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Bon an mal an The Coral est en train de s’imposer comme l’un des groupes les plus influents des années 2000, si ce n’était pas évident sur la ligne de départ c’est aujourd’hui de plus en plus difficile à nier. Combien de fois le nom du groupe de James Skelly a-t-il surgi au détour d’un article de ce blog ? De mémoire on dira : un certain nombre. Au point qu’il devenait de plus en plus embarrassant de le citer régulièrement en parlant des autres sans toutefois prendre la peine de s’arrêter un instant pour parler de lui seul. Miracle de la hype ou hasard du calendrier on ne sait pas trop, mais figurez-vous que justement The Coral vient de publier un greatest hits pas piqué des vers, oh pas de quoi changer la face de l’univers on est d’accord… mais l’occasion, c’est bien connu, fait aussi souvent le laron que le blogueur.
Apparu fin 2002 noyé dans la masse du revival rock’n’roll américain, The Coral a eu la malchance d’être anglais et de publier son premier album la même année que de non pas un non pas deux… mais trois des disques rock les plus marquant d’une décennie qui n’en a pourtant pas compté beaucoup. Du coup, en dépit d’un buzz plutôt prometteur entourant ses premiers maxis, The Coral resta en marge dans l’esprit d’un public obnubilé par les Songs for the Deaf, Turn on the Bright Lights et autres Up the Bracket!… et il est vrai que cet opus éponyme, mélange savamment dosé de Byrds, de Love et de Captain Beefheart, était sans doute trop sous influence pour convaincre une presse rock à l’époque plus emballée par le revival garage punk que par le retour du rock psyché West Coast des années soixante. Un mal pour un bien ?
Sans doute. Car depuis lors, l’hyper-prolifique James Skelly a affiné son style, aiguisé ses mélodies, torturé sa guitare… pour finalement réussir là où la plupart des ses collègues revivalers ont échoué : il s’est imposé sur la durée, s’inscrivant au gré d’albums de plus en plus passionnants (citons notre favori, Nightfreaks & The Sons of Becker… mais à vrai dire les quatre derniers albums de The Coral comptent parmi ce que la pop anglaise a produit de plus grandiose ces dernières années) comme l’un des tous meilleurs songwriters de sa génération… ce dont le grand public s’est jusqu’alors toujours fichu éperdument. C’est tout le paradoxe de The Coral, et c’est ce qui rend ce greatest hits acceptable quand son existence semblerait chez d’autres absurde : le groupe le plus excitant parmi tous ceux actuellement en activité n’a quasiment aucun succès en dehors de ses frontières (à l’intérieur desquelles il s’en sort de mieux en mieux depuis qu’Alex Turner le cite à tout bout de champ mais reste loin derrière quasiment tous les grands noms de la scène anglaise actuelle). Franchement, il faudrait être fou pour se plaindre de la parution d’un tel disque, venant cimenter une crédibilité de plus en plus difficile à mettre en doute et jeter un éclairage grand public sur un groupe de cette valeur. Las : il est connu et même scientifiquement prouvé que le fan, par définition, n’apprécie pas trop que son artiste favori devienne connu, hype, branché… etc. Jusqu’alors culte (c’est à dire qu’il vendait assez pour vivre mais pas assez pour faire la couverture de Rock & Folk) The Coral est en passe de devenir un groupe connu, cette Singles Collection s’écoule plutôt bien, bientôt le fan verra sa petite sœur s’y coller… et gageons que ça ne s’arrangera pas : contrairement à tout un tas de groupes cultes, The Coral n’a franchement rien d’underground – bien au contraire sa musique est pop et jubilatoire. Intemporelle. Universelle. Elle a tout pour faire un carton. La caméra désormais bloquée sur ces jeunes gens il y a de grandes chances pour que leur prochain opus soit un grand succès et qu’on les accuse de virer mainstream, d’autant que le guitariste historique Bill Ryder-Jones vient de claquer la porte et que cette compilation commet le crime ultime : privilégier les titres les plus pop du groupe en laissant sur le carreau certaines de ses perles psycho-rock tordues (au hasard : "Music at Night").
