[Mes disque à moi et (rien qu'à moi) - Hors-série N°5]
Misplaced Childhood - Marillion (1985)
Vade retro, Satanas ! Sors de ce corps et ne revient plus !
J'ai bien conscience qu'avec cet ultime Rock'n'Roll Hall of Shame il n'y aura cette fois point de salut pour ma pauvre âme. J'imagine déjà KMS m'envoyer brûler en Enfer, G.T. me délinkant sans même prendre la peine de lire l'article jusqu'au bout, mon blog-rank chutant inexorablement passé le week-end... et pourquoi pas au final mettre la clé du Golb sous la porte ? Il y a réellement de quoi déposer le bilan tant Marillion est Le Groupe Indéfendable Ultime, coupable de tous les péchés, celui qui entraînerait le plus farouche des esthètes dans sa chute pour un peu que ce dernier se laisse tenter une seconde par son redoutable baiser de la mort. Marillion, c'est le Rock'N'Roll Hall of Shame poussé jusqu'à son extrême limite : on peut défendre à peu près n'importe quelle merde pour un peu qu'on sache manier la plume et la mauvaise foi... mais là, on touche à la sous-merde - au sens le plus littéral du terme : Marillion (du moins dans les 80's) est presqu'unaniment considéré comme étant un ersatz de Genesis et de Yes... soit donc de deux des groupes les plus haïs, vômis, conchiés de tous les temps. Avouer aimer Genesis est déjà grave en soi. Avouer être passionné par la discographie de Marillion... tous les esthètes qui l'ont osé ne sont hélas plus là pour le raconter.
A ma décharge, j'ai découvert Marillion très jeune... ouais bon, ok : argument facile afin d'échapper à la guillotine. Le fait est que la dernière fois que j'ai acheté un album de Marillion, c'était Marbles... en 2004. Et que le dernier que j'ai vraiment beaucoup aimé c'est marillion.com (que les fans n'aiment d'ailleurs pas trop - merde je recommence à me dédouaner !) en 1999. Restons sincère. Il n'est pas faux cependant que j'ai découvert Afraid of Sunlight très jeune... oh oui - je sais ce que vous vous dites : Quoi ? Avec tous les albums géniaux qui sont parus en 1995 il a fallu qu'il tombe raide dingue de celui-ci qui même chez les fans de Marillion n'est pas bien coté ? Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? Afraid of Sunlight fut mon baiser de la mort à moi. Vicieux. Car comme tous les albums du Marillion de la fin des années quatre-vingt dix il avait la spécifité de sonner plus pop que prog-rock... je ne pouvais donc pas savoir dans quel engrenage je mettais le doigt. Et ainsi... je me suis précipité durant les années suivantes sur le reste de la discographie de Marillion. Là, je pourrais tenter de m'en tirer en chroniquant dans ces pages un album de ce groupe qui serait complètement inconnu de mes lecteurs, par l'exemple le très bon Rad1ation (à écouter, vraiment, vous seriez surpris). Sauf que Guic' nous a demandé au début de ce cycle Hall of Shame d'être honnêtes : mon album favori de Marillion est bel et bien Misplaced Childhood, classique de 1985 qui révéla le quintette anglais au reste de la planète avec le tube « Kayleigh », transforma Fish en icône et... merde : j'en vois déjà qui ont zappé (et au moins deux qui se sont évanouis). Je devais avoir quatorze ou quinze ans quand j'ai acheté ce disque, qui demeure aujourd'hui un de mes favoris oups !
(excusez-moi pour cette interruption, je viens d'éviter une tomate)
Avec un tel background évidemment personne ne s'étonnera que je puisse aujourd'hui écrire un article comme celui-ci. Que voulez-vous ? C'est mon parcours musical qui veut ça : mon père était grand fan de Genesis (période Phil Collins en plus). Ca laisse des traces. D'ailleurs ce qui est amusant quand j'y repense c'est qu'à l'époque où je me gavais de Misplaced Childhood (ou de Clutching at Straws ou de Fugazi ou de Brave... de toute façon je les ai absolument tous) je clamais à qui voulait l'entendre que Genesis c'était de la merde en barre... alors que Genesis était l'influence la plus évidente de ces albums que j'adorais (du moins ceux du Marillion era 1983-95). Mais c'est vrai que pour avoir conscience de la stupidité de mes propos il aurait fallu que j'aie déjà écouté une seule fois Genesis période Peter Gabriel (et quitte à me couvrir de honte qu'on m'autorise au passage à chaudement vous recommander le chef-d'œuvre Foxtrot)...
