samedi 6 septembre 2008

Pauline Guéna - Let's Call This "Pannonica"

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Il y a Bird et Coltrane, Monk évidemment et Billie Holiday qui n'est pas loin. Il y a les clubs et la dope, la Salle Pleyel, la musique et les vapeurs de tabac.

Allez comprendre pourquoi, Michel Jonasz n'a pas été invité.

A force de lire des romans lorgnant vers la musique sans jamais en effleurer l'essence, on se surprendrait presque à ne rien attendre de plus du second roman de Pauline Guéna qu'une lecture agréable, plaisante et dispensable. On aurait tort bien sûr - mais comment pourrait-il en être autrement après s'être fadé ici-même tant de lieux communs ou de méditations pseudos arty étalant leur culture avec autant de prétention que de didactisme ? On se gardera de conclure que la littérature jazz se porte mieux que la littérature rock, ça ne fera pas de Pannonica un livre moins beau, moins remarquable, moins exceptionnel... moins indispensable à tout amateur de musique digne de ce nom. Reconstituer ainsi un univers aussi abstrait que la musique de Thelonious Monk, captiver le lecteur au travers de trois époques parfaitement restituées, transcrire aussi parfaitement par le biais de l'écriture littéraire l'écriture jazz dissonnante et souvent chaotique d'un des plus grands stylistes de toute l'histoire de la musique du vingtième siècle... rien que tout cela justifierait qu'on crie au grand livre avant de puiser dans les tréfonds de son vocabulaire pour tenter (vainement, forcément vainement) d'y dénicher le superlatif adéquat. Si en plus l'on peut y trouver autre chose... là, on succombe.

Car dans Pannonica Pauline Guéna a l'idée (follement originale en matière de livres autour de la musique) de raconter... oui : de raconter une histoire. Même : des histoires. En s'attachant l'espace de trois parties à l'égale poésie à trois figures de femmes dissemblables et complémentaires, en s'intéressant aux destinées de gens ordinaires percutés par une rencontre musicale d'exception, l'auteure parvient à se jouer des pièges du didactisme et à rendre vivante une toile qui à force de complexité aurait aisément pu devenir un brin trop froide. Systématiquement peints en creux, Pannonica et Monk prennent corps sous nos yeux ébahis, transfigurés par le regard acéré de ceux qui les côtoyèrent. Rarement réussi en littérature, le mélange de réalité fascinante (quasi mythique, même) et de fiction poignante prend étonnamment bien - sans doute parce que là encore Guéna fait preuve d'une subtile élégance en évitant les poncifs et anecdotes éculés sur à propos de Monk ou de Parker. Aussi passionnée que documentée, elle nous tient en haleine, nous étonne, nous plonge dans un univers tout à la fois sordide et lumineux... et le miracle opère : rarement un livre autour de la musique aura si bien tenu le difficile équilibre entre le versant musical et le versant humain, les ambitions littéraires et l'envie de communiquer une passion. L'écriture est sublime, les personnages fictifs presqu'aussi charismatiques et fascinants que les figures historiques... du grand art.


👍👍👍 Pannonica 
Pauline Guéna | Robert Laffont, 2007