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A notre connaissance Mathieu Boogaerts n’est ni raëlien ni martien, mais une chose est sûre : aucun autre artiste français ne mérite autant que lui le titre d’OVNI sur la scène nationale. Douze ans après Super, son étonnant premier album, on n’est toujours pas parvenu à percer le mystère de cet auteur imprévisible, méconnu du grand public mais adulé par les esthètes, qui de fil en aiguille s’est imposé comme un véritable bâtisseur d’univers. Mystère qui tient en une seule phrase : comment un type aussi doué peut-il être si peu connu ? De l’auteur du superbe 2000 le public (selon la plus large acceptation de ce terme) ne sait franchement pas grand-chose, à se demander comment il a pu passer à côté de pépites comme "J’en ai marre d’être deux" ou "Vegas" – singles fantaisistes qui dans un monde meilleur auraient été des tubes ailleurs que sur France Inter (et encore).
Cinquième album présenté comme celui du renouveau, I Love You ne risque assurément pas d’inverser la tendance. Inutile de tourner autour du pot : ce disque complètement barré ressemble à s’y méprendre au proverbial suicide commercial. Mais l’intéressé le dit lui-même : « Avec Michel, mon album précédent, j’ai eu l’impression d’avoir bouclé quelque chose. » Manière détournée – mais à la lucidité salutaire – de valider ce que beaucoup avaient ressenti à l’écoute dudit Michel il y a trois ans : une impression sinon de redondance, du moins de ronronnement. Arrivé à la croisée des chemins, la quarantaine approchant à grand pas… Boogaerts n’avait guère plus que deux solutions : devenir un de ces chanteurs français un peu plan-plan, sympathiques mais sans surprise, attachants parce que prévisibles comme un déjeuner du dimanche chez Mamie Simone… ou bien tout remettre à plat, oublier tout ce qu’il avait appris et publier un grand disque de rupture à la Radiohead / Kid A.
Question de survie (on raconte qu’il aurait brièvement caressé l’idée d’une retraite anticipée), Mathieu Boogaerts a choisi la seconde hypothèse… et c’est donc sans filet qu’il revient en 2008, seul ou presque, armé d’une batterie et de textes en fromage blanc tordant définitivement le coup à l’inévitable débat « pop ou chanson française ? » C’est peu dire que la première écoute déstabilise : beats technoïdes, voix filtrée, paroles incompréhensibles et synthétiseur Casio… avec ce "Come To Me" qui pose d’emblée l’équation ce sera du tout ou rien pour l’auditeur. Certains ne dépasseront sans doute pas ce morceau inaugural. Est-il utile de le préciser ? Ils auront bien sûr tort.
Car plus que d’une remise en question c’est bel et bien de faire table rase qu’il s’agit : sur I Love You, Mathieu Boogaerts ne se contente pas de faire évoluer sa musique – il reprend carrément tout à zéro. Et passée la surprise des premières secondes, difficile de ne pas lui emboîter le pas dans ce voyage baroque et barré au pays des dancefloors. Entre disco-trash ("All I Wanna Do") et post-punk artisanal ("Do You Feel Ok"), funk synthétique ("Jambe") et pop fracassée (et fracassante : "Game Over")… I Love You s’impose au bout de deux écoutes comme l’album le plus singulier qu’on ait entendu en 2008, tous genres (d’ailleurs à quel genre appartient-il ?) et nationalités confondus. Si l’on reconnaît de temps à autre le filet de voix facilement identifiable de Boogaerts, difficile de faire le lien avec les vignettes pop et à dominante acoustique d’autres fois. On reste dans le domaine du minimalisme – soit. Mais le côté chanson semble définitivement avoir été remisé au placard, tout comme la guitare. Pour un résultat nerveux, tout en rythmiques brisées et en scies presque toutes diablement efficaces (citons encore "Chaque fois" ou "Bandit").
Le revers de la médaille étant évidemment qu’I Love You se heurte à cette inévitable question : une fois dissipé l’effet de surprise, écoutera-t-on encore cet album dans six mois ? Le fait qu’il soit signé de la main d’un artiste qu’on connaissait calme et contemplatif est indéniablement pour beaucoup dans le charme qu’il exerce sur l’auditeur. Récréatif, décalé, musique de fond idéale pour une soirée entre amis… I Love You est-il un disque purement divertissant ou bien une œuvre plus profonde dont la « naïveté » devrait être reçue au sens presque pictural du terme ?… seul le temps nous le dira. Ce qui est sûr c’est que dans son refus des modes, son côté marginal, à mille lieues de l’académisme sans jamais vraiment pouvoir être qualifié d’expérimental… I Love You a quelque chose de la grande œuvre naïve par excellence…
A notre connaissance Mathieu Boogaerts n’est ni raëlien ni martien, mais une chose est sûre : aucun autre artiste français ne mérite autant que lui le titre d’OVNI sur la scène nationale. Douze ans après Super, son étonnant premier album, on n’est toujours pas parvenu à percer le mystère de cet auteur imprévisible, méconnu du grand public mais adulé par les esthètes, qui de fil en aiguille s’est imposé comme un véritable bâtisseur d’univers. Mystère qui tient en une seule phrase : comment un type aussi doué peut-il être si peu connu ? De l’auteur du superbe 2000 le public (selon la plus large acceptation de ce terme) ne sait franchement pas grand-chose, à se demander comment il a pu passer à côté de pépites comme "J’en ai marre d’être deux" ou "Vegas" – singles fantaisistes qui dans un monde meilleur auraient été des tubes ailleurs que sur France Inter (et encore).
