On le sait : les français, à les entendre, sont tous rivés sur Arte chaque soir que Dieu fait. Et les courbes d'audience, à les lire, diraient plutôt le contraire. C'est le décalage naturel - pour ne pas dire humain - entre ce le discours et les actes (n'en connaît-on pas d'autres qui s'y heurtent ?), que l'on retrouve somme toute dans de nombreux cas. Par exemple : les français adorent la littérature mais Marc Levy vend plus de livres qui n'importe qui dans ce pays. Ou bien : les gens clament toujours qu'ils recherchent l'originalité dans une œuvre... mais quand un disque réellement singulier parait (celui-ci, ou celui-là), personne ne l'achète et Cali vend par palettes. Ou encore : à en croire les gens qu'on croise ici ou là, tout le monde déteste Sarkozy et personne n'a voté pour lui... même pas les cinquante-trois et quelques pour-cent qui l'ont envoyé à l'Elysée. Autre exemple particulièrement parlant : les suites. Lorsqu'on interroge les spectateurs ou lecteurs, tout le monde ou presque est d'accord pour dire que les suites (à part lorsqu'elles inscrivent dans un cycle prédéfini ou une série annoncée comme telle) c'est nul, ça craint, c'est toujours moins bien (voire carrément raté) - bref : que ç'aurait plutôt tendance à gâcher l'original plutôt qu'à le réhausser. D'ailleurs en réalité si le cadre prédéfini susnommé permet des exceptions... il n'annule en rien la règle : même dans des cycles, il arrive que la suite ne tienne pas ses promesses. Quant aux séries télés... il est connu, prouvé, établi de longue date que la saison 2 est toujours décevante. Et pourtant : autant ce que je viens d'écrire est incroyablement consensuel... autant il doit bien y en avoir, des gens qui aiment les suites. Et même des gens qui les font. Logique.
Alors cette année Tonino Benacquista a décidé de sortir du placard. D'assumer : oui, il est pro-suite. Il ne s'en cache plus. Il adore les suites, à tout, à rien et surtout bien sûr à n'importe quoi. Il a même décidé d'écrire une suite à Malavita, son roman à succès - lui-même n'importe quoi de son état (mais n'importe quoi sympathique). Forcément, le lecteur ayant apprécié le désormais premier épisode est invité à jeter un œil bienveillant au second - ce à quoi il s'adonne non sans une certaine appréhension. Parce que bon, quand même : Malavita, quoi. Le livre était cool, un bon moment de détente parfois très drôle... mais soyons lucides : personne, même parmi les inconditionnels (il y en a) n'a jamais fantasmé sur la suite de Malavita. N'exagérons rien.
Je ne vais pas la jouer au suspens - vous m'avez de toute façon déjà compris : le désastre annoncé a eu lieu - au moins pour ça Malavita Encore tient-il toutes ses promesses. D'ailleurs le titre est explicite : tout est dans le Encore, dans l'amoncellement... la surenchère. C'est pas Malavita II : le retour, non : c'est Malavita ENCORE, Super Malavita, Malavita puissance 10 - ce qui n'est pas peu dire quand on connait le potentiel loufoquerie du Malavita 1.1. Expression délibérée tant le 1.2 désigne parfaitement cette suite qui n'en est pas une, jugez plutôt : la famille Blake s'installe dans un petit village (de la Drôme cette fois), cachant un lourd secret (1) et tentant de résoudre des problèmes somme toute communs à chaque famille "normale"... vous ne rêvez pas : la trame de départ est rigoureusement identique à celle de Malavita premier du nom - et ce n'est pas le seul élément que l'auteur a littéralement dupliqué au sein de ce qui s'avère rapidement être plus un remake outrancier qu'une suite digne de ce nom. L'argument sériel est d'ailleurs balayé d'un revers de main par un Benacquista qu'on a connu infiniment plus inspiré : dans une série, qu'elle soit télévisée (2) ou littéraire, les personnages à défaut d'évoluer radicalement apprennent quelque chose de ce qu'il leur est arrivé lors de la première séquence. Rien de cela ici : Fred (le père) a beau avoir publié le roman qu'il écrivait dans le tome un, il en est toujours au même point de ses tourments existentiels (et dire qu'il avait choisi l'écriture comme une thérapie !), et il en va de même pour chacun des personnages, qui se heurtent à des figures imposées par le concept de suite (notamment les enfants, qui grandissent et connaissent des tourments typiques de leur âge) sans pour autant avoir foncièrement changés entre les deux épisodes. Pour vous dire comme Malavita Encore pourrait s'intituler Malavita 1.2 : je pourrais quasiment copier et coller ici ma critique du 1.1. Notamment ce passage :
"La trame de départ tient au final sur un confetti plié en quatre, l’auteur se contentant derrière de décliner toutes les possibilités qu’elle lui offre – oubliant au passage qu’écrire un livre drôle n’interdit pas de proposer des personnages crédibles".
