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Les effets d’annonce ont ceci d’horripilant qu’ils induisent un déplorable double effet Kiss Cool dont Oasis, comme Portishead il y a quelques mois ou Radiohead l’an passé… comme tant d’autres avant lui… sera à coup sûr ces temps-ci la victime malheureuse : on a bien vite l’eau à la bouche et la langue qui traîne par terre, jusqu’à ce moment fatidique où l’on écoute le disque et où l’on est immanquablement déçu.
« Ah bon. Ce n’est que ça ? »
Mais qu’attendions-nous au juste pour ressentir une déception aussi subite ? On nous avait certes promis un chef-d’œuvre, le grand disque du renouveau, l’un des tous meilleurs albums de l’année… mais on savait aussi que les deux premières assertions avaient de grandes chances d’être évadées de l’imaginaire farfelu d’un quelconque attaché de presse. Ne fut-ce que pour une raison évidente : tous les amateurs d’Oasis savent pertinemment que le vrai disque du renouveau se nommait Heathen Chemistry (2002), album mésestimé présentant un Oasis enrichi d’une section rythmique enfin à la hauteur et apparaissant désormais comme un groupe soudé autour de son leadership bicéphale. Un disque inégal valant surtout pour sa première moitié, mais un disque attachant auteur de belles promesses presque toutes tenues trois ans plus tard au moment où paraissait Don’t Believe the Truth – premier opus de l’Oasis contemporain à se hisser à la hauteur des classiques du début des années quatre-vingt dix.
En fait de renouveau, donc, on attendait surtout de Dig Out Your Soul une confirmation – l’aboutissement d’un lent travail de reconstruction entamé ce matin de 1999 où Noël Gallagher eut la lumineuse idée de limoger les lourdauds Guigsy et Bonehead pour embaucher des musiciens digne de ce nom. Quant au chef-d’œuvre annoncé… disons poliment qu’en dépit de l’admiration sincère qu’on a pour l’excellent Ryan Adams, sa comparaison avec Kid A n’a pas dû convaincre grand monde.
Et pourtant ! Il y a bel et bien du Kid A dans le véhément Dig Out Your Soul. Promis juré. Bon… inutile de planquer les enfants : Dig Out Your Soul, cocktail psyché-pop tout à fait réussi, ne révolutionnera pas la décennie à venir. S’il est à rapprocher de Kid A c’est bien entendu de par son processus d’élaboration, ainsi que de par ce qu’il représentera probablement dans la discographie future d’un groupe plus soudé et puissant que jamais. En somme : l’album où Oasis se remet en question, bouleverse ses habitudes de composition, achève de devenir un véritable groupe pourvu de cinq individualités fortes et complémentaires… et surtout : le premier album depuis ses pétaradants débuts où l’ex plus grand groupe du monde (autoproclammé) accepte de se mettre réellement en danger.
Ainsi, finie l’époque où chacun pestait contre l’omnipotence de Noël Gallagher tout en étant bien content qu’il soit bien assez prolifique pour compenser l’inconstance du reste du groupe ; principalement constitué de jams réalisées en studio, Dig Out Your Soul dégage une impression d’aisance et de spontanéité que de mémoire de sympathisant on n’a pas souvenir d’avoir jamais entendu sur un album d’Oasis. Passée une frayeur bien naturelle (la dernière fois que les mots « jam » et « psychédélique » ont été associés à Oasis c’était sur Be Here Now, plus mauvais disque du groupe et principal responsable de sa chute de popularité) et une vague inquiétude à l’idée de découvrir (qui sait ?) un Oasis singeant The Coral, on respire assez vite : "Bag It Up", premier titre ébouriffant, rassure au moins autant qu’il surprend. Car en entendant sa rythmique d’acier, son chant aérien… on est tout de même stupéfait par le parcours d’un groupe qui n’a fait que progresser au fil d’albums inégaux régulièrement méprisés par les esthètes et autres gardiens du temple rock’n’roll. Certains le regretteront, d’autres s’en féliciteront, les réfractaires s’en foutront probablement… qu’importe : l’Oasis de 2008 n’a franchement plus grand chose à voir avec celui d’il y a quinze ans. Noël « j’ai une patate chaude dans la bouche » Gallagher chante désormais super bien, la batterie, longtemps le gros point faible du groupe, est impériale (Zak Starkey, en guise de chant du cygne, fait des merveilleux sur le redoutable "The Nature of Reality"), les citations se font (relativement) plus discrètes, la palette musicale s’est considérablement élargie, le son est désormais aussi dense que les arrangements sont riches…
