitieuse. Oh bien sûr dès alors Joe Strummer, égal à lui-même, déclarait qu'il s'agissait d'un des meilleurs albums du moment... mais en 1998, entre nous, personne n'avait rien à carrer de ce que pouvait bien penser Action Joe. Ca faisait presque dix ans qu'il n'avait plus rien enregistré et à part justement Rancid, qui s'apprêtait à le signer sur son propre label pour contre toute attente le remettre en scelle, la grande majorité des gens le regardait avec le respect amusé qu'on accorde à Papi animant chaque repas de famille des trois mêmes anecdotes sur le Vietnam.
Alors presque tout le monde est passé à côté de Life Won't Wait , et à part ses auteurs personne ne s'en est plaint.
Dix ans plus tard pas grand chose n'a changé et Life Won't Wait est resté le moins bon disque de Rancid (sans compter le premier - Rancid sans Lars Frederiksen ce n'est pas vraiment Rancid). Il est toujours trop long (mais quand même moins que Sandinista !), part toujours dans tous les sens (mais quand même moins que...) et ne contient toujours que peu de mélodies mémorables. Le seul truc fondamentalement différent en 2008 c'est que désormais, Life Won't Wait est objet de culte chez certains snobs du punk désireux d'en faire un genre de chef-d'œuvre oublié, celui où Tim Armstrong met ses tripes sur la table et avoue son amour pour le reggae, la pop, le jazz et / ou le ska. Et force est d'admettre qu'il y a du vrai là-dedans : Life Won't Wait n'est pas un chef-d'œuvre mais c'est un disque courageux, un disque qui a autant de tripes que de classe, de ceux qui changent rarement la face du monde (ni de la musique ni de l'auditeur) mais qui font incontestablement les grands groupes. Ceux qui savent se perdre et souffrir, qui acceptent de prendre les mauvais chemins pour revenir au sommet. Histoire d'hommes au moins autant que de musique, la biographie de Rancid est jalonnée de ce genre de chaot, de chute, de rebond. L'arrivée de Lars Frederiksen (presque par hasard... et qui métamorphose un combo stakepunk parmi d'autres en groupe majeur des années quatre-vingt-dix), les émeutes de L.A. sous ses fenêtres (qui l'amènent à radicaliser le propos jusqu'à publier le brûlot ... And Out Come the Wolves), le divorce d' Armstrong un mois après la mort de Strummer un mois après la mort du frère de Federiksen (qui transforment un album bourrin en une œuvre poignante et... Indestructible)...
... accouché dans la douleur (et la chaleur !) à Kingston, Life Won't Wait est un album étonnant en cela qu'on jurerait par moment que cette douleur est palpable, ici dans ces mélodies retorses, là dans ces rythmiques brisées... ainsi que bien sûr dans la voix de Tim Armstrong, plus rapeuse et abîmée que jamais. On devine un nombre de prises défiant l'entendement, des engueulades quant à la direction musicale (dans le doute, le groupe décide de suivre toutes les directions à la fois), trop de monde dans le studio (plus d'une vingtaine de musiciens additionnels !)... pas besoin de lire une biographie pour deviner que Life Won't Wait a failli avoir raison de la belle unité au sein du quatuor - suffit de regarder son successeur : paru deux ans plus tard, RANCID en est l'inverse absolu, album simple, rageur, épuré. Le trip jamaïcain a tourné court et Rancid a retrouvéla rage et la fougue d'antan. Du voyage au soleil ne reste qu'un album bizarre et poisseux, plus en ambiances qu'en chansons, montrant un groupe encore jeune tentant de survivre au monstrueux succès de son disque de 1995. Quelque part, c'était sans doute bien plus facile d'enregistrer ... And Out Come the Wolves : il suffisait d'arriver dans le studio et d'envoyer la purée sans se préoccuper du reste. Le premier chef-d'œuvre, chez un groupe, vient toujours d'une manière presque spontanée. C'est seulement lorsqu'il parvient à survivre à ce chef-d'œuvre que le groupe a prouvé qu'il compte parmi les plus grands.
De « Lady Liberty » en « Cokctails », c'est ce que vient rappeler Life Won't Wait. Ce disque tout à la fois mineur et capital dans la discographie d'un des plus grands groupes du monde...
👍 Life Won't Wait
Rancid | Epitaph, 1998