vendredi 27 mars 2009

L'Amour, roman - Organisme instable

Une critique qui ne date pas d'hier (c'est le moins qu'on puisse dire !), que les msngroups menaçaient d'entrainer dans leur disparition...


Les livres de Camille Laurens sont des sortes de symphonies bâties avec des mots... l'histoire y est presque toujours secondaire, les personnages transparents ou bien apparaissant en creux. Seule compte la beauté du texte, et l'émotion qu'elle provoque immanquablement chez le lecteur. Sensualité, poésie... Laurens est dotée d'une rhétorique bien à elle, unique en son genre, qu'elle a magnifié dans Dans ces bras-là, son chef-d'œuvre (par ailleurs l'un des tous prochains Mes livres à moi (et rien qu'à moi)).

Je l'avoue, si j'ai lu la plusieurs de ses livres (1), je suis loin de les avoir tous aimé. Clairement, il y a (aura ?) dans son œuvre un avant et un après Dans ces bras-là (2). Dont L'Amour, roman, tant dans sa construction que dans son style, pourrait même en être la suite directe - il se situe en tout cas dans sa droite lignée.

L'idée n'étant pas, bien sûr, de donner une définition de l'amour, mais plutôt de savoir comment aimer. Quatre générations de femmes s'interrogent donc sur le sujet, quatre femmes fortes et magnifiques, dont les retours en arrière et les efforts de mémoire offrent à Laurens l'occasion de quelques unes de ces fulgurances poétiques dont elle seule à le secret.

Le problème c'est qu'en l'occurrence, ses évidentes qualités esthétiques ne masquent pas (plus ?) les faiblesses de la narration. Le roman du titre, lancé comme une bravade, tendrait même à faire rejaillir l'un des principaux défauts des moins bons livres de l'auteure : la quasi absence d'histoire crédible. Un nouveau Camille Laurens, ce n'est pas un nouvelle histoire - c'est un nouveau concept. Ainsi Dans ces bras-là reposait-il sur un postulat génial et inédit (nous y reviendrons). L'Amour pour sa part, avec ses portraits croisés féminins, à tout de même un léger air de déjà-vu.

On a, en fait, l'impression d'un cocktails raté : vous savez, ceux où les deux éléments dans le shaker se surperposent au lieu de se mélanger ? C'est un peu de cela qu'il s'agit avec ce roman. D'un côté c'est écrit comme Dans ces bras là, c'est structuré comme Dans ces bras là - et on sent clairement une volonté de rester dans le même registre. Sauf que bien sûr, pas question d'écrire un "Dans ces bras là II" ! Donc on essaie d'injecter des éléments qu'on croit maîtriser... tout en s'auto plagiant aussi - sauf qu'on auto-plagie plus le même aspect du même roman. En somme... L'Amour, roman, c'est un peu une recontre (improbable) entre Dans ces bras-là et Romance, deux très bons livres de la même auteure... qui mixés ensemble ne donnent rien de vraiment palpitant.

Quand vous ratez votre cocktail et que les éléments se superposent, buvez le. Ca a un sale gueule, mais c'est bon quand meme !

Là, c'est l'inverse : le cocktail a une super belle gueule, mais son goût âcre laisse parfois supposer que les fruits n'étaient pas toujours très frais...

Alors, malgré quelques très belles pages, c'est une déception.


L'Amour, roman 
Camille Laurens | Folio, 2004


(1) En fait depuis lors je les ai tous lus...
(2) Je n'aurais jamais cru si bien dire !

3 commentaires:

  1. Je n'avais pas trop aimé non plus. Camille Laurens, il y a des livres que je trouve vraiment remarquables (vous citez "Dans ces bras-là", à juste titre, le dernier aussi), d'autres qui ne me touchent pas du tout (je pense, par exemple, à "L'avenir", vous l'avez lu celui-ci ?). H.

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  2. Les romans de Camille Laurens sont vraiment singuliers et inventif aussi (on ne le dit pas assez). Si la plupart des romanciers contemporains étaient moitié aussi inventifs et courageux qu'elle je passerais ma vie à les lire...

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  3. H.V. >>> J'ai lu L'Avenir, oui, mais il y a quelques années et il ne m'a pas marqué particulièrement. En revanche je n'ai pas encore lu Tissé par mille, mais je vais, je vais !

    Lil' >>> il est sûr que ses livres ont une personnalité très forte, ce qui n'est pas le cas de tous... de là à valider tes propos, il y a quand même une marge...

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