Qui se souvient de Sinclair Lewis ? Difficile aujourd'hui de croire que ce satiriste féroce dont le nom est désormais méconnu du grand public ait été en son temps l'un des romanciers les plus célèbres du monde, celui dont les livres à peine sortis étaient déjà achetés par Hollywood depuis qu'il avait reçu la distinction suprême : être en 1930 le premier américain à se voir attribuer le Prix Nobel de littérature. C'est pourtant vrai, et on ne lasse d'être étonné par le désormais (relatif) anonymat entourant son œuvre. D'autant plus étonné en fait qu'à sa manière caustique et nonchalante Lewis était un genre d'antithèse de Scott Fitzgerald... or il semble que de cette époque, fait rarissime, l'histoire littéraire contemporaine ait plus volontiers retenu l'apologue que le contempteur féroce que fut l'auteur du magistral Main Street.
Main Street justement, le premier grand succès de Sinclair Lewis (et accessoirement, en 1920, premier grand roman américain sur une petite ville de province) se retrouve en filigrane dans ce Babbitt se présentant plus ou moins comme sa suite thématique. A savoir qu'on y retrouve la seule, l'unique obsession de Sinclair Lewis durant toute son œuvre : croquer les travers de la bourgeoisie et dénoncer l'hypocrisie de valeurs américaines biaisées, cette règle d'or du libéralisme et du libre-échange masquant une société parmi les plus puritaines qui soient (inutile de dire que la charge n'a pas vieilli).
Parangon de vertu croulant sous une épaisse couche de matérialisme, George Babbitt sera donc le symbole de tout ce qui déconne dans ce grand pays, self-made-man accompli confronté au vide d'une existence à laquelle il tentera maladroitement d'échapper. A mi-chemin entre « Le Bourgeois Gentilhomme » et le héros américain typique (quoique retourné comme une crêpe), le voilà donc tentant de repousser les limites de sa condition, de devenir un homme en plus d'être un entrepreneur... pour un résultat burlesque parfois, délirant souvent - grotesque toujours.
Assemblage de quasi-sketches décousus mais pour certains (celui de la voiture !) hilarants, voici sans doute en strict terme de satire le roman le plus puissant de Sinclair Lewis - qui déchaîna d'ailleurs à sa sortie des haines féroces aux Etats-Unis... en même temps qu'une admiration inconditionnelle chez les européens. Babbitt a beau être nuancé, présenter un antihéros somme toute attachant et pourvu de qualités non-négligeables... rarement un auteur aura à ce point fustigé son propre pays - c'est à dire que Lewis ne fustige pas les défauts que le pays se reconnaît... mais au contraire tout ce dont il s'enorgueillit. Son esprit bourgeois et libéral. Ses valeurs les plus fondamentales. Si la critique n'a en elle-même pas pris plus de rides que le style de poussière, on s'interroge en revanche sur la destinée de ce livre dans l'Amérique hypermédiatique d'aujourd'hui - sans doute un tel brûlot n'aurait-il pas trouvé d'éditeur après la Seconde Guerre Mondiale (le destin du féroce Lord of the Barnyard de Tristan Egolf, assez proche de Main Street dans le fond, est en ce sens éloquent). C'est peu dire que Sinclair Lewis gagnerait à être redécouvert, avec ce livre ou le remarquable Dodsworth ; voici un auteur qui, mine de rien, pourrait bien être beaucoup plus subversif aujourd'hui qu'à son époque. Et le moins qu'on puisse dire est qu'en ces temps de retour au puritanisme, ce genre de lecture fait du bien.
Main Street justement, le premier grand succès de Sinclair Lewis (et accessoirement, en 1920, premier grand roman américain sur une petite ville de province) se retrouve en filigrane dans ce Babbitt se présentant plus ou moins comme sa suite thématique. A savoir qu'on y retrouve la seule, l'unique obsession de Sinclair Lewis durant toute son œuvre : croquer les travers de la bourgeoisie et dénoncer l'hypocrisie de valeurs américaines biaisées, cette règle d'or du libéralisme et du libre-échange masquant une société parmi les plus puritaines qui soient (inutile de dire que la charge n'a pas vieilli).
Parangon de vertu croulant sous une épaisse couche de matérialisme, George Babbitt sera donc le symbole de tout ce qui déconne dans ce grand pays, self-made-man accompli confronté au vide d'une existence à laquelle il tentera maladroitement d'échapper. A mi-chemin entre « Le Bourgeois Gentilhomme » et le héros américain typique (quoique retourné comme une crêpe), le voilà donc tentant de repousser les limites de sa condition, de devenir un homme en plus d'être un entrepreneur... pour un résultat burlesque parfois, délirant souvent - grotesque toujours.
Assemblage de quasi-sketches décousus mais pour certains (celui de la voiture !) hilarants, voici sans doute en strict terme de satire le roman le plus puissant de Sinclair Lewis - qui déchaîna d'ailleurs à sa sortie des haines féroces aux Etats-Unis... en même temps qu'une admiration inconditionnelle chez les européens. Babbitt a beau être nuancé, présenter un antihéros somme toute attachant et pourvu de qualités non-négligeables... rarement un auteur aura à ce point fustigé son propre pays - c'est à dire que Lewis ne fustige pas les défauts que le pays se reconnaît... mais au contraire tout ce dont il s'enorgueillit. Son esprit bourgeois et libéral. Ses valeurs les plus fondamentales. Si la critique n'a en elle-même pas pris plus de rides que le style de poussière, on s'interroge en revanche sur la destinée de ce livre dans l'Amérique hypermédiatique d'aujourd'hui - sans doute un tel brûlot n'aurait-il pas trouvé d'éditeur après la Seconde Guerre Mondiale (le destin du féroce Lord of the Barnyard de Tristan Egolf, assez proche de Main Street dans le fond, est en ce sens éloquent). C'est peu dire que Sinclair Lewis gagnerait à être redécouvert, avec ce livre ou le remarquable Dodsworth ; voici un auteur qui, mine de rien, pourrait bien être beaucoup plus subversif aujourd'hui qu'à son époque. Et le moins qu'on puisse dire est qu'en ces temps de retour au puritanisme, ce genre de lecture fait du bien.
👍👍 Babbit
Sinclair Lewis | Bantham Classics, 1922
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