… et ce n’est pas fini ! Car la grande nouveauté de ce cru 2008 a de quoi assommer le fan le plus costaud : croyez-le ou non, mais Dig Out Your Soul est un album… complexe ! Pas complexe comme du Kid A, bien entendu… mais bien plus abrupte et risqué que tous les disques précédents, moins immédiat, nécessitant un certain nombre d’écoutes pour être apprivoisé. Une seule ballade digne de ce nom (lumineuse "I’m Outta Time", qui rappelle la superbe "Let There Be Love" d’il y a deux ans), des mélodies moins directes et plus vicieuses prenant souvent l’auditeur à revers ("The Turning" et ses boucles de piano, "High Horses", "Soldier on"), des compositions parfois étonnamment heavy ("Waiting for the Rapture")… pas de doute : Oasis a achevé la mue entamée au début des années 2000, sans changer complètement (Dig Out Your Soul est dans le fond la suite logique de Don’t Believe the Truth, avec qui il partage le même producteur mais en parvenant enfin à se libérer des carcans britpop qui après lui avoir valu son succès semblaient être devenus sa croix.
C’est dire si l’on est à la fois ravi et secoué au moment de ressortir de ce magma pop, hypnotique et souvent offensif : ce n’est pas, comme le veut la formule consacrée, « l’album qu’on n’attendait plus d’Oasis »… mais tout simplement « l’album qu’on n’attendait pas ». Rien que pour ça, on lui pardonnera ses micro défauts, ses deux titres en trop comme ses deux ou trois breaks instrumentaux un peu longuets.
Les effets d’annonce ont ceci d’horripilant qu’ils induisent un déplorable double effet Kiss Cool dont Oasis, comme Portishead il y a quelques mois ou Radiohead l’an passé… comme tant d’autres avant lui… sera à coup sûr ces temps-ci la victime malheureuse : on a bien vite l’eau à la bouche et la langue qui traîne par terre, jusqu’à ce moment fatidique où l’on écoute le disque et où l’on est immanquablement déçu.
« Ah bon. Ce n’est que ça ? »
Mais qu’attendions-nous au juste pour ressentir une déception aussi subite ? On nous avait certes promis un chef-d’œuvre, le grand disque du renouveau, l’un des tous meilleurs albums de l’année… mais on savait aussi que les deux premières assertions avaient de grandes chances d’être évadées de l’imaginaire farfelu d’un quelconque attaché de presse. Ne fut-ce que pour une raison évidente : tous les amateurs d’Oasis savent pertinemment que le vrai disque du renouveau se nommait Heathen Chemistry (2002), album mésestimé présentant un Oasis enrichi d’une section rythmique enfin à la hauteur et apparaissant désormais comme un groupe soudé autour de son leadership bicéphale. Un disque inégal valant surtout pour sa première moitié, mais un disque attachant auteur de belles promesses presque toutes tenues trois ans plus tard au moment où paraissait Don’t Believe the Truth – premier opus de l’Oasis contemporain à se hisser à la hauteur des classiques du début des années quatre-vingt dix.
En fait de renouveau, donc, on attendait surtout de Dig Out Your Soul une confirmation – l’aboutissement d’un lent travail de reconstruction entamé ce matin de 1999 où Noël Gallagher eut la lumineuse idée de limoger les lourdauds Guigsy et Bonehead pour embaucher des musiciens digne de ce nom. Quant au chef-d’œuvre annoncé… disons poliment qu’en dépit de l’admiration sincère qu’on a pour l’excellent Ryan Adams, sa comparaison avec Kid A n’a pas dû convaincre grand monde.
