Everybody wants to be a peakie

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... imaginez une série incroyable qui les contiendrait toutes...

... imaginez une série improbable que l'on ne pourrait classer sans se tromper dans une catégorie ou un genre défini...

... imaginez une série formidable que sa richesse rend presque universelle - chacun pourra y trouver son compte en fonction de ses goûts et de sa sensibilité...

... ce que j'écris pourrait s'appliquer à Lost, mais bien entendu je veux parler de Twin Peaks, puisqu'aujourd'hui 25 février 2009 a lieu le Twin Peaks Art-Golb Day !

Twin Peaks.... deux mots que, si vous êtes amateurs de séries, vous avez fatalement déjà croisés sur votre route - d'autant que les fans de Twin Peaks sont nombreux et pratiquent un prosélytisme outrancier à côté duquel les fans de Star Trek seraient d'aimables VRP. Facile de les reconnaître : vous prononcez devant eux le mot série et tout de suite ils pensent : Twin Peaks !!!, se lancent dans une longue apologie pétrie d'explications incompréhensibles pour le commun des mortels, vous causent de Laura Palmer comme si elle était leur voisine, vous parlent d'une loge blanche et d'une loge noire, d'un univers incroyable, vous disent qu'on n'a jamais fait mieux... bref : ils vous soulent assez rapidement et finissent par en devenir contre-productif (le pire étant quand par le plus grand des hasards vous vous retrouvez dans la même pièce que deux fans de Twin Peaks... là c'est le plombage de soirée assuré, ils se reconnaissent facilement entre eux en plus, un petit signe de la main contre le front suffit à dire : Hé mec ! J'suis un gars du Bookhouse moi aussi !). Pire encore : vous pourriez en venir à vous retrouver gênés de ne pas avoir vu Twin Peaks, à faire comme si c'était le cas, parce que soyons réaliste : un fan de séries qui n'a jamais vu Twin Peaks c'est à peu près pareil qu'un fan de musique qui n'aurait jamais jeté une oreille sur Sgt Pepper (des Beatles... je précise au cas où vous seriez justement un de ceux-là).

Aussi si je n'ai jamais douté de la nécessité d'évoquer Twin Peaks de manière claire et directe au moins une fois dans rubrique... j'ai rapidement compris qu'il allait être très difficile d'écrire un véritable article sur Twin Peaks, parce que fondamentalement, il n'y a pas grand-chose de plus "segmentant" que ça. Si je le faisais, la situation se dessinerait nettement au bout de quelques lignes : même en ménageant le suspens, les commentaires révéleraient les trois quarts de l'histoire parce que les fans ne pourraient pas s'empêcher d'en parler, pire encore : si je proposais une analyse pointue je devrais spoiler, ceux qui ne l'ont pas vu ne pourraient pas lire l'article - du coup aucun intérêt de l'écrire si c'est pour prêcher des convertis... d'autant qu'il n'y a rien de plus exigeant qu'un fan de Twin Peaks, je m'exposerais probablement à l’ire de certains, ça lancerait une discussion totalement interminable et en attendant ceux qui n'ont pas vu ce monument télévisuel n'auraient pas plus envie de le voir. Aussi me cantonnerai-je à l'essentiel, aux dix meilleures raisons de louer (ou acheter ou télécharger) d'urgence Twin Peaks - sans compter la raison subsidiaire voulant qu'au moins comme ça vous n'aurez pu l'air d'un inculte quand on vous en parlera (peut-être même pourrez-vous briller en société en vous adonnant à ce que nous appelons entre initiés le Mouais ça vaut pas Twin Peaks).

1. Twin Peaks, c'est une intrigue tellement obsédante que la plupart des gens lorsqu'ils la voient la première fois n'en dorment plus la nuit : il faut qu'ils sachent qui a tué Laura Palmer

2. Twin Peaks, c'est un univers gigogne tout à fait singulier, un rythme narratif très particulier, une esthétique unique en son genre... bref : Twin Peaks ne ressemble à rien de ce que vous avez vu... ni de ce que vous verrez.

