vendredi 19 septembre 2008

R.E.M. - Le Commencement de la fin ?

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La chronique à chaud (juin 2001) :

Le courage ne paie pas. R.E.M. en sait quelque chose : il y a trois ans, son très beau Up, malgré des critiques dithyrambiques, se vendit assez modestement. Au point que, pour la première fois depuis l'arrivée du groupe d'Athens dans l'écurie Warner, son label lui suggérait gentiment qu'en fait, c'était bien mignon de ne pas vouloir donner de concerts, mais quand même ce serait tout de même une bonne idée de faire une tournée, histoire de faire bouillir la marmite. Sommé d'aller au charbon, le groupe qui avait juré, depuis sa tournée catastrophique de 1995 (tout le monde avait été gravement malade, puis Bill Berry, le batteur, avait fini par faire une crise cardiaque), de ne plus jamais tourner, n'aura donc tenu en fait que quatre ans. Et semble, avec une ce nouvel album, suivre une pente dangereuse : celle d'un groupe dont on sent, pour la première fois depuis vingt ans, qu'il cherche vraiment à avoir du succès.

A la fois très proche (dans le son) et très différent (dans la couleur) d'Up, Reveal ressemble, en effet, plus à une collection de très bons singles qu'à un album cohérent. Dans une veine folk / pop qui rappelle son classique Out of Time (1991), le groupe aligne une belle série de hits en puissance : « Imitation of Life » (qui en est déjà un), « All the Way to Reno », « She Just Wants to Be », « I'll Take the Rain »... on imagine, sans mal, ces quatre-là caracoler sur les ondes.

Le cœur du disque, pourtant, évoque beaucoup plus la pop synthétique et aérienne d' Up : « Disappear » (morceau très « Radiohead des années 90), le mélancolique « Saturn Return », « Beat A Drum » (très proche d'un « At My Most Beautiful »)... c'est un peu de deux albums en un qu'il s'agit. La cohérence n'est donc pas toujours au rendez-vous, mais il faut reconnaître qu'on entendra sans doute pas beaucoup de pop-songs aussi excellentes qu' « Imitation of Life » cette année ! 1 Même si Reveal est globalement imparfait, il n'est pas insuffisant ; R.E.M. n'a rien perdu de son élégance ni de sa distinction, et, chose qui ne gâte rien, il a retrouvé la guitare de Peter Buck, plus majestueuse que jamais.


Sept ans plus tard, sur Le Golb :

Se souviendra-t-on à terme de Reveal comme de l'album du déclin pour un groupe qui, en dépit de nombreuses critiques sans doute plus dues à son succès qu'à la qualité de disques remarquables, était alors parvenu à traverser et les années quatre-vingt et les années quatre-vingt dix en n'ayant de cesse d'avancer, de progresser... jusqu'à publier en 1998, après seize ans de carrière, l'un de ses tous meilleurs albums : le tendre, le psychédélique, l'intimiste, le sublime, l'incontournable Up... ? Il n'y a guère que le toujours hilarant Bono (à moins qu'il s'agisse d'une manière vicieuse et habile de dynamiter ses rivaux de toujours... auquel cas le fadasse leader de U2 remonterait dans notre estime) pour considérer comme le meilleur album de R.E.M. un Reveal dont les insuffisances n'ont fait que se révéler à la lumière de ses deux successeurs : l'insipide Around the Sun et l'aussi sympa qu'anecdotique Accelerate.

En réécoutant Reveal (qu'on avait beaucoup aimé à l'époque) après des années à le laisser prendre la poussière sur les étagères quelques constats s'imposent d'emblée, à commencer par celui que peu de gens se sont autorisés à soulever : on a peut-être un peu sous-estimé l'impact provoqué par le départ du batteur Bill Berry en 1997 2. Parce que R.E.M. publia Up dans la foulée et sembla sur scène s'en accommoder, rares sont les amateurs à avoir noté un fait qui éclate au grand jour à partir de Reveal... : R.E.M. est devenu mou du genou. Après avoir incarné un temps une parfaite définition du terme power-pop (la paire Monster / New Adventures in Hi-Fi), R.E.M. exhibe sur Reveal plus de faiblesses que de points forts - c'est d'autant plus criant que ce dernier témoigne d'une volonté de revenir à une musique beaucoup plus organique que par le passé.

Résultat des courses : le douzième album de Michael Stipe et ses amis, pour n'en contenir pas moins des moments grandioses (« Disappear », « Imitation of Life ») souffre d'un incontestable déficit de nervosité le rendant un chouia monotone à l'usage. Toutes ces mid-tempo, tout de même... ! On adorerait une section rythmique réellement déchaînée sur certains passages, histoire de rendre « The Lifting » mordant ou de faire que « She Just Wants to Be » soit un peu plus qu'une compo folk-pop sympa.

Cela fait-il de Reveal un mauvais album pour autant ? Non, pas vraiment. Comme tous les albums de R.E.M. (à l'exception notable d'Around the Sun) il est pourvu d'une couleur propre, d'un son bien à lui, et contient son lot de très bonnes chansons. Le problème est plutôt que si lorsqu'on les isole ces titres sont presque tous agréables (tous sauf de « The Lifting » et « Chorus & The Ring », pour le moins médiocres) ils offrent une fois mis bout à bout une œuvre un peu répétitive, manquant plus souvent de rythme que de mélodies ou d'idées. Ce qui était en fait déjà le cas sur Up, dont la beauté et la complexité masquaient rétrospectivement les mêmes carences. Et ce qui est encore plus le cas, en 2008, sur le franchement mal nommé Accelerate...


👍 Reveal 
R.E.M. | Warner, 2001



1 Bien entendu personne ne pouvait deviner que les Strokes débarqueraient deux mois plus tard ou que Mercury Rev publierait cette année-là son chef-d'œuvre absolu...
2 « Beat A Drum » = un aveu inconscient ???


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