... à ceci près bien sûr que cette fois-ci Benacquista ne bénéficie plus de l'effet de surprise, et que son parti-pris surenchère de la surenchère a complètement brisé le charme (qui déjà ne tenait qu'à un fil). Bien sûr on sourit un peu, parfois. Et puis l'auteur a toujours le même style agréable, c'est déjà ça. C'est hélas très loin d'être assez : dans Malavita Encore rien ne fonctionne jamais complètement ; péripéties, rythme, dialogues... on n'y croit pas la grande majorité du temps. Comme dans beaucoup de remakes, en fait : on décline une formule éprouvée, tous les ingrédients sont par conséquent réunis pour que ça marche... mais pour une raison impossible à définir précisément, ça ne le fait pas. La faute à l'absence de fraîcheur, sans doute...
(1) ... qui n'est pas dissimulé au lecteur cette fois ; c'est plutôt pour ceux qui n'auraient pas lu le premier que je préserve un semblant de suspens
(2) Sauf dans Nip / Tuck, parce que là, ça fait partie intégrante du concept...
...
Alors cette année Tonino Benacquista a décidé de sortir du placard. D'assumer : oui, il est pro-suite. Il ne s'en cache plus. Il adore les suites, à tout, à rien et surtout bien sûr à n'importe quoi. Il a même décidé d'écrire une suite à Malavita, son roman à succès - lui-même n'importe quoi de son état (mais n'importe quoi sympathique). Forcément, le lecteur ayant apprécié le désormais premier épisode est invité à jeter un œil bienveillant au second - ce à quoi il s'adonne non sans une certaine appréhension. Parce que bon, quand même : Malavita, quoi. Le livre était cool, un bon moment de détente parfois très drôle... mais soyons lucides : personne, même parmi les inconditionnels (il y en a) n'a jamais fantasmé sur la suite de Malavita. N'exagérons rien.
Je ne vais pas la jouer au suspens - vous m'avez de toute façon déjà compris : le désastre annoncé a eu lieu - au moins pour ça Malavita Encore tient-il toutes ses promesses. D'ailleurs le titre est explicite : tout est dans le Encore, dans l'amoncellement... la surenchère. C'est pas Malavita II : le retour, non : c'est Malavita ENCORE, Super Malavita, Malavita puissance 10 - ce qui n'est pas peu dire quand on connait le potentiel loufoquerie du Malavita 1.1. Expression délibérée tant le 1.2 désigne parfaitement cette suite qui n'en est pas une, jugez plutôt : la famille Blake s'installe dans un petit village (de la Drôme cette fois), cachant un lourd secret (1) et tentant de résoudre des problèmes somme toute communs à chaque famille "normale"... vous ne rêvez pas : la trame de départ est rigoureusement identique à celle de Malavita premier du nom - et ce n'est pas le seul élément que l'auteur a littéralement dupliqué au sein de ce qui s'avère rapidement être plus un remake outrancier qu'une suite digne de ce nom. L'argument sériel est d'ailleurs balayé d'un revers de main par un Benacquista qu'on a connu infiniment plus inspiré : dans une série, qu'elle soit télévisée (2) ou littéraire, les personnages à défaut d'évoluer radicalement apprennent quelque chose de ce qu'il leur est arrivé lors de la première séquence. Rien de cela ici : Fred (le père) a beau avoir publié le roman qu'il écrivait dans le tome un, il en est toujours au même point de ses tourments existentiels (et dire qu'il avait choisi l'écriture comme une thérapie !), et il en va de même pour chacun des personnages, qui se heurtent à des figures imposées par le concept de suite (notamment les enfants, qui grandissent et connaissent des tourments typiques de leur âge) sans pour autant avoir foncièrement changés entre les deux épisodes. Pour vous dire comme Malavita Encore pourrait s'intituler Malavita 1.2 : je pourrais quasiment copier et coller ici ma critique du 1.1. Notamment ce passage :
"La trame de départ tient au final sur un confetti plié en quatre, l’auteur se contentant derrière de décliner toutes les possibilités qu’elle lui offre – oubliant au passage qu’écrire un livre drôle n’interdit pas de proposer des personnages crédibles".