3. Twin Peaks, c'est une galerie de personnages plus barges les uns que les autres, pourvus chacun d'au moins trois facettes distinctes, tous basés sur des archétypes (le beau héros enquêteur et le sherif dans le rôle de Watson, l'ado romantique et torturé, le super-méchant bourrin qui fait peur, le JR de service...) mais qui tous parviennent à pourfendre le cliché sur lequel ils ont été construits. Ils sont nombreux, ils sont complexes, ils sont démesurément sympathiques... personne n'a jamais fait mieux de ce point de vue.

4. Twin Peaks, c'est à la fois un thriller, une série fantastique, un western, une parodie, un policier à énigme, un soap, une sitcom, de la SF, une tragédie shakespearienne, une comédie à la Capra... un jeu marrant serait d'essayer de trouver un genre qui n'y est pas.

5. Twin Peaks, c'est probablement la série la plus drôle de tous les temps, la seule (à ma connaissance) qui puisse se regarder au second degré du début à la fin... quand vous l'aurez vu, je vous autorise d'ailleurs à ressortir cette phrase à vos copains fans, qui comme tout bons fans de Twin Peaks en parlent résolument et systématiquement au premier degré.

6. Twin Peaks, c'est tellement marquant que quand vous la revoyez dix ans plus tard, vous vous en souvenez encore comme si ça datait du mois dernier.

7. Twin Peaks, c'est aussi (et ce n'est pas rien) le sountrack le plus envoûtant et obsédant de l'histoire des séries télé... inoubliable, vous le gardez en jukebox mental jusqu'à la fin des temps.

8. Twin Peaks, c'est la première série moderne - celle qui les contient toutes en germe. De X-Files à plus récemment Pushing Daisies, en passant par Lost, Desperate Housewives ou The Sopranos... la liste des séries durablement influencées par celle-ci est sans fin, qui toutes brassent (et revendiquent) l'influence de l'Agent Dale Cooper (certaines comme Alias étant remplies de clin d'œil à l'univers de Lynch et Frost)

9. Twin Peaks, c'est la série qui va vous faire aimer David Lynch si d'aventure ce n'est pas encore le cas. Durant une saison et demi (après quoi il la délaisse), ce sera à la fois son œuvre la plus aboutie (le rythme télévisuel lui va comme un gant, lui qui rêve d'œuvres absolues et d'histoires interminables) et la plus accessible (on rentre dans Twin Peaks comme dans un moulin... ce qui est loin d'être le cas de tous les films de Lynch, mais il faut dire son acolyte Mark Frost, romancier talentueux et méconnu, a une grande part de responsabilité là-dedans).

10. Twin Peaks, c'est la série la plus énigmatique et mystérieuse de tous les temps (encore) ; en raison de la présence de Lynch au moins autant que de son arrêt prématuré (deux saisons, dont une très courte), elle est restée ouverte aussi bien aux suites imaginaires qu'aux interprétations les plus folles quant à sa chute (totalement inattendue). Son dernier épisode à lui seul est plus riche et original que la plupart des séries (complètes) produites depuis... mais bon, ça, venant de Lynch, c'est le minimum. Ce n'est pas de la série télé... c'est Le Château, de Kafka (quoi les fans ? vous n'aviez pas reconnu ?) : une œuvre totale et labyrinthique dont on ne ressort jamais complètement (et pour cause).

Arrêtons nous ici, même si plus j'écris de raisons plus j'en trouve de nouvelles. Twin Peaks n'est pas parfaite (la seconde moitié de la saison 2 est moins convaincante et même avant cela, la qualité des intrigues secondaires est parfois inégale...), il serait absurde de prétendre le contraire alors que même ses créateurs le clament haut et fort depuis quinze ans. Mais quelque part, elle est mieux que parfaite : elle est unique, inimitable (quoique souvent imitée !) et incontournable. D'une insolence créative et stylistique telle que, même près de vingt ans plus tard, elle fait encore passer la plupart des programmes pour de petits reality-shows désespérément cheaps (ce alors même que, justement, Twin Peaks est parfois volontairement cheap). Et si vous n'êtes pas encore convaincus, cet extrait invraisemblable devrait achever de le faire :

👑 Twin Peaks (saison 1 et 2)

créée par David Lynch & Mark Frost

ABC, 1990-91