Et pourtant ! Il y a bel et bien du Kid A dans le véhément Dig Out Your Soul. Promis juré. Bon… inutile de planquer les enfants : Dig Out Your Soul, cocktail psyché-pop tout à fait réussi, ne révolutionnera pas la décennie à venir. S’il est à rapprocher de Kid A c’est bien entendu de par son processus d’élaboration, ainsi que de par ce qu’il représentera probablement dans la discographie future d’un groupe plus soudé et puissant que jamais. En somme : l’album où Oasis se remet en question, bouleverse ses habitudes de composition, achève de devenir un véritable groupe pourvu de cinq individualités fortes et complémentaires… et surtout : le premier album depuis ses pétaradants débuts où l’ex plus grand groupe du monde (autoproclammé) accepte de se mettre réellement en danger.
Ainsi, finie l’époque où chacun pestait contre l’omnipotence de Noël Gallagher tout en étant bien content qu’il soit bien assez prolifique pour compenser l’inconstance du reste du groupe ; principalement constitué de jams réalisées en studio, Dig Out Your Soul dégage une impression d’aisance et de spontanéité que de mémoire de sympathisant on n’a pas souvenir d’avoir jamais entendu sur un album d’Oasis. Passée une frayeur bien naturelle (la dernière fois que les mots « jam » et « psychédélique » ont été associés à Oasis c’était sur Be Here Now, plus mauvais disque du groupe et principal responsable de sa chute de popularité) et une vague inquiétude à l’idée de découvrir (qui sait ?) un Oasis singeant The Coral, on respire assez vite : "Bag It Up", premier titre ébouriffant, rassure au moins autant qu’il surprend. Car en entendant sa rythmique d’acier, son chant aérien… on est tout de même stupéfait par le parcours d’un groupe qui n’a fait que progresser au fil d’albums inégaux régulièrement méprisés par les esthètes et autres gardiens du temple rock’n’roll. Certains le regretteront, d’autres s’en féliciteront, les réfractaires s’en foutront probablement… qu’importe : l’Oasis de 2008 n’a franchement plus grand chose à voir avec celui d’il y a quinze ans. Noël « j’ai une patate chaude dans la bouche » Gallagher chante désormais super bien, la batterie, longtemps le gros point faible du groupe, est impériale (Zak Starkey, en guise de chant du cygne, fait des merveilleux sur le redoutable "The Nature of Reality"), les citations se font (relativement) plus discrètes, la palette musicale s’est considérablement élargie, le son est désormais aussi dense que les arrangements sont riches…
… et ce n’est pas fini ! Car la grande nouveauté de ce cru 2008 a de quoi assommer le fan le plus costaud : croyez-le ou non, mais Dig Out Your Soul est un album… complexe ! Pas complexe comme du Kid A, bien entendu… mais bien plus abrupte et risqué que tous les disques précédents, moins immédiat, nécessitant un certain nombre d’écoutes pour être apprivoisé. Une seule ballade digne de ce nom (lumineuse "I’m Outta Time", qui rappelle la superbe "Let There Be Love" d’il y a deux ans), des mélodies moins directes et plus vicieuses prenant souvent l’auditeur à revers ("The Turning" et ses boucles de piano, "High Horses", "Soldier on"), des compositions parfois étonnamment heavy ("Waiting for the Rapture")… pas de doute : Oasis a achevé la mue entamée au début des années 2000, sans changer complètement (Dig Out Your Soul est dans le fond la suite logique de Don’t Believe the Truth, avec qui il partage le même producteur mais en parvenant enfin à se libérer des carcans britpop qui après lui avoir valu son succès semblaient être devenus sa croix.
C’est dire si l’on est à la fois ravi et secoué au moment de ressortir de ce magma pop, hypnotique et souvent offensif : ce n’est pas, comme le veut la formule consacrée, « l’album qu’on n’attendait plus d’Oasis »… mais tout simplement « l’album qu’on n’attendait pas ». Rien que pour ça, on lui pardonnera ses micro défauts, ses deux titres en trop comme ses deux ou trois breaks instrumentaux un peu longuets.
👍👍👍 Dig Out Your Soul
Oasis | Big Brother, 2008