... à ceci près bien sûr que cette fois-ci Benacquista ne bénéficie plus de l'effet de surprise, et que son parti-pris surenchère de la surenchère a complètement brisé le charme (qui déjà ne tenait qu'à un fil). Bien sûr on sourit un peu, parfois. Et puis l'auteur a toujours le même style agréable, c'est déjà ça. C'est hélas très loin d'être assez : dans Malavita Encore rien ne fonctionne jamais complètement ; péripéties, rythme, dialogues... on n'y croit pas la grande majorité du temps. Comme dans beaucoup de remakes, en fait : on décline une formule éprouvée, tous les ingrédients sont par conséquent réunis pour que ça marche... mais pour une raison impossible à définir précisément, ça ne le fait pas. La faute à l'absence de fraîcheur, sans doute...
👎 Malavita Encore
Tonino Benacquista | Gallimard, 2008
(1) ... qui n'est pas dissimulé au lecteur cette fois ; c'est plutôt pour ceux qui n'auraient pas lu le premier que je préserve un semblant de suspens
(2) Sauf dans Nip / Tuck, parce que là, ça fait partie intégrante du concept...
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Bon, eh ben, comme pour le Springsteen, je suis d'accord avec toi…
RépondreSupprimerEt encore une fois, c'est d'autant plus emmerdant que j'éprouve de la sympathie pour le "fautif"…
Autant, dans le premier, on pouvait imaginer le plaisir de Benacquista imaginant ce que son héros pouvait faire subir discrètement à ceux qui l'énervaient, autant là, ben non… Je n'ai toujours pas compris pourquoi Benacquista avait écrit ce bouquin. Une dette de jeu, un pari entre potes, une menace envers un de ses proches… ? Il a forcément une excuse.
J'ai surement plus de sympathie pour Springsteen que pour Benacquista, mais on est quand même d'accord... le "pourquoi ?" le cède rapidement au "quel intérêt ?"... et c'est vrai qu'on ne comprend pas trop comment une histoire qui était sympa a pu ainsi sombrer dans le second épisode avec l'accord et la participation de son auteur (au moins au ciné, les suites sont souvent réalisées par quelqu'un d'autre). Enfin si, je crains qu'on le comprenne : "Malavita" un a été un énorme succès (sans doute son plus gros). C'est un peu triste, mais je crois que la morale de cette histoire c'est que même les auteurs sympas et intègres peuvent craquer face à une telle déferlante...
RépondreSupprimerEt si il l'avait écrit parce qu'il n'a pas tout donné dans le 1 ?
RépondreSupprimerNéanmoins je pense que tu es dans le vrai au sujet des auteurs intègres.
Oh bah... je suis sûr qu'il s'est dit ça en toute bonne foi. De cette manière qu'on a parfois de se mentir à soi-même :-) Je me mets à sa place (enfin... j'essaie...), ça ne doit pas être facile de gérer un tel succès, tout le monde doit te dire que tu es génial, faut que tu enchaines...
RépondreSupprimerbah j'ai pas lu le 1 et je n'ai pas trop envie de lire le 2 MAIS je ne suis pas d'accord avec toi sur les suites et les séries, pas du tout d'accord... na ! (en fait j'avais écrit tout un truc mais je l'ai effacé, tu sais très bien tout ça :-)))
RépondreSupprimerAh bon ? Pourtant je suis sûr qu'en cherchant hors cycles et séries "prévues", on ne trouve que très peu de suites dignes d'intérêt. Quelques unes... et beaucoup de ratés, si si. :-)
RépondreSupprimerC'est surtout carrément de la pompe des Sopranos! C'est pas juste une histoire avec une autre famille plus ou moins mafieuse, non. Les personnages sont plus que largement inspirés des Sopranos au point qu'on imagine très bien les acteurs de la série dans le rôle des persos du bouquin de Benacquista, sauf que ce n'est pas aussi passionnant et bien fait.
RépondreSupprimerIl y a une influence, c'est clair... de là à parler de pompe...
RépondreSupprimerRavi de voir que je ne suis pas le seul à y avoir pensé.
RépondreSupprimerBBB.