(voilà, Genesis, c'est fait)
J'ai évidemment bien conscience que Misplaced Childhood renferme à peu près tous les excès que je pourfends à longueur d'années sur ce blog : nappes de synthés (Mark Kelly, c'est un nom de serial-killer non ?), soli aérien d'une naïveté à chialer, vocaux suraiguës... et pour couronner le tout c'est un concept-album (ouille) articulé autour de l'enfance perdue (double ouille) et largement inspiré par la vie de Fish (plouf). Bref : tout ce dont je vous explique tout le temps que c'est à chier. En cela, on peut tout à fait considérer cet article comme le plus essentiel que j'aie écrit depuis longtemps. Je n'ai pas très bon goût - il suffit de voir le papier peint de ma chambre pour en avoir confirmation. Je suis particulièrement perméable à l'univers qui m'entoure, or figurez-vous qu'à l'époque où j'ai acheté cet album le papier peint de ma chambre était jaune et parsemé de grosse fleurs marron assez vulgaires... je ne voudrais pas foutre mon amour de Marillion sur le dos de mes parents mais bon : avouez qu'entre Genesis et le papier peint tout laissait à penser que je n'avais aucune chance d'en réchapper. Pourtant à la sueur de mon front je m'en suis sorti. Et là où le Rock'n'Roll Hall of Shame rejoint le parcours musical façon G.T., c'est que si aujourd'hui je serais tout à fait incapable d'aimer un tel album publié par n'importe qui (j'ai d'ailleurs détesté le susnommé Marbles, pourtant accueilli comme le grand retour à l'excellence pour Marillion - ne riez pas), je persiste à trouver Misplaced Childhood fabuleux, à chanter à tue-tête en réécoutant « Childhood Ends? » ou « Lavender » - alors même que je ne l'écoute plus jamais... contrairement à d'autres albums plus récents du groupe (je m'enfonce là, non ?). Peut-être alors est-il temps d'écrire la suite d'Eshétique & Ressenti... c'est à dire Ressenti & Esthétique, l'article où l'on explique qu'une fois intégrée toutes les notions de base de l'esthétique on le droit de faire quand même primer son ressenti à la fin ? Pas sûr que j'oserais pousser le vice jusqu'à me livrer à l'exercice dans un article sur Marillion. Mais promis : si mon blog survit à ce vendredi noir (pas un treize pourtant...) je m'y attellerais avec grand plaisir. Presqu'aussi grand que celui que je ressens alors que résonne « White Feather » dans mon lecteur... ce qui n'est pas peu dire.
Il faudra pour cela que vous me pardonniez préalablement mes offenses ; je vous jure que je me repends (mais pas au point de dire que je n'aime pas Marillion, n'exagérons rien... je peux reconnaître que ce n'est pas le plus grand groupe du monde et que c'est souvent pompier, c'est mon max - n'allez pas croire que je vais arrêter de les écouter pour vos beaux yeux cramés à force d'être rivés sur ce blog). D'ailleurs, pour l'anecdote : au moment d'écrire cet article... impossible de remettre la main sur mon exemplaire de Misplaced Childhood ! J'ai dû le télécharger en catastrophe. Pis encore : c'est carrément TOUTE la discographie de Marillion que j'ai perdu ! Franchement : cet acte manqué n'en dit-il pas long sur la honte profonde que j'éprouve à présent que je vous confie ce coupable penchant... ?
Trois autres disques pour découvrir Marillion (oui oui : on va aller jusque là !) :
Fugazi (1984)
Clutching at Straws (1987)
Brave (1994)
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