Le fan ne devrait donc pas tarder à enrager… eh bien que le fan aille se faire voir ailleurs. Car la seule question qui vient en tête dès les premières notes de "Dreaming of You" c’est : « Est-il possible d’aimer la musique et de ne pas aimer cet objet ? » Concernant les albums studios du groupe ce n’était que sous la contrainte de quelque esprit chagrin qu’on acceptait de pencher vers le « oui » ; concernant cette double compile le « oui » est tout bonnement inimaginable. Quasiment incapable (son premier opus mis à part) de verser dans le juste bon, The Coral lorgne vers l’excellence de manière presque systématique, pop mais jamais lisse, rock mais toujours roll, rétro mais jamais passéiste… un peu de folk ("Jacqueline"), un zest de rockabilly ("Shadow Falls", "Secret Kiss"), une grosse louche de rock spatial façon Floyd feat. Barrett ("Who’s Gonna Find Me?"), des textes cryptés et des mélodies bien moins naïves qu’on pourrait le croire de prime abord – telle est la formule miracle dégottée par James Skelly et les siens. Bien fichue, cohérente et particulièrement pêchue cette Singles Collections a quelque chose d’enchanteur. Des mélodies radieuses et entêtantes ("In the Morning"), lorsqu’on n’est par carrément en face de véritables pépites rock-pop (rien que ça) : "Bill McCai", "Something Inside of Me"…
En somme non seulement cette compilation propose la meilleure porte d’entrée qui soit vers un orchestre tellement constant dans la qualité qu’on peinerait à en recommander un seul disque, mais encore frôle-t-elle de très près la perfection en terme de contenu. Et pensez-vous que le second CD gâcherait le tout en nous assommant avec des chutes de studio visant à apâter le fan récalcitrant ?… même pas ! Passées les deux inévitables démos (par ailleurs d’une qualité proprement stupéfiante quand on pense qu’à l’époque le groupe se composait d’ados) et une poignée de titres lives remarquables (dont un "Far from the Crowd" d’anthologie) voici que survient une collection d’inédits incroyables… et par « inédits » j’entends : des chansons, des vraies, complètement inédites et parfaitement arrangées, sorties de nulle part et s’élevant sans problème au niveau des meilleurs titres du groupe.
Dès lors peu importe qu’on connaisse déjà bien The Coral ou qu’on le découvre tout juste à cette occasion : la sublime "Michael’s Song" ou la délirante "Return Her to Me" mettront d’accord néophytes comme coralogues avertis – ce groupe est pourvu d’une classe rarissime de nos jours. Tellement qu’on s’épargnera pour une fois ces querelles d’épiciers n’intéressant que les cinquante vrais fans français de James Skelly, les « Il manque tel titre » et autres « J’aurais bien remplacé Truc par Bidule »… les choses sont simples et pourraient tenir en quelques mots : si vous vous intéressez vaguement à la pop anglo-saxonne et que vous vous considérez comme le commun des mortels n’achetant qu’un disque par mois (voire moins), c’est celui-ci qu’il vous faut ce mois-ci. Point barre. Et merci de ne pas perdre de temps à lire les commentaires : vous devriez déjà être chez votre disquaire favori.
Bon an mal an The Coral est en train de s’imposer comme l’un des groupes les plus influents des années 2000, si ce n’était pas évident sur la ligne de départ c’est aujourd’hui de plus en plus difficile à nier. Combien de fois le nom du groupe de James Skelly a-t-il surgi au détour d’un article de ce blog ? De mémoire on dira : un certain nombre. Au point qu’il devenait de plus en plus embarrassant de le citer régulièrement en parlant des autres sans toutefois prendre la peine de s’arrêter un instant pour parler de lui seul. Miracle de la hype ou hasard du calendrier on ne sait pas trop, mais figurez-vous que justement The Coral vient de publier un greatest hits pas piqué des vers, oh pas de quoi changer la face de l’univers on est d’accord… mais l’occasion, c’est bien connu, fait aussi souvent le laron que le blogueur.
Apparu fin 2002 noyé dans la masse du revival rock’n’roll américain, The Coral a eu la malchance d’être anglais et de publier son premier album la même année que de non pas un non pas deux… mais trois des disques rock les plus marquant d’une décennie qui n’en a pourtant pas compté beaucoup. Du coup, en dépit d’un buzz plutôt prometteur entourant ses premiers maxis, The Coral resta en marge dans l’esprit d’un public obnubilé par les Songs for the Deaf, Turn on the Bright Lights et autres Up the Bracket!… et il est vrai que cet opus éponyme, mélange savamment dosé de Byrds, de Love et de Captain Beefheart, était sans doute trop sous influence pour convaincre une presse rock à l’époque plus emballée par le revival garage punk que par le retour du rock psyché West Coast des années soixante. Un mal pour un bien ?
