vendredi 7 novembre 2008

Last Stop : eel's Town

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Un jour peut-être on parviendra à élucider ce mystère : pourquoi eels n'a-t'il pas aujourd'hui l'aura d'un Mercury Rev, d'un Sparklehorse ou d'un Beck ? C'est non seulement injuste, mais carrément incompréhensible. Car s'il y a bien un artiste qui aura su imposer ces dix dernières années une patte immédiatement reconnaissable, une marque sonique et un univers tout à fait personnel... c'est assurément Mark Oliver Everett. Qui parti d'un plan marketing qui aurait pu briser sa carrière (il fut la première signature de Dreamworks, catapultée en 1996 telle une nouvelle marque de lessive) est parvenu à la sueur de son front à s'acheter une véritable crédibilité indie - une prouesse pour un artiste signé sur une major une poignée de mois après les débuts de son groupe.


En voie de canonification à défaut d'accéder à une starification méritée, E (pour les intimes) solde donc son catalogue depuis deux ans, soignant l'exploitation commerciale comme seuls les véritables artisans pop savent le faire : en proposant des produits finis, de mini-œuvres sans doute pas indispensables mais qui ont au moins le mérite de ne pas entâcher sa réputation. Le somptueux coffret Blinking Lights paru la semaine dernière est donc à l'image du live With Strings ou des deux compilations parues cette année : une relance marketing qui ne dit pas son nom... et c'est tant mieux, puisqu'elle n'en a pas (presque) pas l'air.

Soit : The Blinking Lights & Other Revelations, dernier album en date et synthèse parfaite de l'œuvre eelsienne, ne gagne pas nécessairement à devenir un triple vinyle. L'essentiel est qu'il n'y perde pas non plus. Il est ici tel qu'en lui-même : magistral et touffu, trop long et trop bon, véritable montagne pop qui dans un monde merveilleux eût été gravie par des millions de fans assoiffés de mélodies. Moins compact en vinyle, il offre à l'auditeur l'occasion de se délecter de ses (nombreuses) pépites (« Railroad Man », « Dust of Age »), mélancolique souvent (« Thinks the Grandchildren Should Know »), contemplatif parfois (« Theme for a Pretty Girl... », « God's Silence »), barré autant (« Checkout Blues », « Son of a Bitch »)...

Il y a décidément quelque chose d'universel et de poignant dans ces vignettes pop en apparence sans prétention, œuvre-somme d'un songwriter passé maître dans l'art de ne pas y toucher : à la manière d'un Neil Young, qu'il lui arrive d'évoquer à l'occasion, E excelle dès lors qu'il s'agit de faire passer sa musique pour un assemblage de chansons en apparence simplissimes. Adepte de la berceuse au texte corrosif, de la mélodie limpide qui vous prend à revers, il explore toute sa palette sur The Blinking Light & Other Revelations - véritable best of uniquement composé de nouveau matériel. Beaucoup arguèrent à l'époque qu'il était trop long... point de vue que nous ne partageons (évidemment) pas. Car Blinking Lights (album si merveilleux qu'il a même donné son nom à un... blog !) est tout sauf disparate, son défaut étant même paradoxalement d'être parfois trop dense. Peu importe d'ailleurs : il témoigne d'une audace artistique comme on en voit de moins en moins souvent de nos jours - et après tout l'Album Blanc aussi est trop long. Ca n'en est pas moins un chef-d'œuvre.

Toute proportion gardée on dira de même de The Blinking Lights & Other Revelations, dont cette réédition à micro tirage (deux-mille cinq cents exemplaires seulement... inutile de dire qu'il n'y en aura pas pour tout le monde !) propose en prime un nouveau LP live... qui vient donc s'ajouter à longue liste de lives plus ou moins officiels du vrai faux groupe originaire de Los Angeles. On se surprendra pourtant à regretter qu'il ne soit pas paru en simple tant ce Manchester 2005 s'avère très au-dessus de ses prédécesseurs (en tout cas bien meilleur que le décevant Oh ! What A Beautiful Morning ! et le pourtant très bon Electro-shock Blues Show). Piochant avec bonheur dans chaque album, il offre en tout cas, avec ses versions sublimes de « Jeannie's Diary » ou « Climbing Up to the Moon », une valeur ajoutée non négligeable à album qui n'en avait pourtant pas besoin.

Bref : si comme moi vous êtes fans (et que vous avez une platine vinyle !) ... vous savez ce qu'il vous reste à faire...


👑 The Blinking Lights & Other Revelations 
eels | Vagrant Records, 2005

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