James Flint - Cyber-caustique

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Franchement : il y en a qui ne manquent pas de vice.

La première chose qu'on a envie de faire une fois refermé un livre du calibre de The Book of Ash , c'est bien évidemment se jeter sur les autres ouvrages de l'auteur. On jette un coup d'œil rapide, a priori ça semble simple : il n'en en a publié que trois autres, deux romans (Habitus en 1998 et 52 Way to Magic America en 2002), et un recueil de nouvelle (Soft Apocalypse, en 2003). Certes il n'est pas super connu, mais a priori ça devrait se trouver sans grande difficulté, The Book of Ash on l'a lu en Penguin, c'est quand même pas un petit éditeur underground...

... là, vous l'ignorez encore, mais vous venez de mettre le doigt dans un engrenage terrible qui va vous prendre presqu'une année entière - ça vous apprendra à vouloir faire le malin et à ne chercher les bouquin qu'en V.O. En effet très rapidement vous allez vous rendre compte que non seulement trouver ces trois pauvres bouquins relève du parcours du combattant mais qu'en plus, Soft Apocalypse a tout l'air de ne pas exister - vous ne parviendrez même pas à trouver une photo de sa couverture. Et pour cause ! Il n'est jamais sorti ailleurs qu'en France, chez nos amis du Diable Vauvert (je dis nos amis pour la forme et parce que des gens publiant James Flint ne peuvent être foncièrement mauvais, à vrai dire je ne les connais pas personnellement). Comment expliquer que son titre figure sur toutes les bibliographies anglaises ? On ne sait pas. Sans doute que ça faisait plus joli, toujours est-il que le seul endroit où on a le bon sens de vous prévenir que Soft Apocalypse n'existe qu'en version française c'est le site officiel de James Flint... seulement là, surtout, n'allez pas croire que c'est aussi facile que ça à découvrir : quand vous tapez James Flint sur google son site apparaît en page six, page qu'a priori vous n'atteindrez jamais à moins de savoir préalablement que ledit site existe.

Finalement vous parvenez donc à vous procurer un exemplaire de Soft Apocalyspe qui entre temps est devenu Douce Apocalyspe, ce pour une économie proche du néant puisqu'il coûte dix-neuf euros pour cent quatre-vingt six pages - soit donc plus cher que n'importe quel paperback que vous auriez acheté chez votre libraire briton préféré (les gens du Diable Vauvert ont beau être nos amis, tout de même, ils se mouchent pas du coude - ça fait quand même cher le logo). Heureusement que vous aimez beaucoup James Flint, que vous retrouvez d'ailleurs avec grand plaisir (même si bon, du coup, vous ne le retrouvez pas vraiment, le passage à la V.F. vous a un peu secoué sur les bords)... du moins l'espace de trois pages, car après ça bascule dans un genre de recueil SF totalement barré qui ne vous parle pas du tout - mais qu'est-il advenu du séduisant (il est très beau) jeune homme qui écrivait la jolie chronique qu'était The Book of Ash... ?

Bon, là, laissez-moi vous dire sauf votre respect que vous n'avez rien compris : s'il y a bien une chose qui n'est pas étonnante de la part James Flint, c'est de le voir s'adonner à un recueil évoquant furieusement un genre de Philip K. Dick burlesque (ou un Ballard pince-sans-rire... ce qui en fait revient au même). S'il manque à Douce Apocalypse la tendresse du roman encensé et sur Le Golb et sur Art-Rock (un sacré bouquin, donc), nul doute qu'il s'inscrit cependant dans la même lignée que nous qualifierons faute de mieux de post-Lucassienne. Flint, qu'on imagine très bien échafauder des théories sur l'assassinat de Kennedy par la CIA tout en buvant une tisane bio devant Star Wars : Episode III», s'adonne à une vision comico-paranoïaque du futur immédiat, invente des tests de personnalité fantasques, imagine que le clonage est devenu un business juteux, parodie la société de consommation avec autant de lucidité que de crutaué... et le moins qu'on puisse dire est que c'est particulièrement efficace !

Vous pouvez donc oublier le côté SF suggéré par la couverture, car à l'instar de The Book of Ash (et à l'instar de... Philip K. Dick) Douce Apocalypse s'inspire du genre sans jamais vraiment s'y inscrire, tourne autour, pioche dans l'anticipation autant que dans la satire classique à la Swift... bref ce recueil est incontestablement l'œuvre de James « Je suis un désaxé mais c'est pour ça que vous m'aimez » Flint puisqu'il est :

- hilarant

- cyber-caustique

- complètement inclassable

- singulier et tout à fait excellent

A noter que, détail qui ne gâte rien, Douce Apocalypse est impressionnant de cohérence pour un assemblage de textes dont la publication originale s'est échelonnée sur rien moins que huit longues années. Une rareté avec ce genre de compile habituellement typiquement anglais... mais bon : James Flint, au cas où vous ne l'auriez pas encore compris, est très précisément un auteur rare.

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James Flint | Au Diable Vauvert, 2003