Sans doute. Car depuis lors, l’hyper-prolifique James Skelly a affiné son style, aiguisé ses mélodies, torturé sa guitare… pour finalement réussir là où la plupart des ses collègues revivalers ont échoué : il s’est imposé sur la durée, s’inscrivant au gré d’albums de plus en plus passionnants (citons notre favori, Nightfreaks & The Sons of Becker… mais à vrai dire les quatre derniers albums de The Coral comptent parmi ce que la pop anglaise a produit de plus grandiose ces dernières années) comme l’un des tous meilleurs songwriters de sa génération… ce dont le grand public s’est jusqu’alors toujours fichu éperdument. C’est tout le paradoxe de The Coral, et c’est ce qui rend ce greatest hits acceptable quand son existence semblerait chez d’autres absurde : le groupe le plus excitant parmi tous ceux actuellement en activité n’a quasiment aucun succès en dehors de ses frontières (à l’intérieur desquelles il s’en sort de mieux en mieux depuis qu’Alex Turner le cite à tout bout de champ mais reste loin derrière quasiment tous les grands noms de la scène anglaise actuelle). Franchement, il faudrait être fou pour se plaindre de la parution d’un tel disque, venant cimenter une crédibilité de plus en plus difficile à mettre en doute et jeter un éclairage grand public sur un groupe de cette valeur. Las : il est connu et même scientifiquement prouvé que le fan, par définition, n’apprécie pas trop que son artiste favori devienne connu, hype, branché… etc. Jusqu’alors culte (c’est à dire qu’il vendait assez pour vivre mais pas assez pour faire la couverture de Rock & Folk) The Coral est en passe de devenir un groupe connu, cette Singles Collection s’écoule plutôt bien, bientôt le fan verra sa petite sœur s’y coller… et gageons que ça ne s’arrangera pas : contrairement à tout un tas de groupes cultes, The Coral n’a franchement rien d’underground – bien au contraire sa musique est pop et jubilatoire. Intemporelle. Universelle. Elle a tout pour faire un carton. La caméra désormais bloquée sur ces jeunes gens il y a de grandes chances pour que leur prochain opus soit un grand succès et qu’on les accuse de virer mainstream, d’autant que le guitariste historique Bill Ryder-Jones vient de claquer la porte et que cette compilation commet le crime ultime : privilégier les titres les plus pop du groupe en laissant sur le carreau certaines de ses perles psycho-rock tordues (au hasard : "Music at Night").
Le fan ne devrait donc pas tarder à enrager… eh bien que le fan aille se faire voir ailleurs. Car la seule question qui vient en tête dès les premières notes de "Dreaming of You" c’est : « Est-il possible d’aimer la musique et de ne pas aimer cet objet ? » Concernant les albums studios du groupe ce n’était que sous la contrainte de quelque esprit chagrin qu’on acceptait de pencher vers le « oui » ; concernant cette double compile le « oui » est tout bonnement inimaginable. Quasiment incapable (son premier opus mis à part) de verser dans le juste bon, The Coral lorgne vers l’excellence de manière presque systématique, pop mais jamais lisse, rock mais toujours roll, rétro mais jamais passéiste… un peu de folk ("Jacqueline"), un zest de rockabilly ("Shadow Falls", "Secret Kiss"), une grosse louche de rock spatial façon Floyd feat. Barrett ("Who’s Gonna Find Me?"), des textes cryptés et des mélodies bien moins naïves qu’on pourrait le croire de prime abord – telle est la formule miracle dégottée par James Skelly et les siens. Bien fichue, cohérente et particulièrement pêchue cette Singles Collections a quelque chose d’enchanteur. Des mélodies radieuses et entêtantes ("In the Morning"), lorsqu’on n’est par carrément en face de véritables pépites rock-pop (rien que ça) : "Bill McCai", "Something Inside of Me"…
En somme non seulement cette compilation propose la meilleure porte d’entrée qui soit vers un orchestre tellement constant dans la qualité qu’on peinerait à en recommander un seul disque, mais encore frôle-t-elle de très près la perfection en terme de contenu. Et pensez-vous que le second CD gâcherait le tout en nous assommant avec des chutes de studio visant à apâter le fan récalcitrant ?… même pas ! Passées les deux inévitables démos (par ailleurs d’une qualité proprement stupéfiante quand on pense qu’à l’époque le groupe se composait d’ados) et une poignée de titres lives remarquables (dont un "Far from the Crowd" d’anthologie) voici que survient une collection d’inédits incroyables… et par « inédits » j’entends : des chansons, des vraies, complètement inédites et parfaitement arrangées, sorties de nulle part et s’élevant sans problème au niveau des meilleurs titres du groupe.
Dès lors peu importe qu’on connaisse déjà bien The Coral ou qu’on le découvre tout juste à cette occasion : la sublime "Michael’s Song" ou la délirante "Return Her to Me" mettront d’accord néophytes comme coralogues avertis – ce groupe est pourvu d’une classe rarissime de nos jours. Tellement qu’on s’épargnera pour une fois ces querelles d’épiciers n’intéressant que les cinquante vrais fans français de James Skelly, les « Il manque tel titre » et autres « J’aurais bien remplacé Truc par Bidule »… les choses sont simples et pourraient tenir en quelques mots : si vous vous intéressez vaguement à la pop anglo-saxonne et que vous vous considérez comme le commun des mortels n’achetant qu’un disque par mois (voire moins), c’est celui-ci qu’il vous faut ce mois-ci. Point barre. Et merci de ne pas perdre de temps à lire les commentaires : vous devriez déjà être chez votre disquaire favori.
👑 Singles Collection
The Coral | Deltasonic, 2008