Cinquième album présenté comme celui du renouveau, I Love You ne risque assurément pas d’inverser la tendance. Inutile de tourner autour du pot : ce disque complètement barré ressemble à s’y méprendre au proverbial suicide commercial. Mais l’intéressé le dit lui-même : « Avec Michel, mon album précédent, j’ai eu l’impression d’avoir bouclé quelque chose. » Manière détournée – mais à la lucidité salutaire – de valider ce que beaucoup avaient ressenti à l’écoute dudit Michel il y a trois ans : une impression sinon de redondance, du moins de ronronnement. Arrivé à la croisée des chemins, la quarantaine approchant à grand pas… Boogaerts n’avait guère plus que deux solutions : devenir un de ces chanteurs français un peu plan-plan, sympathiques mais sans surprise, attachants parce que prévisibles comme un déjeuner du dimanche chez Mamie Simone… ou bien tout remettre à plat, oublier tout ce qu’il avait appris et publier un grand disque de rupture à la Radiohead / Kid A.
Question de survie (on raconte qu’il aurait brièvement caressé l’idée d’une retraite anticipée), Mathieu Boogaerts a choisi la seconde hypothèse… et c’est donc sans filet qu’il revient en 2008, seul ou presque, armé d’une batterie et de textes en fromage blanc tordant définitivement le coup à l’inévitable débat « pop ou chanson française ? » C’est peu dire que la première écoute déstabilise : beats technoïdes, voix filtrée, paroles incompréhensibles et synthétiseur Casio… avec ce "Come To Me" qui pose d’emblée l’équation ce sera du tout ou rien pour l’auditeur. Certains ne dépasseront sans doute pas ce morceau inaugural. Est-il utile de le préciser ? Ils auront bien sûr tort.
Car plus que d’une remise en question c’est bel et bien de faire table rase qu’il s’agit : sur I Love You, Mathieu Boogaerts ne se contente pas de faire évoluer sa musique – il reprend carrément tout à zéro. Et passée la surprise des premières secondes, difficile de ne pas lui emboîter le pas dans ce voyage baroque et barré au pays des dancefloors. Entre disco-trash ("All I Wanna Do") et post-punk artisanal ("Do You Feel Ok"), funk synthétique ("Jambe") et pop fracassée (et fracassante : "Game Over")… I Love You s’impose au bout de deux écoutes comme l’album le plus singulier qu’on ait entendu en 2008, tous genres (d’ailleurs à quel genre appartient-il ?) et nationalités confondus. Si l’on reconnaît de temps à autre le filet de voix facilement identifiable de Boogaerts, difficile de faire le lien avec les vignettes pop et à dominante acoustique d’autres fois. On reste dans le domaine du minimalisme – soit. Mais le côté chanson semble définitivement avoir été remisé au placard, tout comme la guitare. Pour un résultat nerveux, tout en rythmiques brisées et en scies presque toutes diablement efficaces (citons encore "Chaque fois" ou "Bandit").
Le revers de la médaille étant évidemment qu’I Love You se heurte à cette inévitable question : une fois dissipé l’effet de surprise, écoutera-t-on encore cet album dans six mois ? Le fait qu’il soit signé de la main d’un artiste qu’on connaissait calme et contemplatif est indéniablement pour beaucoup dans le charme qu’il exerce sur l’auditeur. Récréatif, décalé, musique de fond idéale pour une soirée entre amis… I Love You est-il un disque purement divertissant ou bien une œuvre plus profonde dont la « naïveté » devrait être reçue au sens presque pictural du terme ?… seul le temps nous le dira. Ce qui est sûr c’est que dans son refus des modes, son côté marginal, à mille lieues de l’académisme sans jamais vraiment pouvoir être qualifié d’expérimental… I Love You a quelque chose de la grande œuvre naïve par excellence…
👍👍👍 I Love You
Mathieu Boogaers | Tôt ou Tard, 2008